SKELETHAL : Six feet underground…

Evoluant dans les tréfonds de l’underground du metal extrême nordiste, Skelethal n’en est pas à son premier méfait. Formé en 2012 et déjà auteur de multiples démos, EP, et split (dont le dernier avec Outre-Tombe), ce trio ch’ti (quatuor en photo) perpétue la tradition du death metal old school des années 90 mais à sa sauce, même si de bonnes influences prédominent, comme Morbid Angel côté américain, mais aussi scandinaves (Grave, Unleashed, etc.). Malgré des difficultés à trouver un batteur stable et des dates dans l’Hexagone, ses trois principaux membres restent déterminés, à l’image de leur troisième et solide LP, Within Corrosive Continuums, une très bonne galette de death vintage aux ambiances putrides (pas étonnant que l’on retrouve en batteur de session celui de Necrowretch derrière les fûts ici). A la veille d’une mini-tournée canadienne en compagnie de leurs amis québécois d’Outre-Tombe, nous avons pris la température du côté de Lille. [Entretien réalisé avec Guillaume (guitare/chant), Julien (basse), et Lucas (guitare) par Seigneur Fred – Photos : DR]

Le groupe Skelethal existe depuis déjà pas mal d’années (2012), mais je ne vous ai jamais interviewés… Pouvez-vous résumer votre histoire et votre univers qui flirte bon avec le death metal putride et old school, plutôt d’obédience US, je dirai… ?
Skelethal s’est formé en 2012 sous la forme d’un duo composé de Guillaume et Jon, qui officiaient au sein du groupe de thrash lillois Infinite Translation. Les premiers EP et le premier album ont été écrits et enregistrés avec cette formation, en ayant eu recours à des musiciens sessions pour nos concerts. Lors du départ de Jon, le groupe s’est élargi avec l’arrivée de Julien en tant que bassiste, Lucas qui officiait déjà en tant que guitariste session, et Lorenzo Vissol à la batterie. Cette formation a enregistré une démo en 2019 et le deuxième album du groupe, Unveiling The Thresholds, en 2020. Lorenzo a quitté le groupe en 2022 et nous évoluons en trio depuis, en ayant recours à différents batteurs de session. C’est ainsi que nous avons écrit et enregistré notre troisième album, Within Corrosive Continuums, qui sort maintenant cette année.

D’après vous, quelles sont vos principales influences, musicales ? Peut-être Death, Morbid Angel, Deicide, Obituary, mais aussi les premiers Entombed, Grave, ou Asphyx…
La musique du groupe se rapprochait beaucoup de la scène death suédoise des années 90 au début, mais nous avons ajouté beaucoup d’autres influences au fur et à mesure des années.

Étant français et originaires du Nord (Lille), avez-vous grandi et été biberonnés aux sons des anciens Ch’tis de Loudblast (ils sont davantage établis du côté de Paris et la Normandie dorénavant, je pense à Stéphane Buriez et Hervé Coquerel), mais aussi avec les méridionaux, eux, d’Agressor autrefois peut-être, ou les Alsaciens de Mercyless… ? Tous des légendes françaises du death metal dans les années 90 encore bel et bien vivantes d’ailleurs… (sourires)
Nous adorons les premiers albums d’Agressor et Mercyless, qui sont des classiques du death metal. Nous avons partagé l’affiche d’ailleurs plusieurs fois avec Mercyless et cela s’est toujours super bien passé car les mecs sont intègres et passionnés.

Vous vous apprêtez à partir en tournée en juillet pour plusieurs dates de concerts en Amérique du Nord (Canada) au côté des locaux d’Outre-Tombe avec lesquels vous avez déjà publié un split 2 titres en 2022 (Carbonized Records). Est-ce la première fois que vous effectuez un tel périple et avez-vous une fan base importante là-bas, notamment au Québec même si vous chantez en anglais et que la musique est universelle, peu importe la barrière de la langue finalement pour apprécier du bon vieux death metal ? Et quelles sont vos attentes là-bas car j’imagine que le coût de transport et les visas, tout ça revient cher et est administrativement lourd pour des artistes français en général…
J : En fait le groupe a déjà fait une tournée aux USA à ses tout débuts, et on a déjà fait plusieurs tours avec ce line-up, notamment en Angleterre, France (évidemment), mais notre plus gros périple reste la tournée avec Outre-Tombe en 2022 : 15 jours, 15 dates, 10 pays. Pour ce qui est du Québec, en fait, c’est notre première fois à tous donc difficile à dire, mais vu la quantité de groupes qui émergent de leur contrée, je pense que le public sera réceptif à notre venue. Aussi cette tournée sera composée de sept dates finalement, et non pas six.
G : Notre principale attente sur place est de passer de bons moments avec nos potes canadiens d’Outre-Tombe. Après, évidemment, on espère qu’il y aura du monde aux concerts et que le public sera réceptif là-bas.

