Apparus seulement en 2009 sur la scène Dark/Black Metal française, The Great Old Ones (TGOO pour les intimes) ont frappé vite et fort en 2012 et 2014 avec seulement deux opus : Al Azif et Tekeli-Li, tous deux inspirés par l’univers de H.P. Lovecraft. Capables de transcender encore davantage leur musique en live, que ce soit en club ou en festival, nos Bordelais publient aujourd’hui leur troisième album, EOD : A Tale of Dark Legacy.
[Entretien intégral avec Benjamin Guerry (guitare/chant) par Seigneur Fred]
En 2017, comment vous situez-vous parmi la scène Black Metal française et européenne et vous sentez-vous à l’aise avec cette étiquette « Post Black Metal » ?
La scène Black Metal française est présente depuis longtemps en Europe, mais elle obtient aujourd’hui une reconnaissance internationale plus significative. Les groupes font parler d’eux en dehors de nos frontières, et suscitent toujours plus d’intérêt. Le mélange des genres n’y est sûrement pas pour rien, et permet une évolution constante du style, sans, pour la plupart des formations, trahir l’héritage des précurseurs. Cela fait partie des éléments qui ont engendré le terme de « Post Black Metal ». Le public a toujours eu besoin d’étiquettes, et le débat ne date pas d’hier. Ce n’est pas un problème pour nous, mais cette expression regroupe maintenant tellement de groupes différents qu’elle n’a plus beaucoup de sens…
Déjà auteurs d’un single (la reprise « Bachelorette » de Björk), un split CD paru sur Les Acteurs de L’ombre (Sampler MMXIV), et de trois albums studios à présent, que pensez-vous avoir apporté à ce genre musical et quel regard portez-vous sur votre propre cheminement et rapide évolution depuis vos débuts en 2009 du côté de Bordeaux ?
Nous n’avons jamais eu la prétention « d’apporter » quelque chose à ce genre musical. Au fond, nous faisons la musique qui nous touche, et partons du principe que si c’est le cas, alors elle touchera aussi d’autres personnes. Nous offrons chaque fois, en live ou sur disque, la possibilité de faire un voyage, généralement intérieur. Le Black Metal a toujours été une musique plutôt spirituelle, qui doit se vivre, et nous proposons à ceux qui veulent de vivre l’expérience avec nous. Et je pense que cela fonctionne plutôt bien puisque qu’effectivement, le groupe évolue dans le bon sens. Nous sommes conscients d’être chanceux d’avoir eu toutes ses opportunités, et espérons qu’elles seront encore plus nombreuses à l’avenir. Mais nous travaillons dur, et essayons toujours d’aller plus loin, que ce soit musicalement ou scéniquement. Donc j’ose espérer que c’est un juste retour des choses !
Passé ce rapide bilan, comment pourriez-vous présenter ce nouvel et troisième opus intitulé EOD : A Tale of Dark Legacy par vos propres mots ?
Nous voulions un album plus sombre et violent que les précédents, que ce soit en termes de composition que de production, sans pour autant sacrifier les ambiances. Il a été enregistré, mixé, et masterisé par Mobo au Conkrete Studio (Loudblast, Gorod, etc.), qui est un fan du groupe depuis le premier album. Nous lui avons donc fait confiance pour ajouter cette dimension plus lourde, tout en conservant les atmosphères qui nous caractérisent. Et nous sommes très satisfaits du résultat ! EOD est un album intense, dense, mais aussi plein d’émotions et de rebondissements. C’est une aventure à vivre comme lorsque l’on lit un bon livre.
S’agit-il d’un concept album ? En général, vos paroles traitent-elles de nouveau des histoires sombres tirées de l’œuvre de H.P. Lovecraft. Qu’en est-il sur EOD: A Tale of Dark Legacy ? Et que signifie EOD ? Est-ce un acronyme ?
Au moment d’écrire les paroles, j’ai eu envie de proposer autre chose que l’adaptation directe d’une ou plusieurs histoires lovecraftiennes comme pour les deux précédents albums. Le concept d’EOD est donc une suite à la nouvelle fantastique de Lovecraft, Le cauchemar d’Innsmouth, EOD signifiant « Esoteric Order of Dagon », ordre occulte très important dans la nouvelle initiale, pour ceux qui la connaissent. Je préfère ne pas trop en dévoiler pour laisser la surprise à ceux qui aiment découvrir un album aussi avec les textes, surtout s’ils racontent une histoire.
Quelques mots sur la chanson « The Ritual » très incantatoire avec ses percussions en intro que j’ai beaucoup appréciées ?
