ROTTEN SOUND : No future

En matière de grindcore où il existe une foultitude de formations plus ou moins intéressantes sur la scène underground, c’est un peu comme le sketch des Inconnus sur les chasseurs : il y a le mauvais grind, bon le gars, il voit un truc qui bouge, boum, il grind, sans plus, c’est le mauvais grind ; et puis le bon grind, le gars voit un truc, il grind, mais ça c’est du bon grind… Bon, on va dire que c’est un peu comme qui dirait : « le viandard, et le non viandard » … Vous l’aurez compris, la nuance est donc parfois subtile. Mais une chose est sûre, en matière de boucherie sonore, les Finlandais de Rotten Sound sont les champions sur la scène grind européenne actuelle, au côté de Nostromo ou des regrettés Nasum (R.I.P.), mais aussi des vétérans du genre comme Napalm Death auxquels nos quatre Scandinaves ont plusieurs fois rendus hommage par le passé. Leur huitième bombe Apocalypse, qui s’est faite quelque peu désirer, sept ans après Abuse To Suffer, vient nous rappeler à l’ordre. [Entretien avec Keijo « G » Niinimaa (chant) par Seigneur Fred – Photos : DR]

Dernièrement, vos confrères de Napalm Death ont joué en France. Lors de leur concert parisien (NDLR : le 26/02/2023), leur célèbre chanteur Barney s’étant cassé le pied droit auparavant à Munich, s’est produit quand même avec le groupe en étant assis, alors qu’en plus Shane Embury dut s’absenter. Du coup, ils n’ont pas annulé le reste de leur tournée française, ni leur tournée européenne. Bien sûr, certains fans furent déçus, mais ce fut cependant très respectueux de ne pas tout annuler vis à vis des fans. Que penses-tu de leur attitude que je trouve très respectable ? Est-ce qu’en tant que chanteur, tu serais capable de faire ça et d’assurer un concert dans cette situation, assis sur une chaise tout du long ? Peut-être avez-vous déjà rencontré d’ailleurs un problème similaire dans le passé ?
Je suis d’accord, c’est respectueux pour les fans. Je le ferais s’il n’y avait pas un genre de problème de santé impliqué plus grave derrière, comme s’éponger avec un tissu de sang alors que j’étais assis dans le van (tour bus) entre les spectacles. Mais je sais que même faire ça la nuit et gérer le mobil-home n’est pas facile pour Barney, donc, beaucoup de respect pour eux. Concernant Rotten Sound, nous avons en fait eu un accident en 2016 lorsque Sami (Latva), notre batteur, s’était cassé la jambe droite au Obscene Extreme Festival. Il a réussi à jouer des d-beats avec le pied gauche et nous avons effectivement quand même joué cette fois-là en République Tchèque.

Au passage, je me suis toujours posé la question quant à l’influence de Napalm Death sur Rotten Sound, musicalement, mais surtout dans vos paroles et titres de chansons ou d’albums. Peux-tu me confirmer ou infirmer si certains de vos titres ont été inspirés directement par Napalm Death, les parrains du grindcore (Avec quelques autres groupes célèbres comme Carcass, Repulsion, etc., bien sûr) ? Par exemple : l’EP Napalm (Relapse Rec./2010) ; l’EP Species At War (Season of Mist/2013) ; votre précédent LP Abuse To Suffer (Season of Mist/2016), et le dernier EP en date Suffer To Abuse (Season of Mist/2018). Est-ce que je vois juste ou bien y’a-t’il un réel clin d’œil ici par exemple à « Suffer The Children » de Napalm Death ? (sourires)
Je n’ai rien écrit d’autre que le titre « Suffer » sur l’album Murderworks en hommage à Napalm Death, en plus de l’EP Napalm, où figurent trois reprises et trois de nos chansons.

Bon, ça faisait un bail que vous n’aviez pas sorti un nouvel album, votre dernier LP Abuse to Suffer remontant à 2016… Bien sûr il y a eu cet EP Suffer To Abuse sorti entre-temps, mais pourquoi un tel décalage entre Abuse To Suffer et le nouveau baptisé Apocalypse ? A cause de la pandémie de Covid-19 ayant contraint vos plans en studio ?!
C’est notre huitième album, donc il n’y avait pas vraiment de stress. Nous avons également un nouveau membre entre-temps, et voulions nous assurer que les nouvelles compositions soient vraiment au point. On a également fait une pré-production complète mais après, on a dû attendre la réservation du studio. Ensuite, quand nous avions fini il y a plus d’un an, on a alors rencontré un retard du pressage de la version vinyle, donc voilà, ça se résume ainsi. Mais comme nous n’avons jamais été un groupe de travail à plein temps, on a nos activités professionnelles à côté, cela constitue une bonne pause dans notre cycle de sorties et notre routine de tournée.

