KK’S PRIEST : Le retour du prêtre et de son disciple

En 2011, quelle surprise de taille lorsque K.K. Downing, que l’on pensait inamovible car fondateur de Judas Priest au côté de Ian Hill en 1969, décide de quitter la formation britannique lors de la tournée d’adieu qui n’en fut pas une. Un petit séisme dans le monde du metal. Finalement le légendaire guitariste à la Flying V est revenu à ce qu’il sait faire de mieux : jouer du heavy metal dont il est l’incarnation même ! Après un premier essai très réussi, Sermons Of The Sinner, en 2021, il récidive avec le bien nommé The Sinner Rides Again où l’ombre du géant anglais plane à tous les étages ! Le chevalier du metal est de retour qu’on se le dise, entouré de son chanteur, également ex-Judas Priest. [Entretien avec Kenneth « K. K. » Downing (guitare) par Pascal Beaumont – Photos : DR]

Vous avez donné deux concerts l’un à Wolverhampton (Angleterre) au Kk’s Steel Mill le 6 juillet et un autre à Knislinge (Suède) le 9 juillet 2023. Quels souvenirs en gardes-tu ?
Les shows étaient très bien. On a joué dans une grande salle à Wolverhampton puis nous sommes partis en Suède sur un festival. On a eu quelques petits problème électriques à Wolverhampton mais pour finir tout a plutôt bien fonctionné, et après nous sommes rentrés à la maison.

Tu pratiques la guitare depuis plus de cinquante ans. Quel est selon toi la définition d’un bon guitariste ?
Je vais essayer de te donner une image. Je dirais que quelqu’un comme Jimmy Hendrix en est un. Il a la bonne attitude, le bon look, un son énorme, il jouait très bien, c’était un bon compositeur, de même qu’il était un excellent chanteur, il écrivait d’excellents riffs et ses performances sur scène étaient uniques et impressionnantes. Je ne suis pas moins de penser qu’il avait toutes les qualités nécessaires. J’essaye d’avoir tout ça de mon côté. C’est un peu un modèle qui me guide et que je regarde toujours. Il a été là au tout début et il a influencé le monde entier. Je lui attribue énormément de qualité. Il n’y a pas tant de guitaristes que ça qui peuvent se targuer de regrouper toutes ces qualités. Je souhaite bonne chance à tous ceux qui veulent essayer d’atteindre ce niveau exceptionnel.

Tu as mis du temps à revenir avec ton propre combo KK’s Priest. Qu’est ce qui a motivé finalement ce retour sur le devant de la scène ?
La séparation avec Judas Priest a été très simple. Nous avions décidé d’arrêter et de donner une dernière tournée d’adieu, l’Epitaph tour. À l’origine, après ces dates nous devions arrêter définitivement ce qui était très bien. Il y a de nombreux évènements qui sont arrivés et qui ont fait que j’ai décidé de ne pas participer à cette tournée d’adieu. C’était ma position de départ et puis j’en ai parlé à Glenn et Ian et je me suis dit que quand même ça serait bien que je les accompagne sur cette dernière tournée. Mais le management a alors refusé. J’ai dû renoncer à revenir au sein de Judas Priest. Voilà ce qui a motivé cette envie de créer mon propre groupe, c’est à peu près comme ça que tout a débuté…

Comment as-tu abordé la composition de ce nouvel opus The Sinner Rides Again ?
J’ai toujours eu cette facilité pour écrire. Faire revenir Tim « Ripper » Owens accompagné de A.J. Mills guitare, Tony Newton basse et Sean Elg à la batterie c’était un espoir. On s’est retrouvé ensemble très naturellement pour créer quelque chose de nouveau. On s’est juste réuni pour travailler sur de nouveaux morceaux tous ensemble, et tout est arrivé très rapidement et je suis très heureux que finalement nous ayons déjà à notre actif deux albums. J’ai commencé à travailler sur The Sinner Rides Again au moment des fêtes de Noël, c’est une période propice pour moi. Ça m’a pris à peu près trois ou quatre semaines puis on s’est tous retrouvé ensemble en janvier. Cela a été très rapide finalement.

