Depuis le précédent disque Fearless Walk to Rise paru en 2015 et l’arrivée du chanteur Mick dans No Return, ce vétéran de la scène Death/Thrash hexagonale des années 90 semble vivre une seconde jeunesse. Nous avons fait le point avec son sympathique guitariste virtuose à l’occasion de la sortie de leur très bon dixième album The Curse Within en évoquant quelques bons moments du passé, mais aussi leur futur immédiat comme cette alléchante tournée européenne à venir avec, excusez du peu, Cannibal Corpse et The Black Dahlia Murder…
[Entretien avec Alain « Al1 » Clément (guitares) par Seigneur Fred]
Tout d’abord, j’ai appris que vous allez bientôt tourner avec Cannibal Corpse et The Black Dahlia Murder en février 2018 à travers l’Europe, c’est génial ça comme affiche pour votre carrière, non ?
Oui, on intègre la tournée européenne de ces deux supers groupes américains début 2018 hors France. On vient déjà de faire une tournée française cet automne avec le groupe espagnol Angelus Apatrida. Et après, on tournera donc sur l’Europe avec eux du 9 février au 25/02/2018. Ensuite, l’autre groupe français In Arkadia prendra le relais sur l’affiche en première partie à notre place à la fin…
D’ailleurs, vous avez un point commun avec les Américains de Cannibal Corpse car ils ont enregistré leurs premiers albums aux Morrisound Studios à Tampa (Floride) avec Scott Burns puis Jim Morris, alors que votre second album Contamination Rises fut enregistré dans ce même célèbre studio en 1990-1991, mais avec son autre co-fondateur : Tom Morris (producteur d’Iced Earth, Coroner, Morbid Angel, etc.). Te souviens-tu de cette époque-là à vos débuts, car tu es le seul rescapé du groupe désormais à avoir connu ça ?
Tout à fait, on était jeune, c’était le deuxième album alors de No Return. Je ne m’en souviens plus trop à vrai dire… (rires) Mais on avait été effectivement enregistré aux Morrisound Studios, car c’était à l’époque le studio d’enregistrement incontournable, en quelque sorte le temple du Death Metal avec Morbid Angel, Coroner, etc. qui passaient par là…
Sinon, es-tu toujours en contact avec Markus Edelmann, alias Marquis Marky, le célèbre batteur de Coroner qui avait produit votre tout premier album Psychological Torment (NLDR : également batteur dans Apollyon Sun (le side-project de Tom G. Warrior), et auteur de l’artwork du troisième EP de Celtic Frost, Tragic Serenades) ?
Oui, plus ou moins. Avec lui, on s’était revu quand on avait joué tous deux la même année en 2012, je crois, au festival Motocultor, cela remonte donc déjà à quelque temps… On était très contents de se revoir, mais depuis, il a quitté Coroner malheureusement (NDLR : Marquis Marky a quitté Coroner en 2014).
Et au fil des années, tu es resté en contact avec tous ces groupes de la scène française, européenne ou américaine ?
On s’est parfois éloigné, mais en général oui. Ce fut une superbe expérience de travailler avec lui à l’époque de ce second album. Depuis qu’il a quitté Coroner par exemple Markus, je n’ai plus trop de nouvelles…
À propos à présent de votre nouvel album The Curse Within, ce dernier a été par contre enregistré et mixé avec Jacob Hansen (Hatesphere, Volbeat, Pyramaze…) au Danemark. Vous n’envisagez pas un jour de retourner aux Etats-Unis pour y enregistrer un prochain album, par exemple avec Erik Rutan aux manettes ?
Bah écoute, on est déjà très content du travail accompli une nouvelle fois par Jacob Hansen. Il avait déjà bossé avec nous sur l’album précédent Fearless Walk to Rise et le son est excellent. Tu sais, cela requiert pas mal de moyens financiers et dépend des plannings de chacun, il y a beaucoup de conditions, mais après, pourquoi pas un jour retourner là-bas si l’occasion se présente… On a avant tout cherché un producteur européen, car je trouve qu’on a déjà de bonnes choses ici en Europe, et même en France.
Alors ce dixième album s’appelle The Curse Within (NDLR : La Malédiction à l’intérieur en français). Quel est le sens ici au juste de cette « malédiction » ?
Il n’y a pas vraiment de message caché. Si tu veux, c’est histoire de dire que l’Homme, de tout temps dans son histoire, a toujours des pensées plutôt destructrices et continue malheureusement dans ce sens, comme un poison pour lui-même en fait, que ce soit envers le matériel, son environnement ou l’humain comme ses semblables. Cela fait référence au serpent que l’on retrouve sur la pochette de l’album.