Merci ! Comme son nom l’indique, et une nouvelle fois sans trop en dévoiler, le morceau se situe au moment où le protagoniste se retrouve malgré lui en plein rituel, durant lequel des forces dont il a désormais conscience mais qui le dépassent vont se réveiller. La présence de ces toms lourds et de l’orgue pendant l’intro illustre bien cette montée dans l’horreur. Le morceau prend ensuite une tournure plus violente quand les entités se montrent, pour ensuite s’alourdir dans une atmosphère de désespoir, sentiment envahissant le personnage principal à ce moment de l’histoire.
Deux nouveaux musiciens sont arrivés au sein de The Great Old Ones : Jérôme Charbonnier (basse) et Aurélien Edouard (guitare). Ont-ils participé à la composition du nouvel album ou ont-ils apporté certaines idées avant l’entrée en studio ?
Sébastien Lalanne et Xavier Godart ont, pour différentes raisons, décidé de quitter l’aventure TGOO (en très bons termes). Ils ont donc été effectivement remplacés par Jérôme Charbonnier et Aurélien Edouard. Mais cela n’a ni influencé le processus de composition, ni le passage en studio. Concernant la composition, depuis le début du groupe, je compose seul la majorité des morceaux et donc les parties de chaque instrument que j’envoie ensuite à chacun des membres, qui se les approprient avec leur propre sensibilité bien évidemment. Les départs et arrivées n’ont alors pas eu de répercussions sur le travail d’écriture. Cependant, Sébastien et Xavier travaillaient leurs parties respectives depuis pas mal de temps donc il semblait évident que pour boucler la boucle, il fallait qu’ils enregistrent leurs lignes, ce qu’ils ont fait avec brio. Jérôme et Aurélien sont arrivés ensuite. Mais nous connaissions déjà ces derniers, et d’ailleurs, c’est Aurélien qui a composé et enregistré le solo final de « In Screams and Flames ».
À présent, quelles sont les influences musicales des différents membres de The Great Old Ones car on a impression que cela peut aller du Rock lourd au Black Metal le plus véhément en passant par le Sludge, le Death/Black Metal ou le Doom Metal… ?
Je ne peux pas forcément parler pour les autres, mais je sais que nous nous retrouvons tous au travers d’Emperor, Enslaved, Mayhem, etc. Effectivement beaucoup d’entre nous affectionnent aussi Morbid Angel, Cathedral, Opeth, Metallica, et Slayer pour le Métal, mais aussi le Jazz, le Rock progressif, et les musiques de films. La liste est longue et interminable !
Et de quel groupe de Black Metal ci-après vous sentez-vous le plus proche artistiquement parlant : Emperor, Anaal Nathraakh, ou Deathspell Omega ? Et pourquoi ?
Je dirais Emperor. Il n’y a pas grand-chose à jeter dans leur discographie, et ils ont, à chaque album, atteint quelque chose de fascinant, et même d’impressionnant. L’intensité et les ambiances sont extrêmement importantes dans leur musique, comme dans la nôtre. Cependant bien sûr, notre musique n’a pas directement la même approche que la leur, et jamais nous n’oserions nous comparer à eux. Mais la volonté artistique de faire passer un certain type d’émotions au travers d’une musique extrême me semble commune. Après nous sommes tous très fan d’Anaal Nathraakh, et plus particulièrement de Deathspell Omega, qui est un incontournable aujourd’hui, à juste titre.
Je me souviens vous avoir en concert en festival au Motocultor en août 2014 en début d’après-midi en plein jour si ma mémoire est bonne. Or je présume que vous devez préférer vous produire en salle à une heure avancée de la soirée pour poser et développer les atmosphères sombres de votre musique. Quelles sont vos préférences en la matière et comment arrivez-vous à vous motiver quand il s’agit de monter sur scène en plein jour à une heure pas toujours idéale pour jouer du Black Metal ?
Bien entendu, nous préférons l’obscurité d’une salle pour proposer aux spectateurs le voyage le plus intense possible. D’ailleurs, ces derniers nous ont toujours dit la préférer aussi. Une salle nous permet de développer une ambiance bien particulière, au travers d’un show light adapté et réfléchi. Cependant, nos passages en festival se sont toujours bien passés, et nous adorons ça, grâce particulièrement au public qui répond chaque fois présent, en plus d’être très motivé. Quand une symbiose parfaite se met en place entre les spectateurs et nous, même en plein jour, l’expérience est vécue intensément des deux côtés. Merci à eux.
D’ailleurs, le festival Motocultor propose un système de crowdfunding pour pérenniser l’évènement et afin de le soutenir et être sûr qu’il ait lieu en 2017. Quelques mots sur ce festival et avez-vous l’intention d’y rejouer si le festival continue ?
C’est vraiment un festival fantastique, à taille humaine, avec chaque fois une programmation excellente. L’équipe est d’ailleurs très agréable, et nous avons été reçus royalement. J’espère vraiment que le Motocultor va continuer encore longtemps, et ce serait avec un immense plaisir que nous retournerions là-bas annoncer le retour du grand Cthulhu !
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