Au fil des années, Orden Ogan s’est imposé comme une valeur sûre du dark power metal outre-Rhin. Ses concepts d’albums se sont toujours avérés ambitieux et payants avec au centre, l’histoire de son personnage fétiche Aleister Vale. The Order Of Fear (Reigning Phoenix Music) ne déroge pas à la règle et nous transporte dans un univers sombre et macabre où la mort règne sans merci à travers une saga éternelle. Nous avons taillé le bout de gras avec l’un de ses membres. [Entretien avec Sebastian « Seeb » Levermann (chant/claviers) par Pascal Beaumont/Laurent Machabanski – Photos : DR]
Tu reviens d’une longue tournée au côté de Feuerschwanz qui a eu lieu du 11 avril au 4 mai 2024. Comment as-tu abordé cette série de dates ?
C’était incroyable ! On était donc avec le groupe Feuerschwanz, ils ont bien progressé depuis quelques années et je me souviens encore lorsqu’ils jouaient devant deux cent personnes à Cologne. Là on a joué devant quatre mille personnes. Ils deviennent importants. C’était incroyable car je ne pensais pas qu’il y aurait autant de public présent, pour nous le but était de séduire de nouveaux fans. C’est un mélange de tout ça, une tournée plus importante que je ne l’espérais et nous avons gagné de nouveaux fans. C’était super de le faire avant la sortie de notre album le 5 juillet 2024.
Vous n’avez pas joué des morceaux du nouvel album sur scène pour les tester en live ?
Bien sûr que si ! Nous avons joué « The Order of Fear » qui était déjà sorti, et pour le deuxième single, nous allons attendre la nouvelle tournée.
Vous allez rejouer au Hellfest cette année (Ndlr : entretien réalisé avant le festival ayant lieu fin juin 2024) après y avoir joué en 2020 tôt un matin… Qu’est-ce que cela t’inspire de revenir jouer dans ce festival mythique français ?
Nous sommes impatients de revenir au Hellfest, c’est l’un de mes festivals préférés. À ce stade, le meilleur festival du monde serait le Wacken et c’est mon premier festival auquel j’ai participé en tant qu’adolescent. C’est pour cette raison que j’ai une relation toute particulière avec le Wacken Open Air surtout si tu ne joues pas. Le Hellfest est à peu près du même niveau ainsi que le public qui est incroyable comme l’été dernier. Les gens aiment vraiment ça et la dernière fois, on s’est même un peu perdu pour y aller. Cette fois ce sera parfait. Ce que je voulais dire aussi, hormis ça, c’est que je ne suis pas un buveur de vin, non pas parce que je n’aime pas le vin et notamment français, mais le problème c’est que je ne bois pas beaucoup d’alcool en général. Le vin, c’est plus un bon médicament pour dormir. (rires) Avec ça j’irai directement au lit sinon. Je m’endors dès que je bois. (rires)
Tu as dit que ce n’était pas facile de travailler sur cet opus quand tu as commencé à écrire les morceaux et j’ai été impressionné par l’histoire de ce fan d’Uruguay qui t’as sauvé lors de la phase de composition. Tu as donc écrit cet album avec ce fan si j’ai bien compris. Comment l’as-tu rencontré ?
