Si le vendredi 7 juillet était synonyme, pour bon nombre d’entre vous, de grand départ en vacances sur les routes de France et de Navarre sous un soleil de plomb, depuis trois ans déjà, cette date rime désormais aussi avec le coup d’envoi des hostilités Hardcore/Metal du côté de Tours, et ce sous des riffs de plomb ! Cette troisième édition du Riip Fest, savamment organisée par Riipost Asso à l’Espace Gentiana fut le rendez-vous incontournable pour les fans du genre malgré la concurrence locale d’autres festivals Rock (au sens large) et alternatif à la même période dans l’agglo tourangelle (Terres du son et American Legends). Une centaine de furieux, en majorité des coreux tatoués et barbus au look hispter, se sont donc déplacés pour voir et soutenir aussi bien des groupes locaux plus ou moins connus (Sisterhood Issue, Real Deal en remplacement de Nine Eleven) que des groupes internationaux plus rares dans notre belle région Centre-Val de Loire, comme Leng Tch’e, Risk It, Ghoul, et Born From Pain, la tête d’affiche revenant à nos chers Bataves plutôt discrets depuis la sortie de leur dernier album Dance With The Devil en 2014.
[Texte : Seigneur Fred – Photos : Seigneur Fred]
07/07/2017
Mea culpa tout d’abord pour les deux premières formations Blend et Hard Mind que nous manquâmes avant notre arrivée, bouchons obligent… C’est donc directement avec le Hardcore/Metal new-school des Parisiens de Pyrecult que nous allons entrer dans le vif du sujet. Le jeune quatuor (fondé en 2013) propose une musique brutale et froide sans concession. Teinté d’influences Black au niveau des lignes vocales mais aussi de certaines atmosphères, le set de Pyrecult convainc non sans mal grâce à un bon son, une prestation énergique et précise des musiciens (très bons riffs, breaks intéressants amenant d’excellentes mosh-parts), et surtout la présence scénique de Cédric, le chanteur aux nombreux tatouages et au crâne rasé qui, à diverses reprises, essaie de mobiliser les troupes devant un parterre malheureusement très clairsemé en ce début de soirée caniculaire. Durant les sept morceaux interprétés dont quelques extraits du tout nouvel EP Obedience, le frontman tombera d’ailleurs vite le maillot sous la chaleur écrasante de la salle…
Après un rapide soundcheck à l’ancienne, les poètes de Pulmonary Fibrosis (Pulmo. Fibro. pour les intimes) prennent place. Originaire des environs de Châtellerault et auteurs d’une trentaine d’EP depuis leurs débuts en 1998, ils sont accompagnés pour l’occasion de leurs deux chanteurs venant spécialement de Bordeaux. Et c’est parti pour une demi-heure de boucherie dans tous les sens du terme, le guitariste Yanosh sur la gauche de la scène arborant un tablier de boucher déjà ensanglanté derrière sa Flying V noire. Pour ceux qui n’aiment pas le « Grouik Metal » (c’est-à-dire plus sérieusement du Brutal Death/Grindcore) avec son lot de growls et autres cris de porcins en tout genre, c’est un sale moment à passer, pour les autres amateurs des vieux Carcass, Abscess, Regurgitate et autres douceurs, quel régal ! Les chanteurs sont au taquet et donnent tout ce qu’ils ont, n’hésitant pas à venir dans le pit afin de partager leur « Gore Grind » comme ils aiment à dire. Nos deux hurleurs sont équipés de pédales avec divers effets pour leur voix, et l’un d’entre eux avale même carrément le micro à plusieurs reprises, ce qui d’un point de vue guttural est optimal mais aussi très pratique sur scène car plus besoin de pied de micro à remettre en place par le roadie. Primitif, bestial, direct, et tout sauf mélodique, le Death/Grind de Pulmo Fibro fait du bien par où ça passe mais toute bonne chose ayant une fin, le combo poitevin rend les armes, exténué par la fournaise de l’espace Gentiana. Nous nous consolerons avec leur dernier méfait Idiopathic Pulmonary Fibrosis (Rotten Roll Rex Records). Chapeau bas les gars pour cette prestation Grind’n Roll !
