MORK : Gold fingers

Si l’on connaît tous sans l’ombre d’un doute le célèbre personnage Edward aux mains d’argent, Thomas Eriksen, lui semble viser l’or. Quelques mois à peine après la naissance d’un nouveau projet musical intitulé Udåd (mars 2024), ce musicien de génie ne semble pas avoir étanché sa soif de créativité. Le multi-instrumentiste scandinave est de retour dans l’actualité black metal avec son principal groupe Mork dont le dernier album Syv (« Sept » en norvégien) paraît le 20 septembre 2024 chez Peaceville Records. [Entretien avec Thomas Eriksen (chants, multi-instruments) par Seigneur Fred & Louise Guillon – Photos : DR]

Comment te sens-tu actuellement en Norvège alors que c’est encore l’été ? (Ndlr : entretien réalisé début août 2024) Tu te concentres sur la promotion du nouvel album ou peut-être donnes-tu aussi quelques concerts en Scandinavie et en Europe lors des festivals d’été, que ce soit avec Udåd ou Mork ?
Comme nous nous sommes embarqués dans un nouveau cycle d’albums, il y a un peu de promotion en cours. Principalement des interviews, évidemment, comme avec toi. En tant que groupe, nous sommes également très occupés à répéter les nouveaux morceaux et à préparer les concerts à venir. Nous jouons à l’Open Air de Kaltenbach cet été, puis au concert de sortie du nouvel album intitulé Syv à Oslo le 21 septembre 2024 avant de nous rendre aux États-Unis pour le California Deathfest le 12 octobre 2024. Ce sont quelques concerts exclusifs, donc on espère que les gens fassent un effort pour y assister. (sourires)

À l’origine, au début des années 2000, lorsque Mork a été fondé en 2004 précisément car c’était ton one man band en fait au départ, Thomas. Mais aujourd’hui, il semble que Mork soit devenu un vrai groupe avec d’autres membres, car sur les nouvelles photos promotionnelles, vous êtes désormais quatre. Comment le groupe a-t-il évolué en quatuor et pourquoi ? Dans ce but de donner une vie en live avec des concerts à partir de maintenant ?
Eh bien, Mork en tant que groupe live est actif depuis 2015. La raison est précisément de pouvoir faire des tournées, oui, et d’apporter ma musique sur scène. Néanmoins, toute la musique et tous les albums sont toujours créés par moi seul.

Comment alors as-tu recruté les nouveaux musiciens pour Mork ? Y a-t-il eu une sélection difficile et exigeante avec par exemple tous les clichés d’antan qui vont avec, du genre des prières louant Satan dans les bois sombres durant l’hiver, jouant de leurs instruments à l’extérieur sous la neige dans la nuit ? (rires)
Disons que j’ai engagé un nouveau bassiste le lendemain du jour où le précédent a quitté le groupe, tout simplement… (rires) 

Plus sérieusement, Thomas : quelles sont tes principales influences musicales selon toi ? Seulement le vrai black metal norvégien comme Gorgoroth, Darkthrone, Satyricon, Taake, etc. ? D’ailleurs seulement du metal extrême ? Un peu de musique folk peut-être car on en perçoit aussi sur Syv par endroit quelques parties folkloriques scandinaves de très bon aloi sur ce septième album studio ?
Quand je parle des débuts de Mork et des premiers albums, je dois blâmer Burzum et Darkthrone pour leur influence principale. Je l’avoue. Ces deux-là se sont mélangés à des choses personnelles et à la nature. Les derniers albums n’ont pas d’influences particulières. C’est surtout la vie, les expériences, l’art, les films et évidemment un mélange de toutes les musiques que j’ai entendues au cours de ma vie, et donc forcément le black metal norvégien. Je garde le son et l’ambiance dans les limites de ce que je considère personnellement comme du black metal, cependant, et que je perçois et façonne à ma manière.

Sur la chanson intitulée « Holmgang », il y a des parties folkloriques et des voix claires. Cela m’a rappelé un peu de vieilles choses faites par Ferniz (Darkthrone) dans son ancien projet appelé Storm. Est-ce la première fois que vous utilisez du violon et des parties folkloriques comme cela dans la musique de Mork ? Et de quoi parle cette chanson dans les paroles ?
La première fois que j’ai utilisé un violon ou un instrument à cordes, c’était sur « Den Lukkede Porten » sur le second album de Mork. J’en ai utilisé plusieurs fois dans mon catalogue. C’est une touche agréable et j’ai la chance d’être ami avec un homme extrêmement talentueux qui enregistre ces instruments sur bande pour moi. Au passage, merci, Freddy ! « Holmgang » est l’une des rares pistes à thème, en fait. « Holmgang » se traduit à peu près par « duel » en anglais. Il s’agit d’une ancienne façon de régler un différend entre deux tiers, où deux hommes sont placés sur une petite île et doivent se battre jusqu’à la mort. Une bonne façon de faire passer un message, non ? (rires)