Quand nous avons commencé à écrire l’album, nous savions où nous allions, j’avais une idée claire à l’esprit sur certaines chansons pour ajouter plus de guitares, plus dans le heavy metal traditionnel, et d’ajouter quelques touches avec plus d’’orchestration. Et quand nous avons commencé à écrire toutes les titres sonnaient d’une façon merdique. Avec tous les succès commerciaux qu’Orden Ogan a eu dernièrement, nous sommes très satisfaits mais on fait cela aussi pour nous, même s’il n’y avait que cinquante personnes à nos concerts, nous continuerons de jouer et de faire des disques parce que c’est ce que nous aimons faire. Cela vient du cœur et cela a du sens. On a aussi de très bonnes critiques ce qui signifie si tu commences à écrire quelque chose et que tu sens que ce n’est pas du bon matériel, nous ne l’utilisons pas. Je ne sais pas par où ça a commencé mais ce fan, Santy, a attiré notre attention car il nous appelait à propos des reprises qu’il faisait de nos morceaux toutes les deux semaines. Il n’a pas bien repris tout, certaines parties étaient complètement erronées mais en revanche certaines parties étaient plus créatives. Quand j’ai écouté les originaux, je me suis dit qu’on aurait dû les faire de cette manière. Alors je l’ai appelé, nous avons écouté ses reprises et elles étaient superbes. On n’est pas des stars, nous sommes des êtres humains normaux, et des fans avant tout nous-mêmes. Le concept de camion stellaire est super bizarre pour nous mais pour lui, c’est comme si James Fleetwood l’appelait. Et parce qu’Orden Ogan est numéro un dans l’univers. Je lui ai demandé s’il était intéressé pour écrire des titres pour nous et après un silence de dix secondes, il s’est écrié : « fantastique, j’adorerai ! », etc. Il m’a demandé où je voulais aller avec ces nouvelles compositions, je lui ai expliqué tout de suite et il a immédiatement compris. Un jour plus tard, j’ai reçu ses premières idées. C’est si bon qu’il soit directement impliqué sur l’album. Il n’a pas participé à l’enregistrement de tous les titres de l’opus mais il a collaboré à six titres sur dix quand même. Aussi, on a travaillé ensemble au niveau des textes. On a fait des essais et réajustement de chants au niveau de la tonalité, et changé des parties concernant les paroles. Ce qu’il a fait c’est de nous donner une perspective extérieure et comment les choses devaient sonner, et c’est ce qu’on a essayé de faire. Il est intervenu au moment où on a enfin compris comment nous sonnions. Le disque s’est construit naturellement finalement. Ensuite on a enchainé les morceaux les uns après les autres. C’était une belle collaboration, très rapide. C’est un gars génial et il pense déjà à s’installer en Allemagne pour être un co-compositeur ou coproducteur. Je suis aussi producteur en studio. Ainsi, il pense que l’on va travailler ensemble. C’est génial. Les choses se passent bien parfois.
C’est incroyable qu’un fan puisse aussi être un compositeur de talent et vous aidez à terminer ce disque !
C’est vrai, mais je crois qu’il ne peut pas écrire autre chose. Tu ne peux pas dire qu’il a écrit pour Sabaton ou n’importe qui. Il écoute tellement Orden Ogan qu’il sait comment on fabrique les choses. C’est pour cela que tout ce qu’il a fait convient, même si les idées de certaines parties, on les avait déjà sur certains albums. Et une partie a complétement été copiée d’une autre (rires) mais il n’a pas réalisé.
Tu as travaillé dans six différents studios dont le tien, le Greenman studio, puisque tu te charges de l’enregistrement du mixage et du mastering. Comment s’est passé la production, était-ce différent du précédent album cette fois ?
Non, pas vraiment, la différence est que les guitaristes ont fait eux-mêmes leurs solos et ont fait leurs parties en studio et nous les ont renvoyés. Par le passé, j’ai toujours aimé enregistrer avec les gars dans la même pièce pour voir les solos ainsi de suite jusqu’aux prochains solos, et faire attention à toutes les notes. Cette fois, c’était une nouvelle approche afin qu’ils utilisent leur propre home studio et nous avons fait des allers-retours pour changer des parties ou modifier certaines. C’est aussi un grand résultat, les solos sont magnifiques. Pour la batterie, nous sommes allés dans différents studios juste pour avoir des vibrations différentes, parce que sinon, tu continues à te répéter à faire les mêmes choses encore et encore… Cela peut devenir très vite ennuyeux. C’est pour cela que l’on souhaite travailler dans différents endroits dorénavant.
Il y a une même une chanson « Anthem to the Darkside » qui a été écrit alors que tu étais à l’école ?
Je vais refaire le point. Nous avons enregistré cette chanson en 2008, cela a commencé quand nous sommes devenus professionnels. Il y a toujours eu des groupes formés à l’école avant Orden Ogan, ça a duré presque deux ans et au milieu de tout ça, on avait commencé très tôt à écrire. Je crois que « Anthem to the Darkside » est sorti en 1998 sur un sampler, c’était quand j’avais dix-sept ans. (rires) Quand j’ai écrit ce morceau, j’ai toujours cru que c’est une bonne chanson. J’ai toujours voulu l’entendre dans une version moderne en termes de production parce que la version d’avant sonnait sonne comme une démo. On a juste changé un peu le concept des paroles et aussi l’enregistrement de la batterie. En 2015, tout était déjà préparé, c’est moins de travail, et cette chanson on voulait la mettre n’importe où et n’importe quand. Quand on se replonge à cette époque, nous faisions beaucoup de titres progressifs qui pouvaient durer neuf minutes. Le titre à six thèmes différents. Tu peux dire que c’est vraiment progressif, et que nous ne faisons plus ce genre de morceaux car nous essayons d’aller droit au but rapidement. Toutes les choses doivent se faire tout de suite. Si tu écoutes les premières chansons de l’album elles sont toutes de l’ordre de trois minutes ou quelque chose comme ça, elles vont droit au but. C’est la bonne manière d’écrire des moreaux. Et on s’est dit aussi que ce serait bien pour les vieux fans aussi qui aimaient ce côté progressif doux et complexe. C’est ce qu’on a fait, avec les voix et le mixage. C’est aussi un titre long plus progressif. C’était un choix évident. Nous avons changé pas mal de choses au niveau de la voix et de la structure. C’était à l’époque un des meilleurs refrains que nous ayons et il colle bien avec cet opus. Fondamentalement le même que « The Long Darknes » qui a été enregistré en 2017 pour l’album Gunmen. C’était déjà un disque très long de mon ressenti personnel, et il y avait un morceau qui durait neuf minutes. Et puis les paroles collaient bien avec le contexte, on a changé quelques lignes pour être dans le thème et être dans l’esprit de The Order Of Fear.
