Iconic est une idée du patron de Frontiers Records, Serafino Perugino. Il a convaincu les guitaristes Michael Sweet (Stryper) et Joel Hoekstra (Whitesnake) de s’associer au chanteur britannique Nathan James (Inglorious) pour attirer les projecteurs. Un essai transformé avec la complicité du batteur Tommy Aldridge et du bassiste Marco Mendoza, deux autres figures bien connues des fans de Whitesnake. On n’est donc pas surpris de constater que le répertoire de la troupe s’imprègne de l’album 1987 du serpent blanc.
[Entretien avec Michael Sweet (guitare/chant) par Philippe Saintes – Photo : Enzo Mazzeo]
Second Skin botte le cul ! C’est un album au feeling old school fortement influencé par la musique de Whitesnake.
Une fois le groupe constitué, le but a clairement été d’écrire, enregistrer et produire un disque marquant un retour à la période de gloire de Whitesnake et son album emblématique connu sous le nom de 1987. On en a tous les codes. La mélodie est très présente et on retrouve la même énergie. L’ombre de Whitesnake plane sur Second Skin et on l’assume puisque nous avons pu compter sur deux membres actuels de cette formation, Joël et Tommy, ainsi que son ancien bassiste, Marco. Toutefois, on explore aussi d’autres terrains avec des compositions plus personnelles.
C’est un changement de direction musicale pour toi. Tu n’avais pas encore évolué dans ce registre.
C’est différent de ce que j’ai accompli jusqu’à présent mais j’aime la diversité. Sweet & Lynch est plus bluesy, Stryper est un groupe de heavy metal avec un son mélodique, quant à Sunbomb, l’album que j’ai réalisé avec Tracii Guns (L.A. Guns), il est catalogué doom métal pour son ambiance sombre. Avec Iconic, on est clairement dans un registre classic rock. C’était un parti pris. L’album va toucher les fans qui ont aimé 1987 de Whitesnake. J’espère que David Coverdale, que j’apprécie énormément, aura l’opportunité d’écouter Second Skin par l’intermédiaire de Joël ou de Tommy. J’aimerais vraiment connaître son avis.
Quel a été ton rôle dans la création de Second Skin ?
La composition, les parties rythmiques et les arrangements. J’ai également tenté d’apporter ma signature musicalement parlant. Je me suis beaucoup investi dans ce projet. Joël m’a envoyé quelques idées de riffs que j’ai ensuite retravaillé pour créer les refrains et les principaux riffs. Tout était parfaitement structuré. Une fois ce travail terminé, Alessandro Del Vechio (claviers) et Nathan ont amené les mélodies et les paroles. Chaque musicien a enregistré ses parties individuellement dans différents studios.
Ce n’est pas ta première collaboration avec Joel Hoekstra.
En dehors de la scène musicale, Joel et moi sommes très proches. Ça colle bien entre nous. Je l’apprécie aussi pour ses indéniables qualités humaines. On s’est apporté mutuellement, on échange beaucoup. C’est un guitariste fabuleux. J’ai appris grâce à lui plein de choses sur le plan technique. Il est au sommet de son art. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai fait appel à Joel sur mes derniers albums solos et bien entendu, je compte sur lui pour de nouveaux projets.
Tu chantes en duo avec Nathan sur « Run » et « Second Skin ». Vos deux voix se marient à la perfection un peu comme Glenn Hughes et David Coverdale sur les albums de Deep Purple MK III et IV.
Je suis très flatté car Glenn Hughes est l’un de mes chanteurs préférés. La force de notre duo repose sur notre complémentarité. Cela fonctionne sur l’album précisément parce que nous n’avons pas la même tessiture. Nathan a une voix rauque et puissante. La mienne est plus aigüe. Nos styles sont différents, mais ils collent bien ensemble.
Dans la vidéo de « Nowhere To Run » et les photos promos, tu portes un bandeau noir autour de l’œil droit suite à une intervention chirurgicale.