Côté line-up, sur les photos promotionnelles officielles de Skelethal, vous apparaissez actuellement à quatre or vous avez parlé de trio. Et je n’ai pas noté de batteur dans le groupe. Qui est votre batteur live pour cette tournée canadienne, et qui a joué sur le nouvel album en studio ?
J :
C’est Pierre (Hexecutor) qui nous rejoint sur cette tournée. Pour remettre les choses un peu en contexte, depuis le départ de Lorenzo (ex-Butcher, Schizophrenia, etc…), notre groupe galère à trouver un remplaçant fixe. C’est Marti Ilmar Uibo (Bloody Sign, Necrowretch) qui a fait les sessions d’enregistrements, mais pour des raisons internes au groupe, c’était plus compliqué de tourner avec lui. Pierre a repris le flambeau et on adore jouer ensemble, c’est un vrai pote. La vraie difficulté c’est la logistique: il habite près de Rennes, et nous on est de Lille, ce qui fait que c’est assez lourd pour répéter régulièrement, d’où le fait qu’il soit encore considéré batteur « session », car notre souhait serait vraiment de trouver quelqu’un avec qui répéter régulièrement et se voir facilement.

Skelethal publie donc à présent son troisième LP, intitulé Within Corrosive Continuums. Tout d’abord, qui a réalisé ce superbe artwork représentant un mort-vivant dans les flammes de l’Enfer, on dirait… ?
C’est l’artiste danois Alexander Gjerdevik qui a réalisé l’artwork. C’est un tableau qu’il avait déjà bien entamé lorsque nous l’avons choisi, il l’a peaufiné par la suite.

Within Corrosive Continuums sort sur plusieurs supports : CD, vinyle, et K7. Honnêtement, hormis pour l’objet collector, quel est l’intérêt aujourd’hui de publier un album au format K7 ? Avec les plateformes de streaming, le temps du tape trading est révolu !
J : Il y a encore plein de gens qui achètent des K7, je pense que ça s’inscrit dans une démarche « old school »; plein de groupes en repressent, notamment dans le punk où tous les groupes sortent leur démo en K7. Ça reste un support abordable (plus ou moins) comparé au vinyle, et je sais que certains aficionados sont carrément anti CD’s. Bref, tant qu’il y a des gens qui achètent, je pense que les groupes continueront d’en produire et on n’échappe pas à la règle.
L : Personnellement, je ne vois absolument aucun intérêt au format K7 et je ne comprends pas cet élitisme pseudo old-school/underground. Mais si ça plaît à certains, je trouve ça normal de proposer ce format qui reste malgré tout encore très courant dans l’underground.
G : À la base, j’ai demandé au label s’il fallait vraiment faire des cassettes, eux m’ont dit que les gens en achetaient donc qu’il ne fallait pas hésiter. Personnellement, je n’affectionne pas particulièrement ce format étant trop jeune pour avoir vécu l’époque du tape trading. Voir des groupes présenter des tapes à 10€ je trouve que ça n’a aucun sens, pour moi le seul point positif de ce format, c’est l’accessibilité à tous en termes de prix.

Plus sérieusement et outre ce détail, Within Corrosive Continuums possède seulement sept morceaux, dont une intro, et un titre final long et épique. Même si l’on n’évolue pas là dans un registre metal progressif, peut-on parler là de concept album pour Skelethal ? Si oui, pouvez-vous en expliquer le concept ?
L :
L’album n’est pas un concept album, même si nous voulions qu’il soit cohérent et construit.
G : Effectivement je ne pense pas qu’on puisse parler de concept album. Les morceaux ne sont pas reliés, chacun possède son propre concept et sa propre histoire.

L’une des influences musicales prédominantes que j’ai ressenties à l’écoute de Within Corrosive Continuums réside sans doute dans les albums Formulas Fatal To The Flesh et Gateways To Annihilation de Morbid Angel (disques qui remontent à la fin des années 90). Est-ce là une influence consciente ou bien inconsciente chez vous sachant que ce sont deux bons albums mais pas les plus cultes du groupe de Trey Azagthoth par rapport à leurs premiers méfaits comme Altar Of Madness, Blessed Are The Sick, Covenant, et Domination ? (Personnellement, à l’époque, je les avais bien appréciés à leur sortie fin des années 90/début 2000)
J :
C’est parfaitement assumé et à la fois inconscient, on est tous des fans, et pour nous c’est une voie naturelle que de s’inspirer de Morbid Angel au même titre que tous les groupes de Swedish death qu’on nous colle sur le dos, tous ces vieux groupes « early 90’s » font donc partie de notre ADN, qu’importe les origines en fait…
L : Nous adorons Morbid Angel, aussi bien la première période David Vincent que la période Steve Tucker avec les albums que tu cites. Inconsciemment, cette musique nous inspire toujours, mais il est vrai que quelques riffs de notre album (un plus particulièrement) sonnent très Gateways (…)… ! (sourires)
G : C’était un peu conscient quand même d’ajouter une touche plus américaine (Morbid Angel, Immolation…) sur certains plans. On essaye d’injecter plus d’influences pour ne pas tourner en rond, tout en gardant notre identité.