« My Worst Enemy » et « The Order Of Fear » sont les deux premiers singles. Le clip de « My Worst Enemy » est magnifique, bien dans l’esprit de Orden Ogan, c’est est une semi-ballade mélancolique et angoissante. Quel thème y abordez-vous à travers ce morceau ?
Cela parle de la dépression, d’exister, les mauvaises choses que tu expérimentes dans la vie et la plupart des gens peuvent être concernés par ça. Ils comprennent ce que je dis quand je parle de « My Worst Enemy », c’est moi-même parce qu’on fait toujours les mêmes erreurs encore et encore. Tu dois te battre avec toi-même pour faire avancer les choses. Beaucoup de gens ne gagnent pas cette bataille. La plupart d’entre eux perdent et restent dans la même merde où ils ont toujours été. Je dois dire que je ne suis pas une personne dépressive dans son ensemble. Je suis béni d’avoir la musique qui me sécurise car quand je me sens mal, je peux m’asseoir et jouer de la guitare, écrire une chanson et tout cela aide beaucoup, crois-moi. C’est juste super si tu peux mettre de l’émotion et de la force dans les textes que tu écris et avoir plein de gens qui peuvent s’identifier à travers les morceaux. J’ai tellement de mails, des lettres et des messages de gens qui me remercient pour « My Worst Enemy ». C’est juste superbe. Si tu te sens en sécurité, cela aide aussi les gens qui l’écoutent, c’est le pouvoir de la musique.
Et comment est née l’idée de la vidéo sur ce titre avec les chevaliers et ce titre de l’album The Order Of Fear ?
On raconte toujours plus ou moins la même histoire depuis 2008. C’est à propos de cet homme, Vale, qui est un aristocrate, parmi les plus riches de son entourage qui dirige son empire et il sent que des mauvaises choses arrivent et d’autres qui arrivent avec de bonnes intentions, il veut détruire donc détruire le cercle des aristocrates et en faire fondamentalement une démocratie. Le problème, c’est que tout va dans le mauvais sens et un des gars le maudit. La malédiction lui impose de ne pas rester à un seul endroit au moins pour un moment. Il doit toujours marcher mais tout ce qu’il fait pour partir décroit ou meurt. Les gens ne veulent pas vivre pour mourir mais quelque chose de mal va arriver. Il laisse toute la destruction derrière lui comme la personnification de l’éventreur. Avec tout ça il essaie de se guérir afin de casser la malédiction et a entendu parler d’un ancien homme appelé Orden c’est un ancien Lord qui se réfère à Orden Ogan, qui signifie sortir de la peur, et en 2015 sur notre disque il découvre Orden Ogan moine. Il vit dans un monastère, cela ressemble à un monastère, ce n’est pas comme une église où les moines vivent, ils lui disent que pour avoir des informations il doit venir avec des enfants à l’endroit, il doit aller apporter des offrandes sur le lieu des ruines et il devra emmener les enfants. Il pense qu’il sera un serviteur pour aider tous ces moines. Mais la réalité est tout autre car les ruines sont des murs ou personne ne s’échappe, ils sont brulés vifs et les moines tirent toute l’énergie de ces enfants. Ce sont peut-être les personnes les moins sympathiques avec qui s’entendre. (rires) Ensuite ils lui disent de rejoindre un autre endroit pour trouver le plus vieux moine de The Order of Fear. Ce voyage s’étend avec Gunmen (2017) et Final Days (2021) et définit The Order of Fear qui est bien plus radical que l’assemblée constitué par Orden Ogan. Le vieux moine lui dit comment casser la malédiction. Ce qu’il doit faire est quelque chose d’encore pire et plus sinistre que ce qu’il lui a été infligé. Il doit tuer un ami au clair de lune. Il y a cette question philosophique le bon contre les démons, contre une seule personne. Avec tout cela il décide de casser la malédiction, en se disant : « j’ai tellement fait de mal à tant de gens, je tuerai mon ami ». Il tue son ami sur les toits, tu peux le voir dans la vidéo. Puis il y aura une autre vidéo « Moon Fire » qui est la continuité de l’histoire, nous apprendrons qu’il sera trahi. Quelle surprise ! C’est en quelque sorte un rituel qui amplifie la malédiction qui est même pire, plus forte et la raison, ils ont prêté sermon à un ancien dieu démon et ont utilisé cette malédiction au travers de l’humanité, pour la détruire. C’est là que nous concluons l’histoire avec The Order of Fear. C’est un premier final qui aura une suite autour de cette malédiction.
