Cela faisait plus de trois ans que les Bordelais de Mars Red Sky ne nous avaient pas proposé de nouvelle composition depuis la sortie remarquée de The Task Eternal en 2019. Et c’est en collaborant avec Helen Ferguson, alias Queen of the Meadow, qu’ils ont choisi de faire reparler d’eux, pour notre plus grand plaisir évidemment. [Entretien avec Julien Pras (guitare/chant), Mathieu Gazeau (batterie), et Helen Ferguson (chant), par Norman Garcia – Photos : Titouan Masse et Rod Maurice]


Il s’est passé plus de trois ans depuis la sortie de The Task Eternal en 2019. Quelles ont été vos principales activités et productions durant tout ce temps ?
Mat : Premièrement nous avons tourné assidûment dès la sortie de The Task Eternal comme nous le faisons pour chaque album depuis maintenant plus de dix ans, puis nous avons dû rentrer subitement chez nous, afin de se confiner en attendant que le covid fasse son spectacle… Nous n’avons pas été de très bons élèves, on n’a pas tout de suite sauté sur l’occasion pour composer, comme beaucoup on a fait un break et ça a été l’occasion d’accomplir en ce qui me concerne des choses personnelles qui attendaient sur une liste depuis quelques temps, de lire pas mal de bouquins et de me recentrer.
Julien : De mon côté j’ai profité de cette période pour finaliser des morceaux que j’avais de côté depuis un moment et d’en faire un album de Victory Hall, un groupe très 90s’ Lo-fi à la GBV, Sebadohe, etc. avec un peu les mêmes copains que Calc et Pull (Hugo Berrouet, David Lespes et Martial Solis, dit “De Total Heaven”). Helen et moi avons également fini d’enregistrer et mixer à la maison le troisième album de Queen Of The Meadow, Survival Of The Unfittest. Sans oublier de bricoler des riffs et autres ébauches pour MRS.
Vous êtes considérés comme l’un des piliers de la scène stoner/psyché/doom hexagonale, est-ce que vous mesurez l’impact que vous avez (eu) sur pléthore de groupes ici en France et plus généralement, quel regard portez-vous sur votre carrière depuis la formation du groupe ?
Mat : Avec le temps, on réalise que notre musique a touché́ et continue de toucher pas mal de gens. Et parfois loin de chez nous. Il arrive régulièrement que des personnes viennent nous parler après les concerts pour nous raconter des anecdotes de leurs vies qui sont connectées avec notre musique, parfois même des choses très perso… Comme je dis souvent, ça c’est le vrai salaire ! Après honnêtement, je ne me rends pas trop compte d’un éventuel impact qu’on peut avoir sur la formation de groupes, mais si c’est le cas, c’est génial et je nous en félicite. Je suis fier et je pense qu’on a de la chance d’être dans un groupe comme MRS.
Julien : Je suis fier aussi de la façon dont le groupe avance et se développe, doucement mais sûrement. On a la chance de jouer souvent à l’étranger, de voir du pays, rencontrer des gens et des groupes supers sur des beaux festivals, de commencer à faire des concerts en tête d’affiche… Je suis toujours aussi étonné et ému de certaines réactions qui sont parfois très fortes… Et tant mieux en effet si on a pu avoir une influence ou donner envie à certains de former un groupe, c’est presque une fin en soi !
Votre nouvel EP a été masterisé par Lad Agabekov, bassiste du mastodonte grindcore Nostromo. Ce choix peut paraître surprenant aux premiers abords, pouvez-vous nous l’expliquer ?
Mat : J’ai toujours redouté l’étape du mastering depuis que je joue sur des disques. La course effrénée au « tout à fond » commencée il y a plus de vingt ans, a tendance à me fatiguer les oreilles. A noter que j’adore Nostromo depuis leurs débuts à la fin des 90’s, je les ai vus live sur ce qui fût le dernier concert de l’ancienne formation près de chez moi à Saintes. Au sujet de ce mastering, je dirai que c’est de loin le meilleur boulot que j’ai entendu, quand j’ai écouté le résultat j’ai cru qu’une Ferrari venait de se garer dans mon salon sans dire bonjour. Pour une fois je n’ai pas senti de compromis, juste du super boulot, net et efficace.
Pouvez-vous nous raconter comment vous est venue l’idée de cette collaboration avec Queen of the Meadow ?
Julien : À la base cette collaboration est née d’une idée de Jimmy; juste après le premier confinement, on avait donné́ un concert diffusé sur Internet et Helen était venue chanter sur un morceau (« Friendly Fire »). On avait tous adoré l’expérience, et de là Jimmy nous a proposés l’idée de faire un album avec Helen; pas juste un nouvel album de MRS avec Helen au chant mais un disque à part, plus collaboratif, et centré autour d’un thème ou d’une idée centrale, en développer une sorte de conte musical, un album concept.. Helen et moi avons planché sur les textes, on a essayé́ des chants, des mélodies sur différents riffs et fait plein de petites démos sur dictaphone, puis on s’est retrouvé tous les quatre avec Mat et Jimmy pour donner corps à certains de ces morceaux. On avait réussi à en sortir cinq ou six titres plus ou moins avancés, mais pour différentes raisons le projet est resté en attente jusqu’à ce qu’on ait à revoir nos ambitions à la baisse. On a décidé de se concentrer sur les deux morceaux les plus forts et les plus avancés pour en faire un EP, mais sur un beau gros vinyle par contre ! (attention par contre, il tourne en 45t !)
Est-il justement prévu qu’Helen Ferguson vous accompagne sur scène lors de vos prochains concerts ?
Julien : Helen sera avec nous sur notre prochaine date parisienne, le 28 avril 2023 à la Maroquinerie. J’espère qu’on trouvera des occasions de faire d’autres concerts ensemble à l’avenir.
Il paraît qu’un nouvel album est en préparation, pouvez-vous nous en dire plus sur son contenu et sa prochaine sortie ?
Mat : On travaille depuis presque un an sur de nouveaux morceaux. Aujourd’hui nous avons les deux tiers de l’album en boite, reste à composer et enregistrer le dernier tiers. On a procédé par paquet de deux ou trois morceaux, que l’on composait et que l’on enregistrait assez rapidement. On ne peut rien dire de précis au sujet de sa sortie, il faut d’abord que l’on finisse de le composer. C’est Benjamin Mandeau qui est derrière la console et qui produit le disque avec nous. Je pense que nous tenons de très bons nouveaux morceaux.
À votre tour, Helen, de nous en dire plus sur vous et votre collaboration avec Mars Red Sky. D’abord, quel a été votre parcours musical et comment est née votre rencontre avec Julien Pras ?
Helen : Mon parcours musical a été très influencé par ma rencontre avec Julien, ou plutôt notre « re-rencontre » car nous nous connaissons depuis que j’ai dix-sept ans ! J’étais fan de son groupe CALC que j’allais souvent voir en concert dans les caves bordelaises. Mais après s’être perdus de vue pendant plusieurs années, nous nous sommes retrouvés en 2010 lorsque je lui ai demandé de me donner quelques cours de guitare. J’ai commencé la musique assez tard (29 ans) mais je me suis très vite mise à composer. Et très vite les cours de guitare se sont transformés en séances d’enregistrement. C’est là que notre collaboration a réellement commencé. Julien s’est mis à m’enregistrer et nous avons commencé à arranger mes morceaux ensemble. Il joue de la guitare, basse et batterie sur les trois albums que nous avons enregistrés ensemble avec Queen of the Meadow et il m’accompagne sur scène.