Place à présent à un tout autre genre avec nos voisins teutons de Fallbrawl ! C’est en vrai patron du Hardcore que débarque à 22h pétante le quatuor originaire de Düsseldorf, prêt à en découdre devant un public un peu plus fourni et ultra motivé. Tous les coups sont permis ou presque dans le pit sur les terribles mosh parts délivrées par les Allemands : moulinets des bras permettant un léger rafraîchissement de l’air ambiant, démonstration de capoeira ou mouvements d’arts martiaux façon Bruce Lee, course poursuite (« Side to Side »), et bien sûr l’indémodable pas de danse Hardcore : le 2-step avec « Wind Mill » ou des petits coups de coude façon « ailes de poulet ». Nous noterons comme un air de ressemblance entre le guitariste Steve à gauche de la scène et le jeune bassiste Walle. Les rois du Beatdown Hardcore règnent ce soir en maîtres et nul ne peut résister à l’énergie uppercuts tirés du dernier album en date Chaos Reigns (BDHW Records) paru il y a déjà deux ans à présent. Nouvelle grosse claque de la soirée donc.
Enfin, ce sont nos amis belges de Leng Tch’e qui se produisent en tête d’affiche ce soir, deux mois à peine avant la sortie de leur sixième galette Razorgrind (Season Of Mist) que nous pouvons d’ores et déjà vous recommander à la rentrée parmi vos fournitures au rayon Death/Grind. D’ailleurs, il conviendrait de qualifier justement la musique du combo flamand de Razorgrind, comme le titre du nouvel album l’évoque, ce nom provenant des tous débuts du groupe durant lesquels Sven de Caluwé (Aborted) jouait alors de la batterie (2001-2007) et avait baptisé le style de Leng Tch’e. Malheureusement la séance de torture sonore de ce soir n’attendra pas totalement l’effet escompté, la faute à une chaleur étouffante en cette fin de soirée et un public de spectateurs ayant, pour la moitié d’entre eux environ, besoin de prendre l’air afin se rafraîchir dehors. Si les compositions du dernier album Hypomanic font leur petit effet grâce à des structures en béton et un set bien en place (l’excellent « Totalitarian » et ses chœurs façon aboiement sans malheureusement la présence de Mark « Barney » Greenway de Napalm Death en invité comme sur disque), cela manque un peu de dynamisme par rapport aux précédentes formations ayant foulé les planches dans la journée dont Fallbrawl juste auparavant. Au micro, le sympathique et bavard Sergeï Kraven se met vite le public dans sa poche néanmoins avec son phrasé français entre deux petites douceurs Grind, et contraste presque entre ces growls parlant de torture et autres violences inhumaines et sa bonhomie constante. À la basse, le grand Nicolas demeure impérial et le batteur impressionne dans son effort derrière les futs brûlants, mais le show manque tout de même de dynamisme dans le jeu de scène (le guitariste Jan délivre d’excellents riffs tout en restant relativement statique dans leur interprétation, dommage). En outre, nous avons droit à de nombreuses petites gâteries au passage extraites en avant-première de Razorgrind mais qui peuvent souffrir de « quelques agencements » dans leur rendu live comme précisa Sergeï, le groupe étant encore en période de rodage sur son nouveau répertoire : « Guinea Swine », « AnarChristic », « Spore », « Cirrhosis », « Cibus », et l’original et plus décalé dans sa mélodie « Stentor of Doom ». Leng Tch’e a prouvé ce soir qu’en matière de Death/Grind, les Belges avaient encore la frite même si celle-ci avait tendance à se ramollir quelque peu à cause des plus de quarante degrés ambiants. A revoir dans de meilleures circonstances et rendez-vous est pris en septembre dans Metal Obs’ pour l’interview de son bassiste et la chronique de Razorgrind. À minuit, les hostilités s’achèvent pour laisser place au tube « WYMCA » des Village People et c’est parti pour une heure de disco avec DJ MAT & 2000. Pour notre part, ce sera « bonne nuit » !
08/07/2017
Deuxième journée de festivités à l’espace Gentiana situé, rappelons-le, au pied de Radio Béton à Tours, où l’on attend toujours plus de monde et surtout un peu de fraîcheur (les batailles d’eau avec pistolets étant fort bienvenues la veille). Dès 15h00 comme prévu, Sensorial Damage monte sur scène quelques minutes à peine après l’ouverture de la salle devant un faible public à cette heure avancée de la sieste. Et c’est bien connu, les absents ont toujours tort car ce jeune groupe poitevin délivre une bonne prestation, énergique et propre grâce à un son correct et surtout pas trop fort (première partie oblige). Auteur d’un premier album In/out et d’un EP auto-produit nommé Buried Memories sorti tout récemment en juin, Sensorial Damage permet un bon échauffement dans le pit sur des mosh parts très efficaces, sans toutefois oublier quelques mélodies appréciables entre deux.
