Repéré l y a quelques mois déjà à l’affiche de l’édition 2023 du festival hardcore/metal tourangeau Riip Fest (voir notre live report complet), il était hors de question de passer à côté d’un entretien avec Prowl, nouveau venu sur la scène thrash metal crossover canadienne depuis 2015. C’est ainsi que nous avons fait connaissance avec nos cousins québécois peu de temps avant leur concert français. Très sereins avant de lâcher la bête en live, et déterminés à faire aussi bien qu’Overpower la veille, ils nous ont parlé tranquillement de leurs influences, leur actualité ainsi que de leurs projets en tout simplicité. [Entretien réalisé avec Maxime Vallieres (chant), Marc-Antoine (guitare), et Pierre-Antoine Lepage (batterie) par Seigneur Fred – Photos : Xavier Desnos, Maxime Hillairaud, Seigneur Fred]


J’ai découvert Prowl à la base par internet, comme beaucoup de gens de nos jours, en visionnant certaines de vos performances live, et j’avoue avoir bien accroché. Prowl m’évoque Power Trip ou Iron Reagan, par exemple. Alors quand on a su que vous veniez jouer ici au Riip Fest, on ne pouvait vous manquer… Êtes-vous les nouveaux Power Trip canadiens, plus exactement québécois, de demain ? Font-ils partie de vos influences ?
Max : Euh… Nos influences viennent surtout principalement de Slayer, Cro-Mags qui jouent ce soir d’ailleurs, etc. A la base c’est ça. Disons que le fait qu’il y a du reverb’ dans notre son (Ndlr : de la réverbération), je pense que les gens du coup associent beaucoup Prowl à Power Trip. Personnellement, j’adore Power Trip, oui, j’ai beaucoup écouté et j’ai beaucoup de respect pour eux. Mais à la base, nos influences sont finalement plus anciennes, plus old school, comme je te disais : Slayer, Cro-Mags…
Marc-Antoine : Oui, nos influences, ce sont plutôt des vieux groupes de thrash metal, comme Slayer que tu citais, Exodus, Testament, Sepultura, etc. avant même d’écouter Power Trip qui est un groupe plus récent tout de même.
Que signifie au fait « Prowl » exactement ?
Max : « Rôder ». (Ndlr : avec l’accent québécois) C’est-à-dire rôder comme une bête, comme un animal qui rôde…
Donc sur scène, Max, toi qui es chanteur, tu vas être une bête sauvage, comme un wolverine que l’on rencontre en Amérique du Nord, et te balader un peu comme Robert Trujillo (Metallica) accroupi sur sa basse ou Mike Muir (Suicidal Tendencies) qui court de gauche à droite en mode boxeur ?
Marc-Antoine et Pierre-Antoine : (rires)
Max : Ouais, exact. J’ai même un déguisement de bête que j’ai amené… (rires) Non. (rires)
Comment Prowl est né en 2015 à Montréal ? C’est histoire d’une bande de copains à l’école ou à l’université peut-être comme bien souvent ?
Max : Oui, une bande de copains, c’était ça au départ. Bon, depuis il y a eu des changements de membres dans le groupe, comme souvent dans le line-up d’un groupe. A la base, musicalement, on voulait faire quelque chose de hardcore, mais aussi rapide, puis le son de Prowl s’est développé au fil des années. On ne s’est formé, comme tu le disais, qu’en 2016. Si tu écoutes notre première démo ou notre premier EP Hell Breaks Loose, et ce que l’on joue maintenant, c’est vraiment différent et n’a pratiquement pas de lien. Notre son a pas mal évolué depuis nos débuts.
Et toi, Pierre-Antoine, à la batterie, quelles sont tes influences musicales ? Des batteurs comme Dave Lombardo ou Gene Hoglan peut-être dans un registre metal et non hardcore ?
Pierre-Antoine : (rires) C’est sûr que ce sont d’excellents batteurs, mais le premier pour moi qui m’a marqué, c’est, ou plutôt c’était, Vinnie Paul (R.I.P.) de Pantera (Ndlr : et par la suite Damageplan, et Hellyeah). Quel batteur c’était ! Donc plutôt, Pantera, Slayer aussi, oui. Après mes goûts sont assez larges, tu sais. Quand on est batteur et musicien en général, on apprend différents styles et il faut toucher un peu à tout pour apprendre à jouer les différentes techniques et évoluer par la suite. J’ai étudié le jazz à la batterie à une école de musique, la programmation aussi à la batterie, mais on revient vite à ses influences. Je suis donc revenu au jazz, puis au metal car c’est ce que j’aime et écoute.
Tu as donc dévié vers le côté obscur de la force finalement avec Prowl… (rires)
Pierre-Antoine : Ouais, on peut dire ça… (rires) Je suis revenu à mes influences, disons. Le metal me plaît davantage…
Donc toi, Pierre-Antoine, tu es capable de jouer de tout à la batterie au sein de Prowl, et dans n’importe quel style ?
Pierre-Antoine : Oui, enfin cela me permet surtout d’apporter des nuances, des ghost notes (Ndlr : un peu comme à la guitare) lorsque je joue. Et puis pratiquer différents rythmes…
Max : Ouais, le fait qu’il ait une base jazz peut se ressentir quand même dans son jeu, c’est sûr.
