MORK : Syv

Syv - MORK
MORK
Syv
Black/pagan metal
Peaceville Records

Si avec Mork, Thomas Eriksen s’efforce de maintenir l’héritage du black metal traditionnel de son pays natal, Syv, septième et dernier album en date du one-man band devenu quatuor, sort toutefois un peu du cadre de ce froid monochrome venu du nord. De par des codes bien établis depuis plusieurs décennies, ce genre néglige quelque peu l’importance de la créativité musicale de ses porte-étendards les plus intimes soient ils, en les copiant simplement. À ce titre, Syv est certainement l’album plus diversifié et le plus développé du groupe à ce jour en termes d’expérimentations, démontrant la progression fulgurante de Thomas Eriksen dans l’art de l’écriture des chansons et leur composition. Qui dit « black metal », dit bien évidemment ambiance sombre, menaçant, lourde (« Med Doden Til Folge ») et mortifère (« I Tåkens Virvel ») soutenue par des blast beats et riffs dissonants et agressifs (« Utbrent ») typiques du genre. Jusque là, du « true Norwegian black metal », vous direz-vous ? Oui, mais du bon ! Et avec du goût, car on est devenu exigeant même si l’on est fan des Darkthrone, Gorgoroth, et autres combos cultes des années 90 toujours vivants ! Mais dans ce paysage lugubre, progressivement émerge la véritable identité musicale de Mork. Au-delà de cette épaisse brume noire se dévoilent des guitares aux accents beaucoup plus mélodiques notamment sur « I Tåkens Virvel », titre d’ouverture de ce nouvel album. Le crescendo de caisse claire vient y casser le rythme avant que des guitares saccadées ne fassent leur apparition. Ce titre plein de surprises, est tout simplement frénétique. Son orchestration, quelque peu originale, lui octroie une véritable profondeur.

En repoussant toujours un peu plus les limites de son genre de prédilection, Thomas Eriksen se tourne vers des compositions plus avant-gardiste et d’inspiration folk sur certains passages, à l’image de « Homlang ». On pense alors au side-project de Fenriz, Storm, auteur d’un seul LP dans les années 90… La basse y occupe une place prépondérante et accentue la lourdeur groovy du titre. Le choix de délaisser les guitares pour sa consœur à quatre cordes marque un peu plus au fer rouge la patte artistique de Mork. « Heksebål », troisième titre et second single promo de l’album vient prendre le relais. Sans pour autant dérouter ses auditeurs, les tonalités sombres au rythme cassé, voire déstructuré, dominent. En opérant sans cesse un passage entre le black metal traditionnel et les sonorités avant-gardistes, presque shogazes (« Heksebål », « I Tåkens Virvel »), Mork joue selon ses propres règles. C’est bien ficelé, osé même, sans abus. Avec « Til syvende og sist », ce jeu prend fin tout en atteignant son paroxysme. La douceur sensible du violon vient parfaire ce que Thomas Eriksen démontre depuis déjà sept titres, une virtuosité et un culot sans pareil pour emprunter, casser, remanier et réinventer les codes du black metal. La présence du violon tisse le fil entre « Til syvende og sist » et « Omme ». D’une délicatesse inédite, « Omme » vient achever ce voyage somptueux dans l’univers et l’âme de Mork. Cette ballade, caractérisée par son chant clair posé sur une guitare acoustique folk, prend à contre-pied tout ce qu’on a pu entendre jusqu’alors. Avec Syv, Thomas Eriksen défie plus que
jamais les codes du genre. Toujours à la frontière entre tradition et modernité, le groupe Mork (même si ‘est le travail en amont d’un seul homme) déploie ici tout son potentiel créatif et trouve un véritable équilibre qui ne demande qu’às’exprimer très bientôt sur scène, nouvel objectif de son leader. [Louise Guillon]

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