S’en suit Ashes To Fire qui donne ici son dernier concert sous ce nom, le quintet bordelais ayant décidé de continuer l’aventure sous un autre patronyme. C’est dommage car leur musique, sorte de Djent/Deathcore mélodique, est intéressante même s’il manque quelque chose pour que l’on accroche réellement. Le bassiste et les deux gratteux sont loin d’être des manches avec leurs instruments à 7, voire 8 cordes pour le guitariste à droite de la scène, et ces derniers envoient de bons riffs et quelques soli déchaînés par moments, mais l’ensemble se veut trop hétérogène parfois, le chant ne collant pas toujours à certains passages (chant clair, hurlé (Death ou Hardcore)) comme si le groupe se cherchait encore (d’où leur split et renaissance à venir ?). Si l’audience ne réagira guère durant tout le set des musiciens, cela ne décourage pas son chanteur qui ne cessera d’aller chercher du soutien auprès du public, en vain, même si certaines supportrices au premier rang acceptent volontiers une gorgée de Jägermeister… Si leurs derniers EP, Still Waters et Karmalogy, à l’artwork précieux avaient séduit certains fans, nous sommes curieux de voir leur évolution artistique quand ils renaîtront de leurs cendres dans un futur, on l’espère, proche, tel le Phénix…
Petite interlude Punk à présent avec les locaux de BJCL qui remplacent Jarod initialement programmé. De manière totalement décontractée, Junior et sa bande balancent gentiment leur petit répertoire Punk Rock old school made in England. À noter un très bon guitariste qui envoie des riffs secs et parfaitement calibrés et un sympathique chanteur moustachu aux airs d’enfant désinvolte qui dédicace une fois sur deux la chanson à la mère d’un copain. Allez, la petite récré Punk touche à sa fin. A quand BJCL à vos banquets de noces ou anniversaires ?
Place aux choses plus sérieuses et foncièrement Hardcore avec les furieux Parisiens de Mind X Awake qui ne sont pas venus ici pour faire semblant. À l’image de son chanteur et véritable frontman, le combo a des choses à dire et pour ça, il fait parler la poudre à travers des titres courts et expéditifs, très énergiques, et des paroles engagées (protection des animaux, valeurs Hardcore, Straight Edge, etc.). Franchement, c’est trop court, et on en redemanderait presque. On attendra leur nouvel album Pressure paraître en fin d’année pour les recroiser probablement dans l’Hexagone.
La température monte encore d’un cran sur scène et dans le pit avec les autres Tourangeaux de la journée après JCLB, ou plutôt devrions-nous dire les Tourangelles de Sisterhood Issue. Prenez une Delphine enragée au micro qui n’aurait presque rien à envier à une certaine Candace (Walls Of Jericho), la grande Giny (ex-Furious Belly) en shorty également derrière son micro et surtout sa Flying V en main prête à balancer les watts, un batteur Julien impeccable de précision, et un Christophe pépère avec sa basse qui va mouiller littéralement sa chemise durant le show (mais ne la tombera pas) et vous obtenez un quatuor mixte expérimenté à la parité exemplaire et aux hymnes Punk/Hardcore tout droits venus des States. La formation, née en 2007, qui a déjà tourné notamment en Espagne dans le passé, affiche la banane sur scène et donne exactement ce que le public attend de lui : de la rage avec super état d’esprit. Il faut dire que ce public lui mange dans la main étant donné que Sisterhood Issue joue à domicile. Et au lieu de crier « A poil les filles » de manière bien machiste dans cette salle Gentiana plus que bouillante, c’est le bassiste Christophe qui récolte les suffrages du public. Bref, Sisterhood Issue a beau avoir écumé toutes les scènes tourangelles (Le Temps Machine, le Canadian Café, Le Bateau Ivre), on ne s’en lasse guère. C’est un vrai régal de les revoir en attendant un hypothétique nouvel album ?
Nine Eleven ayant été déprogrammé, Real Deal remplace au pied levé ces derniers. Et jouant aussi ce soir à domicile comme ses petites sœurs précédemment, leur cause est déjà tout acquise auprès du public qui a pu encore les voir au printemps dernier sur scène. C’est carré, efficace, sans détour et les mosh parts reprennent de plus belle. Son chanteur, vêtu d’un bermuda treillis kaki et d’une casquette vissée sur le crâne, part à l’assaut de Gentiana et lance la guerre dans le pit auprès des spectateurs les plus enragés. Franchement la scène locale française se porte à merveille et n’a rien à envier à la concurrence étrangère parfois.