No Return n’a jamais par contre traité de sujets religieux, politiques ou gore contrairement à ce qui se fait dans le Death ou Thrash Metal en général ?
Non, c’est vrai. Il n’y a aucune référence politique ici même si indirectement dans tout ce qui touche à l’Homme et ce qu’il fait dans ses choix, il y a aussi la politique et les actions de l’Homme au quotidien avec leur impact. Mais dès le départ avec No Return, dès le premier album Psychological Torment, cela a toujours été plus une réflexion sur le comportement humain et ses conséquences. Mais le côté gore ne nous a jamais vraiment attirés même si la pochette de Contamination Rises pouvait faire penser cela, mais les textes traitaient alors déjà des actes négatifs de l’Homme en général.
Si on revient sur votre précédent disque, Fearless Walk to Rise, peut-on parler d’une nouvelle ère pour le groupe depuis 2015 avec l’arrivée de votre nouveau chanteur Mick au micro ?
Complètement. Avec cet album Fearless (…) on avait vraiment la volonté de remettre No Return sur les routes à l’échelle européenne. C’est pour ça qu’on alors fait beaucoup de dates de concerts pour cet album avec une tournée française et deux tournées européennes. Et c’est vrai qu’avec le recul sur cet album précédent, les échos ont plutôt été bons et les gens l’ont bien apprécié en accueillant très bien Mick, notre nouveau chanteur. On avait donc à cœur de défendre ce disque un peu partout avec lui. Cela a posé aussi les bases du nouvel album aujourd’hui.
S’agit-il d’une troisième ère en quelque sorte pour No Return, non ?
Écoute, je ne sais pas trop, on ne se pose pas vraiment ce genre de question dans ce sens-là. On fait avant tout ce qui nous plaît du mieux possible. À partir du moment que l’on a eu un nouveau chanteur, il est clair que ça donne une nouvelle dynamique dans le groupe et un nouvel apport artistique d’un point de vue créatif, donc une nouvelle phase…
Quelques mots justement sur votre chanteur actuel Mick ? Son background ?
Bien sûr, il était avant dans Destinity (NDLR : groupe français de Black/Death symphonique ayant évolué vers le Thrash/Death à présent). Il avait fait pas mal d’albums avec eux, et on avait déjà tourné en 2006 avec lui et son groupe de l’époque lors d’une tournée commune avec Decapitated, avant l’accident des Polonais…
Alors comment s’est déroulé ce second enregistrement au Danemark chez Jacob Hansen ? Quelles sont les principales différences par rapport à un producteur américain ou même français dans la manière de travailler ?
Pour nous, c’est assez similaire, car on recherche tous deux dans notre manière de faire de la qualité. Il axe beaucoup son travail en amont sur les prises de micro, leur placement avec beaucoup de soin, etc. Mais c’était déjà ainsi lors de notre second album que l’on évoquait précédemment aux Morrisound Studios aux Etats-unis. Ce sont deux écoles différentes, certes, mais au-delà de la nationalité, la recherche de la qualité et d’un équilibre sonore le plus juste dans les prises pour avoir les meilleures possibles, puis leur mixage, constitue le point commun entre elles. Avoir le meilleur son final grâce à de bonnes prises, c’est l’objectif.
Le son sur The Curse Within est d’ailleurs énorme une nouvelle fois, à la fois très puissant, moderne, et chaleureux, avec cette touche scandinave…
Tout à fait, c’est la force justement de Jacob Hansen dans son travail en ayant une approche moderne avec cette touche scandinave, comme les Suédois. Cela fait déjà quelques années à présent que l’on a cette touche suédoise depuis l’album Inner Madness avec un Thrash/Death axé sur les mélodies des guitares. Pour nous, c’est donc vraiment parfait au niveau sonore cette collaboration avec Jacob Hansen. On a trouvé ce parfait cocktail entre agressivité et mélodie avec ce son qui est d’enfer.
Il y a eu une pré-production en France notamment au niveau des guitares dans ton home studio, ou bien vous êtes allés directement chez Jacob Hansen dans ses studios pour enregistrer le tout au Danemark ?