En effet, suite à un décollement de la rétine, j’ai eu deux opérations à deux mois d’intervalle. Le chirurgien a enlevé la membrane sur la rétine et injecté de l’huile pour maintenir celle-ci en place. Ne pouvant pas voir avec mon œil droit car j’étais également privé de ma lentille, j’arbore effectivement un bandeau dans le clip. Une nouvelle opération est prévue en juillet pour retirer l’huile. Je récupère correctement et tout devrait rentrer à la normale au niveau de l’acuité visuelle. Je dois néanmoins faire surveiller mon œil gauche cette fois afin d’éviter les mêmes complications.
Cela a dû être amusant de tourner les deux vidéos aux côtés de tous ces artistes réputés.
C’est vraiment sur le tournage de « Nowhere To Run » et de « Fast As You Can » à L.A. que j’ai senti que nous formions un vrai groupe. Nous étions tous là en chair et en os après deux années pénibles sous le joug du coronavirus. Tout le monde était de bonne humeur, les musiciens, l’équipe de tournage. Il y a eu de nombreux fous rires, un pur régal. Nous avons mangé ensemble, ce fut un moment convivial. J’espère sincèrement que nous pourrons donner quelques concerts. La difficulté principale est de réunir tout le monde. Joel et Tommy sont en tournée avec Whitesnake. Il s’agit de la dernière mais personne ne sait ce qu’il se passera ensuite. Nathan est occupé avec Inglorious et Marco joue au sein de nombreuses formations. Il a récemment accompagné Journey durant une série de spectacles en résidence à Las Vegas. C’est donc très compliqué de panifier une série de concerts avec un tel line-up mais je reste confiant. Quoi qu’il en soit, il y aura certainement une suite à ce premier opus.
J’ai récemment interviewé John Elefante (Mastedon, ex-Kansas), producteur entre-autre de Petra et de Guardian, deux groupes de rock chrétien, et je lui ai demandé pourquoi il n’avait jamais collaboré avec Stryper. Sa réponse a été : « Tout simplement parce qu’ils n’ont pas besoin de moi. Michael et Robert Sweet maîtrisent parfaitement la destinée du groupe. »
Ouaaah ! J’ai beaucoup de respect pour John. On le connaît depuis le lycée. Nous avons vécu dans le même quartier en Californie. Il est d’ailleurs venu jouer au bal de notre école avec son groupe Elefante. Je comprends son message. Je peux dire la même chose à son sujet et à celui de Dino (Elefante). Ils n’ont pas besoin de nous. Ce sont des artistes talentueux à la fois comme musiciens, paroliers, producteurs et gens de scène. Robert et mos savons comment gérer notre carrière. Je respecte entièrement le point de vue de John. C’est très gratifiant de sa part d’ailleurs.
Ton frère Robert a participé à l’album Coming Home de Cleanbreak en compagnie de Perry Richardson (Stryper) et de James Durbin (Quiet Riot). As-tu déjà écouté leur album ?
J’ai vu les vidéos de « Coming Home » et « Cleanbreak ». C’est génial de voir Robert et Perry dans un autre projet et leur volonté de faire de la musique différente. Imagine une tournée réunissant Iconic et Cleanbreak. Ce serait phénoménale, non ? Je devrais en parler à mon frère. Robert est beaucoup plus réservé et plus réfléchi. Il n’est pas trop friand des tournées de nos jours mais un tel package ne devrait pas le laisser indifférent.
Où en est le seizième opus de Stryper au fait ?
Il est terminé. Les premières compositions seront présentées sur les réseaux durant l’été. Je ne peux pas te donner le titre de l’album au moment de cette interview mais « Transgressor » et « Fear No Evil Hear No Evil » sortiront en single. « Rise To The Call », « Famous Story », « No Rest For The Wicked », « The Way The Truth The Life » sont de vrais morceaux de heavy metal. Il y a une power ballade et quelques chansons rappelant la flamboyance classic pop metal de Stryper. C’est à mon avis le meilleur album de Stryper. Le son, l’atmosphère, l’énergie et la production vont surprendre positivement les fans.
Est-ce que tu peux nous parler des thèmes abordés dans les chansons ?
La pandémie, les rumeurs d’une guerre, les soubresauts de l’économie, toutes les choses qui ont bouleversé et perturbé nos vies à l’échelle mondiale. Nos chansons font aussi preuve d’optimisme pour l’avenir.