Sur la chanson « Eyes Sewn Mouth Full », il y a comme une touche dark et sleazy rock sur l’intro un peu à la Svart Crown ou Ulcerate, puis enchaîné à un riff assez punk sur un tempo speed. Chez Skelethal, c’est ça aussi votre vision du death metal old school : y intégrer quelques légères influences comme du punk, du thrash, etc. ?
J :
Le punk, le thrash, voire même le grindcore des débuts sont des styles qui ont tous participé à la création du death metal. J’imagine qu’à l’époque, les frontières entre les styles étaient bien plus poreuses qu’elles ne le sont aujourd’hui. On est tous des fans de tous ces courants,  pour ma part, j’écoute autant Discharge et Minor Threat que Morbid Angel ou Entombed.
L : Les d-beats punks et les touches thrash ont toujours fait partie de la musique de Skelethal. Je pense que cela nous permet d’atteindre une certaine efficacité et je n’envisage pas notre musique sans ces éléments.
G : Je suis moi aussi autant influencé par le punk et le thrash que par le death pour composer. J’écoute ces trois styles à parts égales.

Quelques mots enfin sur l’ultime chanson-titre « Within Corrosive Continuums » qui conclut l’album comme une plage instrumentale ?
L
: Nous avions à cœur de réaliser un long morceau instrumental, notamment car ce n’est pas quelque chose de très courant dans le death metal, mais peut-être plus dans le thrash. Nous adorons les instrus de Metallica (« The Call Of Ktulu » et « Orion »), Death Angel (« The Ultra-Violence »), Tankard (« For A Thousand Beers ») ou encore Sepultura (« Inquisition Symphony ») … C’était donc un défi de s’attaquer à ce genre de morceau et nous sommes assez fiers du résultat.
G : J’ai toujours trouvé ça classe de finir un album par une plage instrumentale, on s’est rendu compte que c’était tous notre cas. On a émis l’idée avec Lucas en discutant une fois, on a essayé d’ordonner pleins de riffs qu’on avait, puis on a trouvé des suites. La plage ambiante a été faite par Julien (basse), puis on l’a peaufinée à trois.

Mais au fait, où a été enregistré et qui a produit, mixé, et masterisé ce nouvel album en studio ? Êtes-vous plutôt adeptes du « do it yourself » et avez-vous réalisé fait maison dans votre home studio peut-être sauf le mixage confié à Scott Burns ou Dan Swanö par exemple ? (sourires)
J :
On a bien poncé le système DIY, ce dernier opus est la seule prod’ où on a tout confié aux Heldscalda Studios, et c’était vraiment cool  de passer par quelqu’un pour gérer tout ça, on s’est vraiment focalisé sur la musique à 100% et c’était génial !
L : Notre expérience au studio était excellente, notamment grâce à Raph Henry qui nous a enregistré et mixé. Il a su nous mettre à l’aise pour tirer le meilleur de chacun d’entre nous et nous avons passé de supers moments avec lui. En tant que musicien, j’ai trouvé ça très enrichissant.
G : C’était hyper cool de pouvoir juste se focaliser sur nos prises sans gérer l’enregistrement. Raph est un passionné et le courant est très bien passé. Il a su nous donner les bons conseils et cela se ressent sur le produit final. On retournera chez lui sans hésitation.

Question matos : quel est l’accordage de vos grattes utilisées sur ce nouvel album et sur quelle guitare jouez-vous ? Fonctionnez-vous plutôt avec du matériel à l’ancienne (ampli Mesa Boogie ou Marshall ou Orange, micros guitares spéciaux, pédales d’effet (distorsion, type Boss HM-2 ou Metal Zone…), ou bien vous utilisez des plugins numériques avec tout un tas de simulateurs/reproducteurs d’effets comme c’est devenu courant pour éviter de transporter ensuite en concerts toutes les pédales d’effets sur un énorme pédalier sur scène ?
L :
Comme depuis le début du groupe, nous sommes accordés en Si et nous utilisons des guitares 6 cordes (Claise, Kramer et BC Rich). Nous n’utilisons que du matériel « à l’ancienne » là encore, et même si l’aspect logistique est souvent pénible, je ne pense pas que l’on changera un jour notre façon de faire.
G : Ouais, je suis assez attaché au matériel et cela me gênerait de passer par des plug in pour me forger un son.

Pour conclure, quels sont les projets à plus long terme hormis cette tournée commune avec Outre-Tombe cet été au Canada ? Plus près de nous, peut-on espérer vous voir bientôt en France dans les clubs et festivals cette année ou en 2025 et en Europe ?
J :
La meilleure opportunité qu’on pourrait avoir serait de trouver un tourneur et continuer à faire le plus de concerts possible.
L : Nous espérons que la sortie de l’album nous offrira davantage d’opportunités de concerts, notamment comme tu le dis, des festivals l’an prochain. Mais le plus important et que cela nous permette de continuer, car je ne suis pas rassasié !
G : On aime le live et c’est ça notre but. On aimerait pouvoir jouer sur certains fest death metal, mais effectivement sans booker pour le moment, c’est compliqué. En tout cas, on a encore des choses à dire et ce n’est pas notre dernière prod’ à coup sûr ! (sourires)

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