Vous « travaillez » donc déjà depuis un moment avec Julien au sein de votre projet Queen of the Meadow, mais vous êtes probablement sortie de votre zone de confort en collaborant avec Mars Red Sky : pouvez-vous nous en dire plus sur votre adaptation à leur musique ? Comment Julien P. vous a-t-il convaincu de bosser sur ce nouvel EP du groupe ?
Helen : Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour me convaincre ! J’étais ravie de collaborer avec le groupe et de chanter sur de la musique beaucoup plus « heavy » que la mienne ! Mais oui je suis sortie de ma zone de confort, c’est sûr. Mes chansons sont intimistes et plutôt douces, je ne suis pas habituée à ce volume sonore ! J’avais surtout peur de pas arriver à m’entendre et de me perdre un peu mais au contraire, ça m’a permis d’explorer une voix un peu différente, un peu plus affirmée, surtout sur « Maps of Inferno » qui est très intense. La collaboration pour l’écriture avec Julien n’a pas non plus été évidente, j’ai tendance à me dévoiler davantage et à être plus directe dans mes textes alors que Julien est plus pudique et fonctionne beaucoup par association d’images, ses paroles sont comme des collages cryptés. Mais nous nous sommes bien retrouvés sur des thèmes communs qui nous tiennent à cœur.
Qu’est-qui vous attire le plus dans l’univers de Mars Red Sky ?
Helen : Je connais très peu la scène stoner et même metal en général. Julien m’a fait découvrir quelques groupes mais ce n’est pas mon univers. Mais j’ai toujours aimé Mars Red Sky. C’est très mélodieux et la voix aérienne de Julien est posée en douceur sur des riffs heavy, le contraste me plaît beaucoup.

Quel regard « critique » portez-vous sur la scène musicale française en général, et rock/metal en particulier ?
Helen : Ouh la, c’est difficile comme question sachant que je ne connais pas très bien ni l’une ni l’autre ! La scène française est très riche, pour moi ce n’est pas Juliette Armanet et Clara Luciani, ce sont tous les petits groupes qui transpirent dans des caves et la font vibrer. Je suis plus familière de la scène folk indé mais il me semble qu’il y a plein de groupes de metal français qui font des choses formidables. J’adore Alcest par exemple. Pour ce qui est la scène metal en général, j’ai eu l’occasion d’aller au Hellfest en 2017 pour aller voir Mars Red Sky et j’ai adoré ! Sans même connaître la musique, j’ai passé un moment merveilleux avec ma fille qui avait douze ans à l’époque. J’ai été touchée par la bienveillance du public et l’ambiance festive et bon enfant.
Un nouvel album de Mars Red Sky est en préparation. Allez-vous intervenir sur un ou plusieurs titres ?
Ce n’est pas prévu mais tout est possible ! En-tout-cas, lorsque nous avons fait une résidence ensemble à Angoulême pour préparer l’EP, nous avions commencé à travailler d’autres morceaux. J’espère qu’ils verront le jour…
Publicité