Les ténors grecs du death metal orchestral publient Modern Primitive, un onzième album studio au titre à la fois antinomique et du coup énigmatique. Mais aujourd’hui, que peut-on encore attendre honnêtement de cinq musiciens au sommet de leur art capté live à Mexico avec l’orchestre symphonique local en 2019 (cf. Infernus Sinfonica MMXIX / Season of Mist) ? Une qualité irréprochable ? Bien sûr. Une maîtrise totale ? Assurément. Un savoir-faire ? Indéniablement. Des émotions ? Certainement. De l’innovation ? Oui et non, disons là juste ce qu’il faut pour ne pas lasser ni perdre les fans historiques. Si ce Modern Primitive s’inscrit dans la suite logique de Codex Omega paru il y a déjà cinq ans, il va encore plus loin dans les atmosphères et la puissance. Même son guitariste/chanteur et principal auteur, le précieux mais plus rare à la scène Sotiris Vayenas, nous a confié trouver Modern Primitive plus heavy que son prédécesseur, c’est vous dire !
Le résultat de leur intense travail a été enregistré, sonorisé, et mixé dans trois studios différents (Athènes pour les parties metal hors batterie et orchestrations et la chorale Libro Coro, en banlieue de Stockholm pour la batterie justement en Suède chez Jens Bogren (Amon Amarth, Opeth, Paradise Lost, Kreator, Ihsahn, etc.), et Prague pour les chœurs et son orchestre philarmonique) malgré une pandémie entre-temps, retardant quelque peu la sortie de ce nouvel opus. « The Collector » nous met directement dans le bain, après sa petite intro méditerranéenne avec ses violons et son bouzouki. Rassurés, nous le sommes par les guitares et orchestrations écrasantes et les growls de Spiros « Seth » Antoniou, en pleine possession de son organe vocal. La petite mélodie rappellerait presque un passage de la B.O. du Bon, La Brute, et le Truand d’Enio Morricone, qu’empruntent les Four Horsemen à chacun de leur concert, mais non il s’agit bien de Septicflesh avec un superbe pavé comme entrée en matière. Le single « Hierophant » continue de nous plonger un peu plus dans les ténèbres et les antiques mythes du quintet grec (le guitariste Psychon ayant été enfin intronisé comme cinquième membre officiel, lui qui accomplit un sacré travail live depuis des années déjà).
Ce que l’on constate, c’est le retour du chant clair toujours assuré par le maître Sotiris Vayenas, si rare à la scène mais si précieux dans l’écriture des paroles et des voix claires. Il y a un côté relativement immédiat comme pouvait l’être Communion ou bien Revolution DNA. Septicflesh va ici à l’essentiel et mise sur des refrains catchy, un peu à la « Anubis »…
« Self Eater » dévore un peu plus nos âmes et aussi nos esprits charmés par ces chœurs et rares chants féminins assurés par une certaine Fany Melfi (exit depuis longtemps Natalie Rassoulis avec qui le groupe n’est plus en contact et se lasse de la question : « à quand un éventuel retour de la belle diva grecque » comme à l’époque de The Fallen Temple). Alors que la légère intro tout en finesse à la guitare acoustique de « Neuromancer », titre inspiré de l’univers cyber-punk de l’écrivain William Gibson, contrebalance vite avec les growls à venir du terrible bassiste/chanteur Seth, les riffs pachydermiques et la section rythmique à la Gojira achèvent notre descente aux enfers grecs, perdus quelque part entre le Tartare et le Thanatos… Le refrain fait alors mouche. Septicflesh arrive encore à nous accrocher, et ça, c’est la recette clé du trio infernal composé des fondateurs Sotiris Vayenas et des deux frérots Antoniou. Christos d’ailleurs, en charge des guitares rythmiques mais aussi et surtout des orchestrations, excelle avec l’expérience, et n’en fait plus ni trop, ni pas assez. Le dosage des riches orchestrations signés du fameux Orchestre Philharmonique de Prague, des chœurs sur les parties foncièrement death metal est tout simplement parfait.
Sur « Coming Storm », né non pas de la cuisse de Jupiter mais d’une idée de riff composé par le guitariste Psychon, on navigue dans du Septicflesh plus classique et un peu pompeux, mais la tempête passe vite et le break où l’on croit entendre un instant le chant d’une sirène dans la mer Ionienne, tel Ulysse dans l’Odyssée, nous permet de prendre une respiration avant d’être avalé par le mastodonte qu’est devenu Septicflesh durant ses (presque) trente ans d’existence. Le final avec l’intervention de Sotiris Vayenas magnifie un peu plus une chanson de prime abord classique, mais riche comme Crésus. La force du combo athénien réside bien sûr toujours dans ses contrastes saisissants issus d’un savoir-faire musical et d’arrangement indéniable, pompeux dirons certains, génial diront les fans. La seconde partie de l’album s’avère encore plus heavy avec un « Psychohistory » lourd à souhait, les racines death metal n’ayant finalement jamais disparues chez nos amis grecs, et une chanson-titre qui fait passer Metallica pour des amateurs sur son premier S&M car là, le mixage metal/musique classique en impose vraiment, se faisant tout en symbiose, sans forcer. Entre-temps, le splendide « A Desert Throne » nous envoie peut-être au sommet de Modern Primitive, où les guitares prennent un temps le dessus sur les diverses voix. On ressent presque le groove d’A Fallen Temple ou d’un Communion. Enfin, « A Dreadful Muse » achève sur des parties de guitares plus innovantes et très metal, avec des orchestrations moins grandiloquentes, tout en subtilité, avec une fin presque en apothéose. Ainsi, les muses ont visiblement inspiré nos amis grecs que l’on suit depuis tant d’années, de leurs débuts chez Holy Records et leurs albums cultes Mystic Places of Dawn, Ophidian Wheel. Pour les fans, ne manquez pas les trois chansons en bonus : « Salvation », « The 14th Part », et une version orchestrale de « Coming Storm ». Reste maintenant à a attendre un prochain album de Chaostar et les fans seront aux anges ! [Seigneur Fred]
Retrouvez l’interview rare du guitariste/chanteur/parolier Sotiris Vayenas de SEPTICFLESH ici !
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