On retrouve le mot « sinner » dans les deux titres de vos albums. C’était aussi une chanson de Judas Priest qui figurait sur Sin after sin paru en 1977. Il s’agit là d’une référence importante pour toi ce morceau ?
Nous sommes tous des pécheurs. À propos du mot « sinner », tout est un peu ambigu, subjectif et chacun peut en penser ce dont il a envie. « Sinner » fait partie de Judas Priest. Ce sont aussi des pécheurs. Bien sûr il y a cette chanson « Sinner » à laquelle j’ai contribué, je joue les guitares et la partie solo. Les gens n’ont pas la bonne histoire de tout cela, sur mon départ de la formation. Certains ont pu penser que c’était moi le « sinner », le « pécheur », que j’ai décidé de ne plus parler aux autres membres de Judas Priest. Je pense qu’il ne fallait pas impliquer les fans dans tout ce qui est arrivé mais c’est ce qui s’est passé. Il y a tant de raisons qui ont fait qu’on en est arrivé là mais je ne veux pas entrer dans les détails. Les faits sont que c’était une situation très émotionnelle avec beaucoup de sentiments mélangés, il y avait aussi de l’angoisse. Je sais ce que je dois faire désormais que ce soit au niveau des textes, de la musique et de tout le reste. Pour moi c’est du très grand metal, comme une sorte de conte, c’est un peu un film musical. On a tourné de bonnes vidéos pour compléter le tout. On a apprécié tout ça. Je sais que les gens s’intéressent aussi au texte et sont connectés avec nous grâce à cela et à leur vie. Peut-être qu’avec KK’s Priest, ils pourront rester en relation avec nous. On essaye de toucher tout le monde à travers notre musique. On espère qu’ils pourront nous écouter.

Te souviens-tu d’ailleurs de l’enregistrement de ce vieux morceau « Sinner » ?
Oui, bien sûr, je me souviens de sa création et de son enregistrement, c’était il y a très longtemps. C’était une époque formidable, on grandissait artistiquement. Nous étions en pleine évolution, ce fut une sacrée expérience. On essayait toujours de capturer la puissance et l’énergie que dégageait le groupe. Cela nous a pris du temps pour y arriver. On apprenait chaque jour et on a réussi à travailler dans ce sens-là. Je crois que l’on y est arrivé avec notre premier live Unleashed in the East (Ndlr : sortie en septembre 1979, les enregistrements se déroulèrent le 10 février 1979 au Nakano Sun Plaza à Nakano et le 15 février au Tokyo Kōsei Nenkin Kaikan de Tokyo). On a su capter cette énergie et cette puissance que l’on dégageait sur scène. On a beaucoup appris durant cette période.

British Steel est considéré comme l’un des plus grands albums de heavy metal de tous les temps. Te souviens-tu de la façon dont son enregistrement s’est déroulé ainsi que l’écriture de cet album à Tittenhurst Park ?
Cet opus a été conçu en un mois, on écrivait directement au Ascot Sound Studio (Ndlr : dans le Berkshire) ce qui nous facilitait la tâche. C’était magnifique de travailler ainsi à Ascot. C’est une propriété qui appartenait à John Lennon qui l’a ensuite revendu à Ringo Starr. Tout a été composé assez facilement, dans le calme et la plénitude. J’ai beaucoup apprécié ces sessions car c’était très productif et prolifique. Ça se passait très bien entre Glenn et moi, c’était très créatif lorsque nous composions ensemble et pendant des années on s’est partagé les solos jusqu’à la fin d’ailleurs. Les idées et le partage des lead venaient souvent lorsque nous enregistrions après que tout le reste soit fait, les voix, la basse, la batterie. Glenn travaillait souvent le premier, il s’investissait beaucoup. Moi j’étais très relax pour écrire mes parties. Évidemment entre nous deux il y avait une forme de défi mais ces échanges étaient très motivants. C’était très difficile de mettre tout ça en place et de tout orchestrer.

Tu as produit The Sinner Rides Again. Ce n’est pas ta première expérience en la matière en studio car tu avais aussi travaillé sur Jugulator de Judas Priest et le premier KK’s Priest il y a deux ans. Est-ce quelque chose que tu apprécies ?
C’est une sacrée expérience de jouer, enregistrer et produire un album. Mais c’est très bien pour moi désormais car je suis libre. Je n’ai personne sur le dos qui va émettre des critiques sur ce que je faisais et me dire comment il faut travailler. C’est pour cette raison que j’ai voulu tout produire par moi-même. Je peux faire ce que je veux et comme j’en ai envie. Je peux donner le meilleur de moi-même naturellement.

Tu as été l’un des premiers membres de Judas Priest avec Ian Hill après sa fondation car tout débuta en 1969 mais tu es arrivé en 1970. Quels souvenirs gardes-tu de ton enfance, adolescence et de la naissance de ta passion pour la musique ?
Je pense que pour moi tout a débuté alors que j’avais treize ou quatorze ans lorsque j’ai découvert les Kinks avec le titre « You really got me », The Troogs, avec « Wild Thing ». Il y a eu aussi un peu les Rolling Stones, les Small Faces aussi. Tous ces grands artistes et puis par la suite il y a eu aussi tous ces bons musiciens de blues comme Peter Green et puis il y a eu les grands Jimmy Hendrix, Eric Clapton. Et puis tous les autres, comme Rory Gallagher qui était tellement bon… Ce sont mes premiers émois musicaux qui ont fait que petit à petit j’ai évolué. Puis à quinze ans, je me suis acheté ma première guitare acoustique que j’ai payé à l’époque dix livres ce qui représente peu d’argent mais pour moi c’était beaucoup. On était en 1966 et ça représentait deux semaine d’économie, c’était important pour moi. Ensuite cela ne m’a pas pris énormément de temps avant de me lancer dans l’écriture. Je crois que c’était aux alentours de 1968, j’avais dix-sept ans. C’était une époque très cool.

