A/ORATOS : Ecclesia Gnostica

Ecclesia Gnostica - A/ORATOS
A/ORATOS
Ecclesia Gnostica
Black metal gnostique
Les Acteurs de L’Ombre Productions

Les nouveaux venus sur la scène black metal française (de plus en plus nombreux par ailleurs !) provoquent des réactions diamétralement opposées : soit ça passe, ou ça casse. Entre mélange des styles, post machin chose ou retour aux sources et sonorités en tout genre, difficile de trouver chaussure à son pied tant fusent et abondent les nouvelles productions de musique extrême, généralement de qualité ces derniers temps. Par musique extrême, les Français d’A/Oratos entendent bien repousser les limites du black metal scandinave. Le sacrosaint black metal touché dans son cœur et son âme noire nourrira les détracteurs. Pourtant, cinq après leur EP Epignosis, ce premier long effort Ecclesia Gnostica prône véritablement aujourd’hui un élan de liberté et d’ouverture d’esprit, des valeurs chères à notre musique bien aimée, mais trop souvent oubliées par le purisme environnant. A/Oratos veut atteindre le sommet des dieux et on le ressent d’entrée de jeu (« Le Hiérophante »). La tension permanente entre le visible et l’invisible, l’audible (les paroles déclamées) et l’inaudible (les paroles chantées/criées) démontre un réel travail de composition minutieux et précis qui s’est étalé sur plusieurs années d’après les dires du fondateur du groupe et co-auteur des paroles, Wilhelm (cf. notre interview).

Au service d’une atmosphère mystique et cosmique, ce double jeu musical et lyrique aux allusions mythologiques (grecque et égyptienne, de tout temps entremêlées) est une véritable porte ouverte vers les cieux, lieu de savoir, de sagesse et de connaissance. Si les défis intellectuels ne sont pas votre tasse de thé, alors passez votre chemin car A/Oratos délaisse les chemins noirs du black metal scandinave par exemple (même si son leader Wilhelm nous confiera en entretien vénérer tout de même les légendes Dissection ou Emperor). La jeune formation parisienne entend bien puiser dans le savoir des racines de notre monde et détacher de notre société matérialiste pour créer son style avec sincérité et dévotion. Ecclesia Gnostica exige donc une écoute physique et intellectuelle intense mais agréable, avec un black très technique (le single « Daath » à écouter et voir de préférence dans sa version playthrough à la guitare). Le rythme est majoritairement soutenu et frénétique. D’ailleurs, on en a parfois le souffle coupé (« Disciplina Arcani »). Les musiciens jouent allègrement avec nos oreilles et nos croyances à nous en faire perdre la raison. Les spirales infernales des riffs laissent progressivement place à une atmosphère plus solennelle avec le magistral « Ô roi des Eons », un morceau hypnotique au titre ontologique. On appréciera toutefois les pauses salvatrices tout en nuance et subtilité avec quelques guitares acoustiques, comme sur « Deuteros », quelque part entre les premiers albums de leurs confrères d’Orakle, et les maîtres français de Seth il y a vingt ans, tout cela décliné avec grâce dans la langue de Molière, le tout avec un certain groove (cette basse en fretless que l’on croit deviner). Les chœurs renforcent aussi cette maestria créant une atmosphère propice à l’élévation de l’âme de tout un chacun.

Ecclesia Gnostica se clôt par une outro en grande pompe, une fin dans la grandeur et le faste musical à l’image de l’album dans son ensemble. A/Oratos signe ici un premier opus de grande classe, métaphysique, philosophique même, qui à la fois requiert toute notre énergie et nos sens jusqu’à la moelle pour en ressortir grandi, purifié, magnifié. Et à défaut de pouvoir satisfaire l’ensemble de la communauté black metal, il est certain qu’avec leurs textes exclusivement et volontairement dans notre belle langue, ils feront la fierté des francophones et des francophiles. Il ne faut donc pas s’arrêter et plutôt admirer le travail d’écriture ici qui se marie admirablement à la musicalité des sept péchés capitaux que nous livre sur un plateau en or A/Oratos. Et le groupe n’est pas le premier à oser à interpréter un metal extrême en français (Seth, Misanthrope, Orakle, Aorlhac…), ça passe très bien et on fait donc « cocorico » car trop peu de bonnes formations font aujourd’hui l’effort d’oser, au risque de rencontrer des difficultés à s’exporter hors de nos frontières… Ecclesia Gnostica s’offre ainsi comme une musique baroque, sans être rococo, avec un côté, certes, élitiste (mais comme l’Education Nationale, ne faut-il pas niveler l’esprit vers le haut pour y développer ses connaissances plutôt que tomber dans la paresse d’esprit), et ornementée sans outrance et sans fioriture. [Louise Guillon & Seigneur Fred]

Publicité

Publicité