Festival The Outbreak

Dernier jour de festivités Métal au Chato d’O de Blois dans le cadre de cette nouvelle et première édition hétéroclite du festival The Outbreak dédiée aux musiques extrêmes. En guise de hors d’œuvre (programmation off), le one man band Dark Wooden Cell ouvre la soirée à l’heure de l’apéro sur la petite scène (le hangar) avec ses reprises de standards Hard Rock revisités de manière simple et sincère à l’aide de sa guitare ou d’un ukulélé. Mais ce samedi 13 mai, le clou final du festival se concentre sur du très lourd, dans le sens noble du terme, avec à l’affiche pas moins de quatre formations : les locaux d’Intense Care Unit, les voisins orléanais d’Impureza, les Nantais de Regarde Les Hommes Tomber et surtout les furieux P’tits Suisses de Nostromo, la tête d’affiche du festival The Outbreak.

[Texte : Seigneur Fred – Photos : Corentin Charbonnier]

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Vers 20h, c’est Intense Care Unit qui a l’honneur de chauffer la grande salle clairsemée du Chato d’O avec son Deathcore groovy et relativement mélodique grâce à ses influences Post-Hardcore. Auteur d’un EP (Us Dead) en 2015 suivi d’un premier album professionnel (Sick Minded Domination) l’an passé (enregistré et mixé au Studio 404 de Blois par Franck Beucher, et masterisé au Sterling Sound à New York en janvier 2016 par UE Nastasi (Gojira, Anthrax, Biohazard, Paradise Lost), le répertoire du sextet blésois se révèle vite entraînant, le duo de chanteurs n’y étant pas étranger. L’un des frontmen, arborant un grand T-shirt « Je Suis Charlie » taquine quelques fans entre deux sessions de growls tandis que son collègue lui, alterne parfois (trop rarement malheureusement) entre growls tout aussi convaincants et chants clairs bienvenus. Les guitaristes appliqués sur chaque côté de la grande scène délivrent des riffs intéressants et le plus chevelu d’entre eux dont le look rappelle un certain Logan Mader (Machine Head) à ses débuts, se lâche davantage. Bien plus qu’un simple chauffeur de salle, ICU (pour les intimes) interpelle grâce à un set bien en place et des compos accrocheuses. Le public répond présent alors que la prestation du jeune groupe s’achève déjà avec le titre « Final War ». A noter que le groupe (aidé ce soir par le renfort de l’ancien batteur Adrien) recherche un batteur. Avis aux intéressés !

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Place ensuite aux señores orléanais d’Impureza pour un show brutal et technique. Si les amateurs de variétoche et de Kendji Girac étaient probablement tous ce samedi soir campés devant leur écran TV pour l’Eurovision, les aficionados de Brutal Death Metal aux consonances ibériques avaient bien rendez-vous au Chato d’O. En présentation en avant-première de leur prochain album, la formation est au taquet sur scène et compte bien réveiller le public de Blois dont certains attaquent le troisième jour de festival (et aussi plusieurs tournées de cerveza au bar) Il faut dire que leur premier album La Iglesia del Odio sorti chez Snakebite Productions remonte à 2010. Son sympathique et impressionnant chanteur arrivé en 2013, Esteban Martin, sorte de géant wisigoth cousin de Johan Hegg d’Amon Amarth en plus énergique toutefois, fait trembler les murs de la grande salle en haranguant les spectateurs toujours plus nombreux. Leurs compositions impures, dont les quelques passages flamenco charment l’audience féminine, font mouche alors que les mâles, eux, redemandent plus de growls et de double pédale qui ne font alors pas de quartier. Ce mélange d’éléments apporte cette originalité chère au groupe qui a trouvé son créneau dès sa formation en 2004 au cœur de la région Centre, à l’instar d’un Nile et de son Brutal Death technique centré sur l’Egypte ancienne (le second guitariste gaucher arborant d’ailleurs un T-Shirt du groupe américain). Malheureusement, si les lumières collent bien à l’ambiance et aux décorations scéniques, le rendu sonore lui est bien souvent approximatif à certains moments entre les parties de guitare acoustique diffusées en playback par-dessus celles électriques véritablement interprétées, les frappes du señor Guillermo qui pilonne derrière ses fûts, et la voix monstrueuse de son leader. Les soli des deux guitaristes ne ressortiront jamais par exemple de ce magma sonore. Néanmoins, les vraies intros jouées à la guitare et à la basse classique sont de purs moments de folklore hispanique fort appréciables. Et nous aurons droit à un super solo de batterie de l’excellent Guillermo, quoiqu’un peu court. De toute manière, il en faut bien plus pour abattre nos conquistadors venus secouer l’échine des quelques petites centaines de fans ou curieux qui en redemandent. Un set musclé d’Impureza correct, dont on attend avec hâte le nouvel album.

