SATYRICON : Satyricon & Munch

Satyricon & Munch - SATYRICON
SATYRICON
Satyricon & Munch
Ambiant/musique de musée
Napalm Records



Difficile exercice, diront certains, que de chroniquer ce projet artistique si singulier de Satyricon consistant à accompagner la visite de l’exposition du Musée d’Oslo dédiée au célèbre peintre et graveur expressionniste Evard Munch… Difficile, mais pas impossible !! Or impossible n’est pas français, et justement, ça tombe bien puisque cette expo, qui s’est achevée fin août dans la capitale norvégienne, débarque en France au Musée d’Orsay (malheureusement, ni le célèbre musée parisien n’a été capable de nous renseigner si cette musique y serait diffusée, ni l’artiste Frost en interview, il aurait fallu s’adresser à Satyr, bien trop occupé entre sa famille, ses vendanges avec sa vigne, et ses autres projets musicaux à venir… ). Qu’importe, apprécions déjà ce curieux dixième opus studio du fameux duo norvégien, en attendant un prochain foncièrement black metal (normalement l’an prochain d’après ce que nous avons décodé lors de notre nouvelle interview du batteur Frost). Si l’on pourrait croire que l’univers du peintre et graveur scandinave Evard Munch est à des années lumières de celui de Satyricon, c’est se tromper…
Certes, point de riffs black metal, ici, ni d’attaque endiablée à la batterie acoustique, non, point de cela, mais quand même, Satyricon arrive superbement à façonner une atmosphère étrange et intimiste, tout à fait en osmose avec l’univers graphique du célèbre artiste norvégien. On sait que Satyr et Frost aiment nous surprendre et aller sur des terrains aventureux, là où on ne les attend pas toujours. Souvenez vous l’EP Intermezzo II et son successeur, l’album Rebel Extravaganza, aux sonorités industrielles crues et totalement froides à l’aube de l’an 2000, précurseur d’une sorte de black metal moderne (blackcore ?) ; ou bien encore son album Live At The Opera, qui, comme son nom l’indiquait, représentait la captation d’un formidable concert du groupe norvégien au complet à l’opéra moderne d’Oslo devant un parterre de fans assis confortablement (puis debout), face à des choristes, chose plutôt rare comme cadre dans le métal même si ces vingt dernières années, la mode symphonique s’est popularisé (cf. Metallica et l’orchestre philarmonique de San Francisco) sauf que là, point d’orchestre, mais un accompagnement de chœurs grandioses wagnériens dans une mise en scène très sobre, pour un résultat épique !

La visite continue ainsi, et une certaine peur s’installe par la suite, à l’image des visages très souvent froids et austères que l’on retrouve chez le peintre norvégien. Les effets électroniques entendus précédemment reviennent en boucle, comme pour une nouvelle transition. Vers la 15ème minute, de magnifiques cordes viennent apporte un sentiment de puissance, on croirait entendre une B.O. de film moderne de vikings comme The Northman. La réflexion, ou plutôt le questionnement sur autrui et soi-même, envahit nos esprits tourmentés. Le guitariste et principal compositeur Satyr, toujours accompagné de son fidèle batteur Frost, très discret ici il faut bien l’avouer (à part peut-être à la 30ème minute où les percussions s’excitent un peu), veulent à la fois nous faire sortir des sentiers battus, faire perdre nos repères, pour que l’on se laisse, paradoxalement, guider par les différentes ambiances qui évoluent, s’entrecroisent et nous accompagnent toujours comme un fil rouge musical dans un monde inquiétant, angoissant presque, mais qui, passé la 40ème minute environ, aboutit à une sorte d’éclaircissement, d’apaisement, un moment de clarté dans ces ténèbres contemporaines (rappelez vous le morceau antinomique « A Moment Of Clarity » de Satyricon sur Rebel Extravaganza)…

En résumé, pour tous ceux qui adorent la musique électroacoustique du XXème siècle, développée après la seconde guerre mondiale, et plus tard des pionniers plus populaires comme Jean-Michel Jarre, avec une curiosité pour les styles dark ambiant, indus, mais aussi en fin de compte post black métal, alors ils y retrouveront un espace sonore feutré finalement car on y retrouve des mêmes émotions noires, plus ou moins intenses, certes, mais emplies d’un spleen hypnotique que Satyr arrive à retranscrire, lui qui est fasciné par l’œuvre de Munch depuis des années, déjà mis en lumière depuis l’artwork du précédent album Deep Calleth Upon Deep, tout comme nous l’a aussi confié Frost en entretien. Alors bien sûr, si vous n’avez pas de temps à perdre et préférez attendre un prochain album de Satyricon nettement plus (black)metal, il faudra quand même prendre votre mal en patience, surtout qu’un album de reprises est toujours dans les cartons chez nos amis norvégiens. Pour l’heure, le difficile challenge mais pas impossible est relevé par le fameux duo de black metal, entouré de quelques rares musiciens. Mais rendons à César ce qui revient à César : quand on sait que Satyr avait composé et écrit seul à l’âge de 14 ans, au tout début des années 1990, le premier album culte Dark Medieval Times d’Eczema, enfin le nom devint rapidement Satyricon, et qu’aujourd’hui ce génie entreprend donc de s’atteler alors à une bande-originale pour accompagner le grand public durant la visite de l’exposition dédiée à l’artiste international qu’était Edvard Munch (1863-1944) au Musée d’Oslo, cela ne surprendra guère les vrais fans, ceux ouverts d’esprit, et attirera la curiosité des néophytes. Ça c’est une bonne chose, l’art n’ayant pas de frontière. [Seigneur Fred]


Retrouvez l’interview du batteur Frost de SATYRICON ici !

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