Cela me fait penser au film Whiplash du coup, Pierre-Antoine. En tant que batteur, l’as-tu déjà vu et qu’en penses-tu ? As-tu vécu ce genre d’histoire cachée à ton école de jazz avec un prof qui te pousse au-delà de tes limites ?
Pierre-Antoine : Alors oui, je l’ai vu, deux fois, mais une fois sans le son, dans l’avion, il y avait un problème avec les écouteurs ; et une autre fois j’avais le son dans le van lors d’une tournée pour des concerts, mais je conduisais alors je ne pouvais trop suivre… (rires) Donc au final, je ne peux vraiment te répondre précisément. Je pense que pousser nos limites comme ça, c’est parfois à double tranchant : d’une certaine façon, cela nous permet d’aller plus loin que ce l’on aurait probablement fait normalement ce qui est bon, mais d’un autre côté, cela peut provoquer des traumas et être mauvais psychologiquement allant jusqu’à l’obsession, la folie. Dans tous les cas, je compte bien voir correctement Whiplash un de ces jours prochains. (rires)
La production d’un album dans la musique metal, ou ailleurs, avec un producteur en studio peut parfois devenir un cauchemar similaire… Alors justement, au niveau de votre discographie, Prowl a déjà sorti deux EP, Hell Breaks Loose et Waging War, et un album studio, The Forgotten Realms, c’est bien ça ? Votre premier EP m’a fait penser au nom de l’album de Destruction, All Hell Breaks Loose… (rires)
Max : Ah oui, exact. Le premier EP comprenait cinq titres, alors que le second, Waging War, était plus un enregistrement promo avec là deux titres. Quant à l’album, il comprend huit titres. On vend d’ailleurs ici la version européenne de The Forgotten Realms paru en 2022.
Il y a eu également un album live, intitulé Live In Calgary, au format K7 et non CD ?! Décidément, la mode est au vinyle et à la K7 qui revient à la mode même si l’on n’est plus trop équipé chez soi en magnétophone ou walkman… (rires) C’était un bootleg ?
Max : Non, c’est des amis à nous qui nous ont proposés de le faire. Le son était bon alors on a dit ok. Il est sorti en 2018 sur Walk a Mile Records, un label basé en Ontario (Canada).
Moi je suis resté à l’époque de Pantera et Destruction dans les années 90. Vous ne sortez donc rien au format CD alors ? (sourires)
Max : Non, c’est vrai. Uniquement en digital, vinyle, ou K7 pour le cas du live.

Quelle va être votre set-list pour ce soir ici au Riip Fest ? Vous allez jouer exclusivement des morceaux de votre premier album ?
Max : Oui, on va jouer l’intégralité de The Forgotten Realms, à l’exception d’une chanson extraite du EP Waging War.
Pas de reprise de Pantera ou Slayer ? En condition de festival, vous n’avez pas forcément le temps peut-être ?
Max : Non, exactement.
Comment sont les scènes metal et aussi hardcore à Montréal au Québec actuellement ? Est-elle aussi florissante qu’à l’époque de la scène death metal avec les premiers Gorguts, Cryptopsy, Kataklysm, etc. ?
Max : Eh bien, la scène montréalaise explose en ce moment. C’est en pleine expansion. Depuis que la pandémie s’est calmée, il y a plus d’acteurs, c’est-à-dire autant il y a plus de groupes qu’auparavant, mais aussi plus de spectateurs, de clubs pour nous jouer, etc. On dirait qu’il y a un engouement, comme un besoin même de retour à la scène musicale dans la plupart des villes au Québec, mais aussi au Canada globalement. On a aussi ressenti ça en tournant dernièrement aux Etats-Unis.
D’ailleurs, pour l’anecdote, le batteur de Cryptopsy est originaire du coin, ici en France, puisqu’il est né à Tours, avant d’avoir déménagé pour Chicago (USA) puis Montréal (Canada). Vous le saviez ?
Marc-Antoine : Ah bon ? Non, je ne savais pas.
A Montréal au Québec, il y a un lieu relativement connu là-bas appelé Les Foufounes électriques où ont lieu de nombreux concerts rock, punk/hardcore et metal. Je présume que vous connaissez. Alors y êtes-vous déjà produit là-bas ?
Max : Ouais, on a lancé notre premier album là-bas justement l’an dernier. Au total on y a joué trois fois au moins, peut-être plus car on avait fait aussi une première partie pour Nails, et une autre fois encore pour Incendiary… Et j’organise d’ailleurs un festival aux Foufounes électriques qui s’appelle Montreal Mad House. Durant deux jours, ce ne sont que des groupes du coin de Montréal qui y jouent.On y a joué en février dernier. Il y avait dix-huit groupes, avec près de 600 entrées. C’était sold out, tous les billets étaient vendus. On y a joué le samedi soir et franchement c’était l’un de nos plus gros shows que l’on ait fait. C’était super. Le but est de montrer l’offre que l’on a là-bas à Montréal, promouvoir la scène locale avant tout.