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Changement d’ambiance et de décor pour l’avant-dernier groupe de la soirée dans ce festival The Outbreak avec Regarde Les Hommes Tomber. Point de cinéma ici pour les Nantais même si leur nom s’inspire du célèbre film de Jacques Audiard. Sobrement ornée de bougies et de lights minimalistes mais parfaitement adaptée à au Post Black Metal, la scène est investie par cinq silhouettes encapuchées. Plus mélodique et lancinante que les précédents groupes, la musique de Regarde Les Hommes Tomber a rapidement fait parler d’elle en l’espace de deux albums, un premier album éponyme en 2013 tout d’abord puis Exile en 2015. Son chanteur T.C., dont les vociférations crues et déchirantes glacent l’auditoire, joue parfaitement son rôle misanthropique sans aucune communication avec les fans, Black Metal attitude oblige. Les compositions du groupe français sont très longues et hypnotiques appuyées par des riffs lourds et malsains, à la croisée entre le Post Hardcore, le Sludge, et le Black Metal donc. Si tout le monde n’adhère pas à ce style très prisé en ce moment (Ruines dans un genre beaucoup plus Sludge est passé la veille dans cette même salle du Chato d’O), le public reste toutefois attentif. Et pour ceux qui avaient déjà vu le quintet nantais en plein air de jour dans des conditions de festival (cf. Motocultor 2013), le show de ce soir est royalement servi sur un plateau d’argent grâce à une mise en son aux petits oignons (superbes guitares) et une performance carrée avec un chanteur véritablement habité. Peu de place à l’impro ici, mais quelle intensité !

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Histoire de se dégourdir les jambes avant le clou final de la soirée, nous assistons à la rencontre improbable entre le Death/Grind et la musique classique en la personne de Mr Marcaille. Assis en slip (troué !) derrière une double grosse caisse et d’une cymbale charleston, un papy maltraite son violoncelle avec son archer et divers effets sonores tout en hurlant au micro des textes Punk. Apocalyptica n’a qu’à bien se tenir !

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Enfin, trêve de plaisanterie, passons à Nostromo. Seize ans après leur furieux passage au Chato d’O durant lequel votre serviteur perdit ici même dans le pit son t-shirt à l’effigie du combo de Genève (avis de recherche toujours en cours), nos petits Suisses, malgré un split en 2005, font un retour fracassant en ce début d’année avec une tournée sold out en première partie de Gojira. Les leaders de la scène Metal Grindcore/Brutal Hardcore européenne à l’aube des années 2000, bien avant la mode du Hardcore Metal moderne, reviennent donc saluer ce soir le public blésois. Et on aurait pu s’interroger sur la performance du groupe après tout ce temps. Que nenni ! Même si Nostromo repart sur les routes sans nouvel album sous le coude (patientions encore un peu, un EP arrive bientôt), nos gaillards en ont encore sous la pédale ! Et quelle performance ! Le chanteur Javier au nouveau look hipster fait le boulot comme un diable au micro sur scène tout en communiquant avec plaisir avec les anciens fans ayant répondu présent seize ans après, tandis que Lad à la basse et Jéjé Lapin à la guitare (finie la guitare rose et la chevelure longue) exécutent leurs notes avec une précision millimétrée.

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Les riffs du guitariste de Mumakil font toujours aussi mal. Quant au batteur Maik, casque souvent rivé sur les oreilles pour bien être synchro sur le démarrage des samples, est une vraie machine. Piochant dans leurs deux uniques albums studio Argue et Ecce Lex, le quatuor helvète distribue les baffes sonores et soniques à tout va (« Epitomize », « Selfish Blues », Lost Inside », « Collapse », « Rude Awakening »…). Vers la fin, Javier et Cie nous gratifient d’un nouveau titre « Uraeus » un peu moins brutal qu’à l’accoutumée et plus Rock’N Roll (toute proportion gardée). En guise de rappel, trois derniers missiles sont balancés aux survivants du Nostromo encore présents à cette heure avancée de la nuit (près de 2h du matin), dont la fameuse reprise de Napalm Death « Twist The Knife » tiré du EP culte Eyesore. Quelle fessée avant d’aller au lit ! Nostromo demeure intouchable, vivement le prochain album mais bon, pas dans 16 ans les gars ? Keed da grind alive ! Et rendez-vous est pris dans tous les cas pour la prochaine édition de The Outbreak en 2018 avec une affiche d’aussi bonne qualité.

[Seigneur Fred]

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