La formation roumaine Negură Bunget fait partie des premiers âges du black metal, au cœur des années 90. Jusqu’à la « sécession » grave de 2009 où le cofondateur du groupe Hupogrammos Disciple ne parte avec le guitariste Saul Faur fonder Dordehuh. Negru (Gabriel Mafa) a alors continué, notamment avec Inia Dinia, la claviériste/chanteuse dans un premier temps, enfin avec un line-up certes renouvelé en 2013, pour entamer la trilogie mystico-folk transylvanienne. Mais Negru (R.I.P.) nous quitta en 2017, après le second volet de cette trilogie. Les albums Tău et Zi restèrent alors orphelins du troisième volet que nous ne pouvions plus attendre… La magie de cet opus résidait dans des démos de 2018 (année de sortie initiale) qui subsistaient alors, qui sont aujourd’hui reprises par un groupe fantôme n’existant plus, et qui n’existe de nouveau plus…
Ce neuvième album studio au total pour la mythique formation en sommeil des Carpates est bien cependant le chant du cygne de Negură Bunget. Alors que nous réserve ce voyage dans ces « montagnes spirituelles et ces mystérieuses forêts impénétrables » de Roumanie ? Les vocaux qui s’élèvent sont plutôt doom/black aujourd’hui, pas hargneux (enfin tout est relatif), mais profonds et contemplatifs. Un chant d’un dieu païen sur des nappes atmosphériques et folkloriques, au cœur d’un Asgard roumain, en dominance. Ces moments de rêveries brumeuses sur des longs morceaux de bravoure sont brusquement interrompus par des orages métal, aux tempi soit lents et lourds (« Iarba Fiarelor« ), soit en roulements de tonnerres (« Obrazar » et « Tinete Fara Batranete« ). Les parties folk à base de flûtes et vocalises nous laissent au détour d’un chemin à l’approche d’une clairière. On y entend alors divers sons chamaniques troublants dans une nature à la fois charmante et dangereuse, comme chez les Sibériens de Nytt Land. On y perçoit les oiseaux dans le ciel (l’ouverture « Brad » de l’album)…
« L’amie » de toujours, en la personne d’Inia Dinia, revient poser son chant clair suave habité dans son ancienne formation d’antan. Ses vocaux évocateurs sont comme au temps de Din Brad, son nouveau projet d’alors avec le défunt Negru. Sur la chanson « Iarba Fiarelor« , on est parfois proche de l’approche doom metal brute mais déjà atmosphérique du The Gathering des débuts (période Always) avec ses envolées death/doom magiques. Zău est donc un subtil mélange de folk atmosphérique et de doom/black, avec de très bons ponts et arrangements.
Alors oui, de ci, de là, on trouve quelques longueurs, de légers petits défauts folk… mais cet opus clôt au plus haut la trilogie, et il ravira les fans pour de nombreuses écoutes ésotériques. Un album profond et hanté, avec un bel hommage au batteur Negru (les cors funèbres du dernier morceau « Toaca Fin Cer« ). Un moment de rêverie rare, baigné dans les éléments naturels, pour l’auditeur, et la boucle est ainsi bouclée. Dans la paix, « De Profundis » comme le disent les inscriptions plus près de chez nous sur les tombes auvergnates. [Morbidou]
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