Nos régions ont du talent ! Bon, ça, on le savait depuis longtemps à vrai dire pour la musique qui nous est chère ici : le metal ! Mais nous avons eu l’occasion de faire enfin connaissance avec l’excellente formation toulousaine AEPHANEMER qui monte, qui monte ! Aperçu au festival Motocultor en 2022, découvrez notre interview pour la sortie de leur 4ème opus Utopie ( @napalmrecords ) qui est en fin de compte leur 2ème véritable album studio comme nous l’a expliqué son guitariste Martin. On y évoque également la création de ce nouvel album donc, mais aussi leur carrière, leur line-up actuel, leur tournée européenne et française à venir, et surtout on parle de la musique qu’il pratique avec maestria : le death metal mélodique d’influence heavy metal néoclassique, qui ravira tous les amateurs à la fois de metal néoclassique à la YNGWIE MALMSTEEN, death metal (CHILDREN OF BODOM), mais aussi de musique classique comme VIVALDI ou MOZART. Du grand art, on vous dit, et en plus à la française, car Utopie est chanté intégralement dans la langue de Molière, comme nous l’ont expliqué avec son petit accent de Béziers la guitariste/chanteuse Marion accompagné, bien sûr, du fondateur d’AEPHANEMER, Martin (guitare, compositeur). [Entretien réalisé par Zoom avec Marion (guitares/chant) et Martin (guitares) par Seigneur Fred – Photos : DR]
->> Single « Le Cimetière Marin » par AEPHANEMER, extrait de l’album Utopie (Napalm Records)
Si Arletty s’écriait « Atmosphère ! Atmosphère ! Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?! » dans la célèbre réplique bien française du film Hôtel du Nord de Marcel Carné en 1938, aujourd’hui, c’est plutôt « Aephanemer, Aephanemer, est-ce que j’ai une gueule d’Aephanemer ? » que peuvent s’écrier en live les fans français de death metal mélodique classieux d’obédience metal néoclassique ! Car ils sont encore peu nombreux, chose incompréhensible, à succomber aux formidables compositions d’Aephanemer, formation occitane pourtant fondée en 2013. Il serait donc temps que l’Hexagone accueille pleinement cet excellent quatuor toulousain davantage connu hors de nos frontières grâce à leur talent et leurs déjà quatre opus studio dont ce petit dernier entièrement growlé en français : Utopie.
Forts d’un deal avec le puissant label autrichien Napalm Records depuis leur précédent album A Dream Of Wilderness en 2021, nos Toulousains, avec lesquels nous nous sommes entretenus et avons véritablement fait connaissance, entament d’ailleurs une tournée européenne pour soutenir cet(te) Utopie chanté donc en français paradoxalement. Mais qu’importe le flacon, après tout, pourvu qu’on ait l’ivresse, et preuve du succès croissant à l’étranger de nombreuses formations françaises qui s’exportent, après que longtemps, des vétérans comme Loudblast, Agressor, Massacra, puis la génération Gojira, Gorod, Klone, ou Benighted aient repris le flambeau, rencontrant là encore plus de succès rapidement à l’étranger que par chez eux. La prestation de Gojira en ouverture des Jeux Olympiques de Paris de 2024 a changé encore un peu plus la donne, boostant la côte de certains artistes, et c’est tant mieux, soyons chauvins après tout pour une fois ! Alors remettons nos pendules à l’heure (d’hiver), et place à de la grande musique ! Ici, on a à faire du death metal mélodique, qui d’emblée, pour certains, sonnera peut-être trop mélodieux et technique, et pour d’autres, trop brutal, à cause du chant exclusivement growlé, en français donc, par la fantastique frontwoman Marion Bascoul (et son petit accent de Béziers quand elle parle car au chant, ça ne s’entend pas, comme Céline Dion qui retrouve son accent québécois dès qu’elle parle la langue de Molière). Ecoutez donc pour commencer le single « La Règle du Jeu », par exemple, pour comprendre quelle est la leur, de règle du jeu, et vous allez peut-être conquis par leur travail d’orfèvre à la six cordes avec ces envolées lyriques, mais aussi la voix bien evil et vraiment impressionnante de Marion (prof de chant dans le civil d’ailleurs).