Tom Allom a produit la majorité des albums de Judas Priest qui sont devenus des classiques : Unleashed in the East, British Steel, Point of entry, Screaming for Vengeance, Defenders of the Faith. Comment était-ce de travailler avec lui ?
Oui c’est une référence en tant que producteur, c’était il y a bien longtemps. (rires) Il savait ce qu’il avait à faire et comment il fallait faire pour que nous puissions donner le meilleur de nous-mêmes. C’était un grand producteur qui venait de la vieille école. Il n’intervenait pas au niveau de notre musique, il a peut-être travaillé juste sur quelques arrangements au niveau des harmonies vocales. Il avait de bonnes idées et une excellente expérience. Il avait du talent et c’était une très belle personne. On se sentait bien lorsque l’on travaillait avec lui. C’est vrai qu’il a longtemps travaillé avec nous (Ndlr : de 1979 Unleashed in the East à 2018, le dernier en date étant Firepower), c’est assez incroyable quand on y pense. Il était aussi chargé du mixage. C’est incroyable tout ce qu’il a fait avec nous en studio.

Comment as-tu vécu la cérémonie d’intronisation de Judas Priest au Rock And Roll Hall Of Fame en novembre 2022 ?
Je ne sais pas vraiment, c’est juste arrivé. Je me suis retrouvé sur scène avec Judas Priest mais c’était très différent. Il y avait tout le groupe Rob Halford, Ian Hill, Glenn Tipton et Scott Travis et Les Binks, ça faisait deux batteurs. Ça ressemblait à un concert du Priest (Ndlr : ils ont joué trois morceaux, « You’ve Got Another Thing Comin’ », « Breaking the Law » et « Living After Midnight »). Il y avait aussi Ritchie Faulkner que je ne connaissais pas, je ne l’avais jamais rencontré. J’ai fait ce que j’avais à faire, je crois que ça sonnait comme avant. Je suis certain de ne pas avoir changé.

Quels souvenirs gardes-tu de l’arrivée de Glenn Tipton et Rob Halford au sein de Judas Priest en 1973-1974 ?
Je me souviens très bien de leur arrivée au sein de Judas Priest évidemment, ils avaient envie de nous rejoindre. J’ai tout de suite pensé qu’ils avaient les compétences pour faire partie du groupe. Ça a pris du temps, ce n’est pas toujours évident. Je ne sais pas pourquoi ça a été si long, il a fallu un bon moment de réflexion. Mais le secret pour connaitre le succès c’est d’avoir les bons éléments qui font qu’il va se passer quelque chose de spécial et qui vont rester avec nous. C’était une vraie chance qu’ils se joignent à nous tous les deux. Avoir deux guitares était important et original dans le metal, cette attaque à double guitare avec Glenn était unique. C’est pourquoi nous avons ce duo avec A.J. Mills dans KK’s Priest maintenant.

En décembre 1979, vous avez ouvert pour AC/DC avec pas moins de treize shows en France dont deux à Paris et à Nice. Comment as-tu vécu cette tournée ?
Je n’ai jamais oublié cette tournée européenne en première partie d’AC/DC. Ce sont de merveilleux musiciens. Ils nous ont tellement bien traité, c’est agréable d’être en tournée avec des gens que tu apprécies. Je me souviens très bien de tous les concerts. C’était fantastique d’être à leurs côtés, c’est une période spéciale de ma vie. Rencontrer Bon Scott, c’était un gentleman et il brillait sur chaque morceau, il était immaculé. Je me souviens m’être retrouvé à l’aéroport un matin, je ne sais plus à quelle heure et Bon était là, bien habillé, en forme et très organisé. Chaque soir, il était très bon, il était très spécial.

Pour conclure, souhaites-tu rajouter quelque chose ?
Nous venons de revenir de Belgique où nous avons donné un concert (Ndlr : le 12 aout à l’Alcatraz festival.), c’est très très prêt de la France et on espère pouvoir venir jouer chez vous. On a des dates de prévues en octobre en Angleterre avec Paul Di’Anno, et Burning Witches à Mexico aussi (Ndlr : le 1 décembre 2023 à Parque Bicentenario in Ciudad), au Monster of Rock Cruise en mars 2024. Nous sommes prêts à jouer partout où l’on voudra bien nous faire jouer, cela dépend des promoteurs.


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