Les chœurs et les voix claires sont superbes et donnent la chair de poule à l’écoute de certaines chansons comme sur le nouveau single « Utbrent », « Heksebål », ou donc « Holmgang » par exemple. Avez-vous travaillé dur, surtout en studio, pendant l’enregistrement de ces chansons ?
Merci pour le compliment ! Je ne veux pas passer pour un connard pompeux, mais je suis plutôt doué pour ce genre de choses. C’est ma zone de confort et j’aime bien faire des variations comme ça, avec la voix et les mélodies. Cela vient naturellement et je peux rapidement entendre si une partie en a besoin. Mais merci. (sourires)

Quand et où avez-vous enregistré ce nouvel album de Syv ? As-tu ton propre home studio ? Comment se sont déroulées les sessions d’enregistrement avec les nouveaux membres ou tu fais tout tout seul ?
J’enregistre moi-même dans mon propre studio. C’est moi, moi et moi tout seul avec mes démons et mes frustrations. Je fais cependant le mixage et le mastering dans différents studios. Et comme c’est devenu une tradition, Freddy Holm ajoute ses grandes compétences à la composition en superposant divers instruments à cordes comme évoqué précédemment, ainsi que des synthés analogiques.

Mais quel est ton principal domaine de travail : écrire des paroles ou composer de la musique ? Tu avais déclaré dans une interview passée que les paroles de Mork étaient comme des poèmes, d’où ma question…
En tant que groupe solo, mon travail concerne tout ce qui est lié à Mork. Je fais tout.

Au fait, que signifie « Syv » et peux-tu nous expliquer ce choix de titre ? S’agit-il d’un album conceptuel ?
Le chiffre « sept ». Il a de nombreuses significations et peut être interprété de différentes manières.

Ta musique reflète-t-elle ta propre identité ou celle de la culture black metal norvégienne, ou est-elle un point de rencontre entre tes aspirations et la Norvège, berceau du black metal ?
C’est tout à fait personnel. En fait, les albums sont un bi-produit de mon être, je dirais. Mon chemin dans la vie et la façon dont je la vis, dans le bon comme dans le mauvais sens. Pour moi, le black metal est aussi quelque chose de personnel avec ma propre touche… comme je pense qu’il devait l’être dès le départ. Au diable les tendances et les tentatives de satisfaire les attentes concernant un « vrai » cliché.

Pour résumer, dirons-nous que Syv est ton album le plus mature et le plus diversifié jusqu’à présent mais aussi le plus représentatif de ta personne, d’une certaine façon ?
Oui, c’est une représentation de moi au cours des deux dernières années. Je suppose que c’est le cas, car je suis un peu plus âgé et donc un peu plus expérimenté à présent… (sourires)

Avant de conclure, Thomas : quelques mots, s’il-te-plaît, sur Udåd, ton side project sorti plus tôt cette année 2024 également sur Peaceville Records de manière plus traditionnelle ?
Ah, mon frère jumeau, laid et maléfique… Depuis que Mork suit sa propre voie imprévisible, à la fois en termes d’approches musicales et thématiques, j’avais besoin d’un autre exutoire pour les aspects les plus primitifs de ma démarche artistique. Un black metal laid, necro et basique traverse toujours mon esprit et mon corps, et je dois le pratiquer d’une manière ou d’une autre. Il ne serait pas juste de faire tout d’un coup un album low-fi de Mork, comme mon premier album Isebakke. Cela a déjà été fait. Faire d’Udåd un nouveau projet parallèle s’est donc révélé nécessaire à ce stade pour moi. D’ailleurs, respect et gratitude au label d’ailleurs Peaceville Records pour l’avoir pris en charge. L’atmosphère brute et douloureuse y a été extraite et a saigné de mon corps dans cet album.

J’ai cru comprendre sinon que tu es également journaliste/reporter libre en marge de l’activité de Mork, pour un fanzine sur internet, un peu comme nous à Metal Obs. Peux-tu confirmer ? Si oui, où peut-on trouver tes interviews, tes chroniques et tes comptes-rendus de concerts ? Et est-ce là peut-être ton travail quotidien en dehors de la musique ?
Ha ha, pas du tout ! (rires) J’ai juste fait un podcast pendant la pandémie du covid, à titre expérimental. Mais c’est tout. Il y a une trentaine d’épisodes. Je m’asseyais avec des amis et des artistes du monde du black metal. Des conversations naturelles sur l’histoire de chacun… Rien de plus.

Quels sont les projets avec Mork ou Udåd jusqu’à cette année et la suivante ? Une tournée européenne ? Et une tournée américaine aussi peut-être ? Peut-être pourrions-nous vous voir en France lors de festivals metal d’été (Hellfest, Motocultor, Cernunnos Festival, etc.) ?
Nous avons quelques concerts de prévus ici et là, j’espère que nous en aurons d’autres avec le temps. On a déjà eu le plaisir de jouer au Hellfest pour la première fois cette année 2024, ce qui était énorme pour nous. Ce week-end, nous allons en Autriche pour jouer au Kaltenbach Open Air avec Udåd. Le lendemain de la release party de Syv (21 septembre 2024) avec Mork, nous avons un concert exclusif à Oslo, auquel beaucoup de monde devrait se rendre. Enfin, on est également impatients de retourner aux États-Unis en octobre pour le California Deathfest. Oh, et le groupe se rendra aux Caraïbes l’année prochaine (2025) pour participer à la fameuse croisière 70 Tons of Metal.  J’espère donc vous voir tous quelque part !

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