On a surtout enregistré la batterie, la basse et le chant là-bas mais pour les parties de guitares, on a fait ça chez moi. En fait, on a procédé à la technique dite de « reamping », c’est-à-dire que tu enregistres ton signal pur entre guillemets, signal que l’on appelle « « dry », et après, c’est là qu’intervient ensuite tout le travail de l’ingénieur son qui a son mot à dire en studio pour reprendre tout ça et l’intégrer à toutes les autres parties instrumentales pour mixer le tout. Mes parties de guitares ont donc été enregistrées en France sans effet, elles sont le plus propre possible pour pouvoir être reprises et être traitées avec le « reamping ». Ensuite, il y a le mixage et le mastering. Jacob Hansen travaille avec à la fois du vieux matériel, de vieilles têtes de micro avec un grain plus old-school, de vieux amplis, etc. et du matériel dernier cri, tout dépend des groupes. Il a toute une palette et arrive à trouver le bon mix pour avoir un son moderne avec en même temps des touches à l’ancienne sur certains instruments et effets.
Les mélodies à la guitare sont très travaillées, encore plus que sur Fearless Walk to Rise même…
Oui, No Return a toujours été de toute façon un groupe axé sur les guitares au niveau des compos. On a beaucoup travaillé là-dessus avec l’autre guitariste du groupe Geoffrey. Et Jacob Hansen sait mettre en valeur les guitares. Le son n’est pas identique non plus par rapport à Fearless (…) car Hansen a pas mal bossé aussi sur le duo basse/batterie. Et sur les leads de guitares, c’est vrai qu’on s’est fait plaisir.
On ressent par exemple bien vos influences scandinaves comme sur la chanson « My Last Words »…
On ne s’en cache pas, car on a intégré ça dans notre son depuis presque une dizaine d’années de toute façon. C’est ce qui nous définit aujourd’hui, ce mélange d’agressivité et de mélodie.
Il y a une certaine mélancolie qui se dégage parfois sur The Curse Within, que ce soit à travers les titres de certains morceaux que dans leur ambiance. Je pense par exemple à « Just Passing Through » ou bien « Memories Turn To Ashes »…
Oui, complètement. On a essayé de varier tout de même les ambiances sur le nouvel album, comme « Just Passing Through » qui est un morceau mid-tempo, afin d’apporter plus de variété dans l’album plutôt que d’être à fond tout le long de l’album. Et cette mélancolie se manifeste aussi par le titre de l’album tout simplement.
Enfin, pour conclure, quel est l’objectif de No Return avec ce dixième album ?
Hé bien, comme on a pu l’évoquer au début de cette discussion, pour nous le but est d’aller jouer un peu partout et le plus possible, aussi bien en France qu’en Europe. On avait déjà pas mal tourné avec le précédent album ailleurs qu’en France, alors cette fois, on va continuer dans ce sens. On a vraiment à cœur de présenter et défendre The Curse Within sur scène et vous voir. Aux Etats-Unis, on n’a jamais joué là-bas et à présent c’est plus compliqué pour y aller maintenant. Et puis il y a toute une logistique, les billets d’avion ne sont pas donnés non plus, donc il y a une question de moyens, mais si on a l’occasion, on y ira, notamment même au Canada.
En tant qu’artiste Métal de la scène française, as-tu vu le regard changer par rapport à la concurrence en côtoyant des groupes étrangers ou bien même des producteurs étrangers comme Jacob Hansen ?
Je pense que de toute façon le regard a changé depuis déjà un bon nombre d’années maintenant, car il existe pas mal de groupes français qui s’exportent et vont à l’étranger comme Gojira par exemple, que ce soit pour tourner, mais aussi enregistrer. Il n’y a donc plus de complexes à avoir par rapport aux artistes étrangers. Nous avons de très bons groupes français dans tous les styles confondus du Métal de toute manière. Quand on tourne avec d’autres formations, qu’ils soient américains, finlandais ou espagnols comme récemment Angelus Apatrida, pour moi, on est tous des musiciens avant tout et le critère de nationalité n’existe plus dans ce cadre. Il n’y a pas une scène nationale plus méritante qu’une autre, je pense que ce n’est plus vrai de nos jours, car les barrières sont tombées. Il y a presque a contrario une saturation de groupes à l’échelle mondiale avec internet et du coup, les tournées sont encombrées, car il y a beaucoup de concurrence sur la route d’une certaine façon. Il est très facile de sortir un album à présent. Ce qui fera la différence pour tirer son épingle du jeu, il faut que tu aies déjà un bon produit et arrives à être présent en live en te montrant un peu partout dans les salles de concert et festivals.
Des projets de participation à des grands festivals de Métal français et européens l’an prochain peut-être ?
C’est encore un peu tôt pour l’heure, mais on y travaille. On va essayer de faire un maximum de festivals l’année prochaine, bien sûr !
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