J’ai été surpris de voir que vous aviez le guitariste Patrick Sperling qui est arrivé en 2020 en pleine pandémie. Que vous a t’il apporté ?
Attends, je réfléchis mais je suis presque certain que Patrick était déjà présent sur Final Days en 2021. C’était la première fois que Patrick jouait dans le groupe, mais ce n’est plus une grande information, c’était pendant la pandémie où nous ne pouvions pas jouer nos titres. Il a beaucoup donné sur cet opus parce ce n’est pas aussi facile que ça. C’est toujours notre nouveau guitariste mais nous en avons un autre (Niels Löffler ancien bassiste de 2011 à 2019, et passé à la guitare en 2019). Cela fait déjà trois ans qu’il est à nos coté. C’est un gars super, un peu jeune âgé d’une trentaine d’année, super motivé, beau gosse, guitariste incroyable et très important super facile humainement. C’est un type sympathique, parallèlement un bon ami. J’ai toujours dit que Tobias devait partir et il joue maintenant avec Grave Digger. Tout se passe bien désormais. Une fois qu’on a commencé à tourner avec Patrick, c’était sans appel comparé à ce que nous avions vécu auparavant. Je crois qu’en ce moment c’est la meilleure formation que nous n’ayons jamais eue.
À propos de la pochette, tu as eu l’idée avant de collaborer avec Dan Gorfi ou il est venu avec un artwork bien défini ?
Nous avions une idée sur ce que devait représenter la pochette de l’album, bien sûr quand tu as écrit toutes les chansons et les paroles, tu es très loin de l’histoire et tu as une idée à quoi tout cela va ressembler. Dan est grandiose il a fait des esquisses avant de passer à la vraie pochette. Nous pouvions donner notre avis, ceci doit être plus grand ou plus petit avant et pointer le doigt sur des détails spécifiques. Ce que j’aime le plus sur cette cover artwork, c’est qu’il y a une référence en rapport avec tous nos disques précédents. Pour les vrais fans, c’est super. J’adore cette idée.
En Octobre 2022, tu as sorti Final Days Orden Ogan And Friends avec une multitude d’invités comme Stu Block (Iced Earth, Annihilator), Peavy Wagner (Rage), Andy B. Franck (Brainstorm), Elina Siirala (Leaves’ Eyes), et beaucoup d’autres. Comment as-tu vécu le fait de travailler avec des chanteurs issus d’horizons musical différents ?
Final Days – Orden Ogan And Friends était en fait un bonus et une version spéciale de Final Days, cela n’a jamais été pensé comme un album ou autre chose. C’est juste un cd bonus et nous l’avons sorti pendant la pandémie. Tout le monde était chez lui sans pouvoir sortir de chez soi et tous les musiciens étaient déprimés, alors c’était la meilleure idée à cette époque que nous pouvions avoir. Faisons le même disque avec nos amis qui sont aussi de bons chanteurs et ils étaient super contents d’avoir quelque chose à faire (rires) au lieu regarder toujours le même film sur Netflix.
Pour conclure, tu as aussi publié un album l’année dernière avec Angus McSix. Que représente cette formation à tes yeux ?
Oui, que puis-je dire ? Nous nous sommes dits : « faisons-le ! » et ça a été le plus grand succès en Allemagne de tous les temps. On est arrivé numéro dix dans les charts directement avec cet album. Nous avons joué dans des grands festivals, nous avons fait des tournées avec des amis. C’était génial ! En ce moment le combo est en pause car mon but principal est et reste Orden Ogan. Tom (Thomas Winkler/chant) vient juste d’être papa et a choisi de rester à la maison pour l’instant. On travaille ensemble mais je n’ai rien à annoncer pour l’instant en termes d’infos.
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