À propos de guerre, quel est ton sentiment sur l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes ?
Les images d’actualité montrant les familles évacuant des villes complètement ravagées par les bombes et les flammes est quelque chose que nous ne sommes pas habitués ici aux Etats-Unis. C’est effrayant et absurde. Rien ne justifie cette violence. L’élan de solidarité qui s’est créé dans le monde entier est la seule chose positive dans ce conflit meurtrier. Il reste cependant beaucoup à faire pour aider les réfugiés et les victimes de la guerre.
La tournée 2022 de Stryper est un gros succès aux Etats-Unis.
Nous avons terminé le premier segment de la tournée et nous entamerons la seconde partie durant l’été. Les salles sont pleines. On s’amuse chaque soir avec le public. C’est fantastique ! Nous avons une solide base de fans, peut-être pas aussi importante que Kiss ou Iron Maiden mais nos fans sont loyaux. C’est d’ailleurs la clef de la confiance qui nous est accordée par le label Frontiers vu que les ventes d’albums sont bonnes. Nous avons beaucoup de chance.
La setlist mélange les classiques et des chansons plus récentes comme « Revelation », « Sorry », « Divider » ou « The Valley ». C’est important pour vous de piocher dans le large éventail de votre catalogue ?
Absolument, parce que ce sont des chansons fortes. Je sais que certains préfèrent entendre les titres les plus connus mais je suis vraiment enthousiaste quand je joue live des chansons des quatre derniers disques. Ce mélange est un choix du groupe et les réactions de la majorité du public est très positive.
Te connaissant, tu dois avoir quelques chantiers en cours. Que trouve-t-on au programme ?
J’ai écrit les textes du troisième Sweet & Lynch pendant la tournée printanière de Stryper. En juin, j’ai enregistré les parties vocales. Sortie prévue de cet album au printemps 2023. Je vais retravailler avec Alessandro Del Vecchio pour un disque AOR, dans le style Toto ou Journey. Deux albums solos sont également à l’agenda. L’un est déjà terminé. Ce sont des chansons plus radiophoniques, pas du tout dans un registre rock. Cette année encore, je vais collaborer avec un guitariste prodigieux originaire de Suède mais résidant aujourd’hui en Norvège, CJ Grimmark. C’est un phénomène. La musique est déjà écrite pour un album totalement metal cette fois.
On termine avec une polémique. Le label Girder Music va ressortir le catalogue de Stryper sans votre permission.
Cette démarche vient d’un proche du groupe. Cette personne était au courant de notre volonté de remasteriser les premiers albums de Stryper. Celle-ci a obtenu les droits d’édition de notre musique et ne va pas se priver de commercialiser à qui mieux mieux nos albums. Je suis à la fois déçu et en colère. Nous souhaitons logiquement avoir un droit de regard sur toutes les choses commercialisées et vendues aux fans. On me dit que c’est le business, ça l’est effectivement mais la manière est discutable. Avons-nous été naïf ? Non, nous sommes victimes d’un individu sans scrupules.
A l’écoute de ce Second Skin l’auditeur a l’impression de tomber sur des titres inédits de Whitesnake.
Il suffit d’écouter les chansons pour être convaincu de la chose. Si Michael Sweet et ses camarades ne parviennent pas à véritablement effacer l’album le plus vendu de la formation de David Coverdale, il y a suffisamment de qualité pour classer ce projet dans les bonnes surprises de 2022.
Du hard rock vintage de «Ready For Your Love», «This Way» ou «Enough Of Your Love» en passant par un power rockefficace sur «Fast As You Can» et «All About», ce quintet étoilé joue avec détermination. Guitares jumelles, voix riches et une section rythmique qui impose un groove organique et précis, le disque est nourri tour à tour par la nostalgie et le désir ardent.
Le groupe de vieux briscards se laisse en effet inspirer mais jamais intimider, pas étonnant vu la somme de talents réunis ici par le label italien Frontiers. Les prestations instrumentales, tant individuelles que collectives, sont exemplaires alors que Nathan James continue de marquer les esprits avec sa puissance vocale qui égale les plus grands.
Iconic réussit avec mention son premier examen mais on attend plus d’originalité à l’avenir. [Philippe Saintes]
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