Dans le même délire conceptuel que des formations comme Ex Deo ou Centurion, c’est au tour des Siciliens de Sirrush de partir au combat afin d’ajouter sa pierre à l’édifice du genre « métal extrême inspiré par l’Antiquité ». Ayant subitement disparu du champ de bataille en 2011 après la publication d’un premier EP autoproduit The Era of Išhtar, ce trio devenu quatuor refait parler de lui avec ce premier LP intitulé Molon Labe, qui signifie en vieux grec, « viens les prendre ! » , célèbre réponse donnée par le roi spartiate Léonidas 1er face à l’invasion perse du roi Xerxès 1er, les invitant à venir chercher eux-mêmes les armes grecques plutôt que de les obliger à leur rendre et à se livrer sans faire couler le sang.
Ceci donnera alors naissance en août ou septembre -480 avant J.-C. (les sources diffèrent.) au combat héroïque de trois-cents hoplites spartiates (et sept-cents soldats de Thespies dirigés par Démophilos) dans le détroit des Thermopyles face à des hordes de soldats perses (entre 70 000 et 300 000 unités selon la police ou les syndicats, comme d’habitude, enfin plus sérieusement selon Hérodote pour l’époque qui nous concerne).
Fin de la parenthèse historico-légendaire et place à la musique qui, vous vous en doutez, ne va pas donner dans la gentille berceuse, mais bel et bien dans un black/death metal belliqueux et épique. Si Sirrush pouvait plus logiquement puiser d’avantage dans la propre culture de ses aïeux de la Rome antique, que nenni. Il préfère là se plonger dans celle de la Grèce antique, à l’image de l’artwork réalisé par le chanteur/guitariste Otagron lui-même. Passé une intro symphonique et sombre ( « The Path Of Heroes » ) en hommage aux hoplites grecs morts au combat, les choses s’enveniment progressivement sur « Deimos », avec un riff accrocheur et des claviers atmosphériques propices à s’initier dans ce combat pour la vie ou la mort. Puis très vite, le métronome s’affole. On frôle les 300 bpm avec un certain Sculptor of Flesh derrière les fûts, qui sort l’artillerie lourde et pilonne ses futs alors que les guitares s’énervent sérieusement sous les growls terrifiants d’Otagron (encore lui).
La comparaison avec des redoutables Behemoth, Hate et consorts semble évidente bien que Sirrush développe sur Molon Labe un death/black (ou black/death) déjà sa personnalité et puissant, à la sauce grecque donc, plutôt que romaine. Le chant du leader Otagron impressionne véritablement, capable de vociférations démoniaques aussi bien très graves (growls) que très aigues (screams), mais pourtant l’ensemble tend à le cataloguer plutôt death metal finalement. Tout n’est cependant pas que barbarie ici. En attestent par exemple le rythme plus lancinant sur la fin de « Deimos », le début de « With Your Shield …Or On It » plus mélodieux avant le fracas des percussions de Sculptor of Flesh, ou bien encore le superbe enchaînement de l’interlude atmosphérique « When Muses Speak To Us » avec « The vision of Megistias ».
Sirrush maîtrise son art tout du long et s’impose déjà comme un sérieux outsider sur la scène black/death européenne actuelle. Nos Italiens en ont clairement dans le slip, ou plutôt sous l’armure, et savent proposer de vraiment moments de bravoure, tout en alternant les atmosphères épiques à la brutalité de ses riffs qui sont de véritables coups de lance et d’épées dans les corps adverses (la chanson-titre « Molon Labe », ou le méchant « The Vision of Megisitias » ).
L’album s’achève sur le dernier acte d’héroïsme des Spartiates et Thespiens face aux légions infinies des Perses en surnombre dans le détroit des Thermopyles avec « The Last Glorious Echo », symbole d’apogée et ultime résistance grecque avant de mourir au combat. Mais leur mémoire ne fut pas oubliée comme le rappelle l’outro « Remember Who We Were » en conclusion du disque. Le péplum moderne culte 300 de Frank Miller s’inspira également de cet événement à l’écran, pour rappel. Dans tous les cas, cette célèbre bataille eut pour but de ralentir l’avancée ennemie et permettre aux armées grecques de se réorganiser en défense pour mieux affronter les Perses (notamment sur la mer Égée) mais n’empêchera pas la prise d’Athènes cette même année. Cependant, la situation se renversa grâce aux autres victoires de Salamine (en septembre -480 J.-C.), puis de Platées (-479 avant J.-C.) qui permirent de chasser les Perses et de laisser indépendantes les cités grecques. Mais ceci est déjà une autre histoire qui inspirera certainement Sirrush sur un second opus, qui, on l’espère, sera tout aussi réussi que Molon Labe.[Seigneur Fred]
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