Marc-Antoine : pour les guitaristes amateurs que nous sommes, peux-tu nous dévoiler ton accordage utilisé sur la plupart de vos chansons avec ta guitare Charvel, s’il-te-plaît ?
Max : Ah non, c’est un secret ! (rires) Allez, Drop D… (rires)
Marc-Antoine : Non, c’est en Ré # standard, soit un demi-ton en dessous encore du Drop D pour les autres cordes que le Mi grave devenu Ré grave.

Au fait, est-ce la première fois que vous venez jouer en France ou bien vous aviez déjà joué par chez nous avant de venir cet été ici au Riip Fest ?
Max : Non, en fait, on a déjà fait une tournée européenne l’an dernier, l’été dernier. On avait alors joué à Paris, Rouen, Rennes, etc.
Marc-Antoine : Ce n’était cependant pas dans le cadre de festivals, mais des dates classiques de concerts.
Ce serait super si à l’avenir vous pouviez venir jouer dans nos plus grands festivals metal français comme le Hellfest, Motocultor, Silak, etc. car votre musique plairait, c’est sûr…
Marc-Antoine : On aimerait bien, oui. J’en ai déjà entendu parler, c’est en Bretagne, je crois ?
Tout à fait. D’ailleurs ce n’est pas trop compliqué ni trop onéreux pour vous tous venir jouer en Europe comme ça et voyager en avion depuis le Canada ?
Max : Disons qu’on est habitué. On voyage déjà pas mal quand on va tourner aux Etats-Unis, et franchement là c’est compliqué, bien plus compliqué que de venir par chez vous. En fait, pour nous venir jouer en France, et plus généralement en Europe, c’est ce qu’on dirait de la « petite bière » ! (rires)
Marc-Antoine : Oh oui, tu n’as pas idée, c’est galère pour passer du Canada aux Etats-Unis, ou même voyager et traverser tout le Canada quand on va vers l’ouest car c’est très loin par la route. Parfois on traverse même des tempêtes de blizzard pour aller jouer en Ontario. Ici, quand tu arrives, à la douane, ils prennent et regardent ton passeport en vigueur, et le matériel, ils te regardent avec un grand sourire et tu passes.
Max : Pour les USA, c’est pénible car il faut obtenir des visas, etc.
C’est fou, alors que vous traversez l’Atlantique pourtant et faites un grand voyage. Depuis le Brexit, c’est aussi très galère pour les formations britanniques venir jouer en France maintenant, et ils doivent payer des taxes sur leurs ventes de merchandising qu’ils doivent déclarer, etc. On en parlait avec Memoriam la veille justement alors qu’ils se produisaient ici…
Max : Ouais, c’est fou comme tu dis… Mais c’est vraiment simple pour venir ici.

Enfin, quelle est l’actualité de Prowl ? Travaillez-vous sur des nouvelles compos ? Un second album studio est est-il en prévision ? Êtes-vous à la recherche d’un label ?
Max : Un nouvel enregistrement pour la promo !
Marc-Antoine : Il y a constamment des nouveaux morceaux en cours d’écriture. On travaille dessus…
Max : Mais on le garde pour nous ! (rires) Car ça se mérite ! (rires)
Mais vous partiriez plutôt sur un format album ou EP ? Ou bien un mini-split album avec l’un des groupes présents ce soir au Riip Fest ? Ce serait sympa…
Max : De la musique !
Marc-Antoine : On ne sait pas. Des chansons déjà, et ensuite on verra… Pour un split EP ou album, si on sent que ça va le faire, avec des amis, naturellement, que rien n’est forcé, oui pourquoi pas. Mais on ne pense pas à ça à la première idée.
Max : Ouais, voilà. Mais on n’est pas contre l’idée en tout cas.
Marc-Antoine : On pense plus à partager des concerts, et de là pourquoi un split qui pourrait en découler.
Max : Disons qu’on laisse les choses aller à ce niveau-là. Autant pour les concerts, on cherche. Personnellement, j’aime pas les choses trop poussées donc si l’on doit faire un split avec un groupe ou inviter quelqu’un, ça va être des gens avec qui on est connecté et musicalement avec qui on peut faire du son et que ça passe bien. On ne cherche pas un duo marketing ou un truc de ce genre.
Et trouver un gros label ?
Max : Je pense que ça peut avoir des avantages d’être sur un label. On n’est pas contre ça. Mais ça marche très bien pour le moment indépendamment, alors on continue comme ça, par nous-mêmes.
Un dernier mot à l’attention de vos cousins français ?
Marc-Antoine : Bah, personnellement, j’aimerai bien revenir bientôt ici, car j’aime beaucoup la France.
Pierre-Antoine : Moi j’ai de la famille (Lepage) en remontant du côté de la Normandie à plusieurs générations en France…
Max : On aime bien des groupes français de hardcore ou metal comme Rough Ground, Worst Doubt aussi. Retenez bien : Rough Ground. C’est le groupe français dans lequel joue notre bassiste. D’ailleurs ils embarquent avec nous au Canada pour tourner bientôt. Rough Ground… (Ndlr : il répète) (sourires)
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