Les Allemands de Risk It ! continuent dans la même veine et là, ça fait encore plus mal ! On passe un nouveau cran avec les extraits de leur dernier album en date Cross To Bear (Farewell Rec.). Tous les Coreux s’y mettent dans le pit, le groupe d’outre-Rhin étant très attendu par les fans du genre Hardcore pur et dur. « Deutsche Qualität » oblige, le show de Risk It ! se veut rythmé et très pro. Nos gaillards barbus et/ou tatoués enchaînent les uppercuts Hardcore qui mettent véritablement le feu à la petite centaine de spectateurs à présent. Comme à l’accoutumée, c’est du sport avec Risk It ! qui ne déçoit jamais en live. Par contre, si vous plongez au cœur du pit, c’est à vos risques et périls !
À vrai dire, nous ne savions pas trop à quoi nous attendre pour la venue des Américains de Ghoul en Touraine (2 dates seulement en France, dont celle du Hellfest 3 semaines plus tôt), si ce n’est un Metal extrême (un Death Metal à la Morbid Angel en plus basique) avec des influences Thrash old school et Hardcore. Hé bien, pas tout à fait, en fin de compte : le groupe d’Oakland (Californie), composé notamment de deux membres d’Impaled et ex-Exhumed, a peut-être adapté son répertoire, dans tous les cas ils n’ont pas lésiné sur les nombreux costumes et autres gadgets scéniques en tout genre (projection de sang dans le public, etc.). Même dans la fournaise de l’espace Gentiana, tous les musiciens ont gardé leur cag(h)oule tout du long, sous plus de 40 degrés, et délivré un show humoristique, voire caustique, plein de second degré et de références aux films d’horreur de série Z ou aux légendes du Metal (Iron Maiden et son Eddy ici en version cheap) sur une musique puissante carrément Death/Grind (un peu à la Brujeria mais sans le côté Pocho) avec des riffs racés aux influences Thrashcore/Crossover. Franchement, quelle bonne tranche de rigolade jusqu’au clou final : l’apparition du Ghoul (déterreur de cadavres) en slip avec son sceau plein de faux sang et d’aliments divers balancés au public. Fun et originale, ce fut assurément la surprise de la soirée, quelque part entre Gwar et Brujeria, et ce, malgré son côté cheap dans les apparats. À revoir.
Enfin, last but not least, après cette bonne tranche de rigolade avec Ghoul, les maîtres du Hardcore/Metal européen, j’ai nommé Born From Pain, ont la difficile tâche de passer une fois le grand nettoyage de la fosse fait à cause des stigmates de Ghoul encore visibles. Changement d’ambiance donc, et ce sont en vrai patrons que nos amis hollandais, plus discrets ces dernières années, montent sur scène. Ils vont vite mettre tout le monde d’accord. Si le sympathique Rob Franssen, coiffé de son bob de touriste au début, et son acolyte Dominik Stammen à la guitare, vêtu de son T-shirt Kreator, sont les plus anciens membres de la bande, leur musique demeure imparable et se veut la véritable réponse du Vieux Continent à Hatebreed depuis vingt ans. Ouvrant les hostilités par l’intro « As Above, So Below » suivie de « Cause & Effect », tous deux tirés de leur dernier méfait Dance With The Devil (datant tout de même de 2014), le combo néerlandais rentre dans le tas, n’oubliant pas ses classiques comme l’énorme « Rise Or Die » (extrait d’In Love With The End/2004) ou « Stop At Nothing » (War/2006). Le nouveau et grand bassiste Tommie Gawellek est très dynamique et transpire comme un fou sur le devant de la scène, faisant finalement oublier l’époque où le leader Rob était alors à la quatre cordes. Ce dernier nous confiera d’ailleurs entre deux ventes de T-shirts ou de skeuds au merchandising (do it yourself oblige) travailler sur un nouveau disque à paraître en fin d’année chez Beat Down Hardwear si tout va bien… Cette tête d’affiche du festival tient toutes ses promesses et c’est la boucherie dans le pit, comme à la grande époque du Hellfest 2006 où le groupe était alors en pleine ascension et signé chez Metal Blade…
Une nouvelle fois cette troisième édition du Riip Fest à Tours fut un rendez-vous incontournable pour les Coreux et Métalleux, le tout dans une très bonne ambiance, des bénévoles accueillants et à l’écoute, un service de sécurité sérieux, de la nourriture mangeable (ce qui est loin d’être le cas en festival) et une programmation riche et variée avec des petits et des grands groupes. Même si l’on a beaucoup transpiré, on se dit que c’est pour la bonne cause. À quand un Riip Fest en plein air ? Ce serait une bonne idée mais quoi qu’il en soit, on reviendra pour la prochaine édition du Riip Fest en 2018 avec une affiche d’aussi bonne qualité et on l’espèce avec toujours plus de public !
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