Parlons maintenant de ce huitième brûlot : Apocalyse. A-t-il été inspiré par la récente pandémie mondiale de covid-19 que nous avons tous vécue dans le monde, l’accélération du réchauffement climatique, et la guerre actuelle en Europe de l’Est opposant l’Ukraine et vos voisins russes ? Il est très sombre et son artwork pourrait représenter ces nouvelles catastrophes sur Terre, comme une sorte de nouveaux fléaux, en comparaison aux guerres et à la Grande Peste Noire au Moyen Âge (1347-1352) mais de nos jours sur Terre…
Tout a été écrit avant le conflit ukrainien, mais nous avions aussi eu des guerres avant, tu sais. La race humaine semble échouer quand il s’agit de paix. Nous ne pouvons pas gérer le changement climatique et quand la musique est sinistre, des paroles sinistres et leurs illustrations conviennent dans ce genre de situation et vont de pair. Mais il y a aussi des lueurs d’espoir dans tout ça, comme se demander comment nous devrions faire pour éviter nos problèmes à l’avenir ?

Qui a réalisé justement la nouvelle pochette d’Apocalypse parce que c’est dans le même esprit qu’Abuse To Suffer, je trouve ? Je crois que ce n’est pas Thomas Boutet (qui avait fait la pochette de l’album Cycles dans un tout autre style). Les couleurs de la pochette d’Apocalypse sont très proches de celles d’Abuse To Suffer
C’est Xavi (Error Design) qui a réalisé celui-ci. Les couleurs ont un peu de similitude, en effet, mais c’est plus sombre comme nous le souhaitions pour Apocalypse.

Le son d’Apocalypse est très bon et puissant encore une fois. Où l’avez-vous enregistré et avez-vous changé quelque chose ici par rapport à vos derniers albums précédents ?
Nous avions un ingénieur de mixage différent. Il s’appelle Jesse Gander et ça a été réalisé aux Rain City Studios cette fois. C’est probablement la plus grande différence en fait.

Avec le temps, as-tu remarqué une évolution dans l’approche de la production sonore en studio notamment dans la scène metal grindcore au fil des années qui à l’origine se veut très spontanée et underground ? Par exemple, à vos débuts, aviez-vous l’habitude d’enregistrer « live » en studio en jouant tous les instruments ensemble et le chant simultanément, en gardant la meilleure prise, voire la première, alors que maintenant peut-être vous avez pris l’habitude d’enregistrer chaque partie d’instrument ainsi que le chant à part dans un processus numérique ? En bref, ne penses-tu pas que le grindcore se professionnalise et a évolué avec les années en studio ?
On a enregistré en condition « live », comme  tu dis, en studio sur nos deux premiers EP’s, mais tout se fait séparément de nos jours. Il ne s’agit pas d’être professionnel, mais disons que simplement que c’est plus facile ainsi maintenant. Il en va de même pour tous les groupes, quelque soit leur genre musical. Et puis, cela nous donne aussi plus de liberté dans le mixage. Nous n’avons pas non plus besoin d’être en studio en même temps, ce qui facilite la planification des sessions pour chacun du groupe.

Ce qu’il y a d’intéressant chez Rotten Sound est qu’il n’y a jamais eu un mauvais disque dans toute votre discographie depuis vos débuts dans les années 1990 (depuis 1993 exactement mais votre 1er LP remonte à 1997). Chaque sortie a atteint un haut niveau de qualité, que ce soit dans l’écriture et la composition des chansons, mais aussi dans la production sonore. Comment expliques-tu ces résultats constants de qualité dans vos nombreuses sorties d’albums et EP tout au long de votre carrière jusqu’à maintenant, y compris le nouveau, Apocalypse ?
Ha ha, merci ! (rires) Je suppose que nous voulons toujours faire de notre mieux et attendre d’avoir tout le matériel avant d’aller en studio. Donc, dans ce sens, prendre quelques années supplémentaires était principalement pour obtenir à nouveau une meilleure qualité. C’était notre objectif pour le nouvel album. Je suppose que nous n’aimons pas stagner, mais pensons toujours à ce qui peut être amélioré. Cela dit, beaucoup de gens pensent que certaines versions passées étaient les meilleures, donc après, c’est aussi une question d’opinion…

En live, Rotten Sound est une énorme machine qui dévaste tout, je m’en souviens et le constate à chacun de vos concerts. Comment peux-tu décrire un show typique de Rotten Sound pour des gens qui ne vous ont jamais vu, ni écouté jusqu’à présent ? À quoi peut-on s’attendre sur votre prochaine tournée pour Apocalypse par exemple ?
Je ne sais pas, je ne nous ai jamais vus en live, en fait… (rires) Même s’il y a des vidéos sur internet. Mais plus sérieusement, aujourd’hui le son fait évidemment partie de notre truc, et puis on a aussi envie de livrer le meilleur show à chaque fois. En fait, on n’a pas de gadgets, c’est juste du grind, mais à notre manière, selon notre propre chemin.

Pour conclure, quels sont vos projets avec Rotten Sound afin d’amener cette apocalypse sonore sur terre pour cette année ou plus tard ? Pouvons-nous espérer vous voir bientôt en France peut-être dans le cadre d’une tournée européenne ou lors des festivals d’été ?
Nous n’avons pas de shows français dans nos projets de tournées actuels à vrai dire, mais j’espère que nous réglerons cela l’année prochaine. La France a toujours été un très bon endroit pour jouer pour nous. Merci à toi, on se revoit bientôt, et prenez soin de vous d’ici là !

Publicité

Publicité