À force d’exiger l’excellence, de toujours vouloir se surpasser, d’offrir le meilleur de soi-même aux autres, pour atteindre l’impossible perfection, on peut finir par s’y brûler les ailes, tel Icare volant trop près du soleil. Et à vrai dire, ce duo français constitué de M (guitare, basse, chant) et du batteur Äzh (Natremia, ex-Defenestration) nous avait plus qu’enchantés avec son premier opus, The Eternal Harvest, en 2022 qui nous permis de faire leur connaissance (lire notre interview à l’époque ici). A la vue aujourd’hui du magnifique nouvel artwork signé de l’artiste française Sophie Turbé alias « Sözo Tozö », An Arrow To The Sun est comme une belle pochette surprise : on s’attend donc logiquement à un contenu sonore tout aussi magnifique avec ses six morceaux consistants, voire même à un résultat supérieur à son prédécesseur. Il faut dire que leur label, les Acteurs de L’Ombre Productions, nous habitue là aussi toujours à l’excellence à travers ses sorties régulières de qualité chaque année. Passée une intro lourde et lancinante (« An Elegy to the Fog Dancer ») très doomy, relativement longue et répétitive, on passe la seconde avec le speed « Solar Charioteer » mais c’est une légère déception, car là aussi d’emblée le riff s’avère trop répétitif, et le chant moins typiquement black de M, qui a changé par rapport à The Eternal Harvest, surprend quelque peu. Il se rapproche des dernières expériences solo moins typiquement black justement de Spellbound (Aorlhac) avec Asphodèle, et désormais Jours Pâles. D’une durée de neuf minutes environ, cette première chanson de l’album (l’intro étant une instrumentale) lasse déjà. Les quelques breaks et respirations, marquées par l’apport de quelques interjections verbales, ne suffisent pas à peut-être déjà lasser l’auditeur exigeant que nous sommes…
Le titre suivant, « Représailles », démarre lentement comme l’intro de l’album, puis les chevaux du chariot sont lâchés. Un joli solo de guitare, simple et mélodieux, se fait entendre vers le milieu du morceau mais les parties de batterie un peu poussives et ce chant, relativement plaintif, manquent d’emphase, de puissance. De plus, diverses narrations, tantôt dans la langue de Molière, tantôt dans celle de Shakespeare, apparaissent ici et là, mais c’est trop inégal et plus ou moins judicieux, comme vers la fin de ce titre donc, ou l’intro de « As Iron Calls, So Pile the Dreams ». Sur cette chanson, le break à la guitare acoustique est le bienvenu et séduira les amateurs de black raffiné. Bien sûr, vous l’aurez compris, on n’est donc pas ici dans du Marduk, sombre et brutal, ni du MGLA. Si les influences demeurent scandinaves, nos deux Français avaient cependant déjà réussi dès leur premier album à enrichir la scène black metal française avec leur approche personnelle et mélodique soignée.
Ensuite, les quelques notes du riff d’intro distordu du morceau « The Amber Herd » nous évoquent étrangement, du moins un bref instant, The Animals et leur reprise du folk américain « The House of The Rising Sun » de 1964, popularisé cette même année par notre défunt Johnny national avec sa version «Le Pénitencier »… Enfin, sur l’ultime « Le Chant des Tombes », on retrouve un gain d’énergie notamment dans les riffs de guitares plus mordants, entrecoupés de quelques breaks avec là encore des interjections verbales plus ou moins dispensables (mais c’est voulu ainsi dans l’esprit épique de nos deux musiciens), avec comme une lueur d’espoir, mais un peu tardive. Sur la fin extrêmement bien heavy, très lourde, le riff plombé rappellera Darkthrone à certains nostalgiques. Lunar Tombfields continue ainsi de développer et étendre son spectre musical sur An Arrow To The Sun à travers de longues mélodies, parfois trop longues, emplis de sentiments mélancoliques intéressants et exprimés avec sincérité (ressentie notamment grâce à ce chant déchirant et plaintif de M, que l’on aime ou pas). Mais ces six longues plages à la fois plus fougueuses et organiques, sonnent très live, et contiennent un spleen, certes, déjà présent d’ailleurs sur le plus contemplatif The Eternal Harvest. L’ensemble manque cependant peut-être d’une petite étincelle pour approcher et surtout pouvoir toucher le cœur du soleil visé ici dans le ciel de nos deux artistes. Dans tous les cas, Lunar Tombfields est un jeune combo français à suivre de très près car son évolution ne peut que se bonifier avec le temps et l’expérience, notamment scénique, acquise durant ces deux dernières années. On espère justement les revoir très vite en concert dans l’Hexagone ! [Seigneur Fred]
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