Mais commençons par le commencement. Utopie s’ouvre par une introduction, « Échos d’un Monde Perdu », à la manière d’une œuvre de musique classique dont est friand le maestro du groupe, principal compositeur et fondateur, le génial Martin Hamiche. On a l’impression de sortir de notre torpeur juste après la pandémie de covid-19 qui a changé bien des choses dans nos sociétés modernes, mine de rien. Puis, place au « Cimetière marin », l’un des premiers singles de l’album, où fines mélodies de soli de guitares tous plus éclatants les uns que les autres se conjuguent à une rythmique mid-tempo et le chant agressif de Marion. Des claviers dressent des ponts, et tout semble prendre sa source dans la musique classique, métalisée et magnifiée ici par les influences telles que Children of Bodom, Therion, et Yngwie Malmsteen, mais pas que. La prédominance de Vivaldi et de son œuvre Les Quatre Saisons a clairement marqué l’éducation musicale de son guitariste soliste. Si le plus basique « La règle du jeu » joue parfaitement son rôle de single, il résume en moins de quatre minutes les atouts d’Aephanemer. Mais il faut donc creuser un peu plus pour en extraire la substantifique moelle, comme sur son successeur, « Par-delà le Mur des Siècles » ou plus loin, « La Rivière Souterraine » aux accents progressifs et ses légers chœurs durant ses huit minutes. Et que dire du nouveau single « Contrepoint » très entraînant, sautillant, clairement taillé pour la scène. On peut admirer tout le travail de précision des deux guitaristes, ainsi que la présence de la basse, qui, pour une fois dans ce genre musical, n’est pas oubliée (le premier break), alors qu’un second break survient accompagné de claviers que l’on croirait issus de l’orgue de Notre-Dame (ou Notre-Drame, dirait Seth). Il y a même d’ailleurs de la flûte traversière que l’on peut écouter aussi à la fin du morceau « Par-delà le Mur des Siècles ».
Si par moment ça blaste carrément (« Chimère »), ce qui fait plaisir, cela renforcera ce côté brutal et death metal chez Aephanemer que certains jugeront trop extrêmes pour leurs esgourdes. A l’inverse, nos quatre Français savent aussi bien manier la langue de Molière (gros travail au niveau d’écriture des textes par Marion qui sont loin d’être faciles, et leur diction), mais ils proposent toutefois des passages, voire des morceaux en partie instrumentaux, où ils prennent le temps de poser l’atmosphère et développer leur jeu, et où l’on peut pleinement apprécier leur travail de précision et haute volée, sans trop speeder. Martin nous sort le grand jeu (legato, staccato, sweeping, etc.). En fait, il faudrait finalement davantage de parties instrumentales pour satisfaire certains auditeurs, et pour d’autres, peut-être davantage de rythmiques et de riffs marquants (chose rare ici car ce n’est tout simplement pas le propos ni l’objectif, même s’il s’agit d’un groupe de metal, eh oui !). Mais voilà, nos quatre artistes n’entendent pas faire les choses ainsi, ni faire de compromis, voulant avant tout composer et jouer la musique qu’ils aiment pour eux, car il ne faut pas croire, la musique émane souvent d’un acte égoïste au départ, que l’on souhaite partager ensuite si l’on est confiant et que l’on s’en donne les moyens, le succès à la clé si possible. Et c’est tout le mal que l’on peut souhaiter à Martin et ses compagnons ! Qu’ils prennent autant de plaisir à composer, créer, jouer, que nous en avons en écoutant ses mélodies fantastiques, en laissant peut-être davantage d’espaces pour des riffs, peut-être moins de chant par moment, peut-être plus d’invités pour sortir des sentiers battus du meta, et pourquoi pas collaborer avec une formation classique, comme l’avait fait par exemple Therion en 2009 sur son album The Miskolc Experience où ils reprenaient des airs de Mozart, Verdi ou Wagner, par exemple, et ce, de toute beauté (malheureusement la captation sonore était un peu faiblarde). Mais écoutez la magnifique fin d’Utopie que nous offre Aephanemer avec le diptyque, qui commence comme l’intro de l’album (« Echos d’un Monde Perdu ») avec de longues plages instrumentales symphoniques, avant d’envoyer l’artillerie lourde et entendre Marion avec une voix encore plus menaçante. Le piano s’entremêle entre deux mélodies de guitares avec maestria, sans trop en faire, avec encore de la flûte traversière, et enfin, cerise sur le gâteau, la seconde partie de la chanson-titre, où là, nos quatre musiciens donnent tout, comme une apothéose sur plus de neuf minutes. Le temps semble d’ailleurs s’interrompre, et on aimerait que jamais ne cesse leur musique en fin de compte. Après, tout le monde n’y trouvera peut-être pas alors son compte et poursuivra alors son chemin, mais que voulez-vous ? « On ne peut pas plaire à tout le monde », comme nous a dit Marion, la guitariste/chanteuse en entretien avec un petit sourire. Dans tout les cas, c’est fait ici avec passion, et générosité, il n’y a aucun doute là-dessus. Et ce n’est pas une utopie. En bref, du travail d’orfèvre avec un grand « O », ou plutôt avec un grand « A » comme Aephanemer ! [Seigneur Fred]

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