Cette cinquième œuvre de Moonreich se compose de cinq parties qui auraient presque pu faire l’objet d’un simple EP, cinq ans après leur Fugue en 2018 paru chez Les Acteurs de l’Ombre Productions. Tiens, tiens, avant le bien connu chiffre du Malin 666, nous avons là 555, voilà encore une nouvelle façon pour nos Parisiens de se démarquer toujours un peu plus de la scène black metal contemporaine sur l’Hexagone. S’ouvrant sur un son nostalgique qui nous plonge dans les années que nous ne connaitrons jamais avant qu’une déferlante de violence sauvagement mélodieuse ne s’abattent sur nos oreilles. Ici pas de doute, on retrouve les éléments caractéristiques du black metal extrême mais à la sauce Moonreich. Ce son typique du label français fait honneur à la créativité musicale et marquera (espérons-le) les esprits de cette décennie. « Of Swine and Ecstasy », première piste de l’album, est un morceau stratosphérique qui dépasse les limites terrestres du black metal. S’en suit « Amer », titre éponyme, qui démarre sur des blast beat intenses caractéristiques du genre. Malgré les quelques breaks – marque de fabrique de l’album – ce morceau reste probablement le plus représentatif du black metal des Français sur ce nouvel opus. A contrario, « Where We Sink » se veut violent et rapide, puis beaucoup plus lent dans le tempo. Les changements de rythme sont agréablement surprenants, ainsi que les chants et divers chœurs. Une entrée en matière efficace donc, mais qui laisse rapidement place à un tempo plus lent et saccadé à présent, tout comme sur le complexe et dissonant « Astral Jaws ».
Amer se termine en apothéose avec « The Cave of Superstition ». Cette énorme composition (de treize minutes) d’une grande majesté, à la fois solennelle et hypnotique, nous transporte vers le firmament et réussit à nous tenir en haleine jusqu’au bout. L’album est bien construit mais demeure parfois encore un peu timide sur ses sorties de route. On ne reste pas sur sa fin loin de là…mais plutôt on en redemande déjà ! Les ambiances se font de plus en plus aériennes et cosmiques au fur et à mesure que les pistes se succèdent. Les riffs sont d’une violence sauvage voire tribale et nous montrent bien que l’on est en terrain inconnu. Bien que très présents, les breaks atmosphériques permettent de lier les morceaux les uns avec les autres de manière fluide et naturelle. Ni trop longues, ni trop courtes, ces parties instrumentales jouent de manière vive avec nos émotions. Ce rendu très mystique rend l’album plus moderne et actuel. Ce dernier s’ancre ainsi dans l’ère du temps d’une façon tout à fait originale et unique. Souvent qualifiée de post-black metal, la musique de Moonreich est surtout ici lunaire. Elle s’ouvre à différents horizons et différentes planètes, un peu comme Inquisition mais dans un genre plus modéré toutefois. Plutôt mélodique et rythmique que bordélique, Amer rend hommage à la virtuosité de ses créateurs tout en restant classique. On ne peut donc que saluer la belle prise de risques du groupe dans la démarche artistique et musicale. L’ensemble de tempos bridés et décousus forment un équilibre total, empreint d’une identité musicale forte. [Louise Guillon]
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