CANDLEMASS : Dans l’ombre du soleil

Le soleil peut être un faux-ami, peut rendre aveugle, et parfois brûler les ailes si l’on s’en approche de trop près, tel Icare volant trop haut dans le ciel avec ses ailes encollées de cire fondant trop proche de l’astre, lui qui voulait s’échapper du labyrinthe du Minotaure, puis tomba dans la mer pour finir noyé sous les yeux de son père Dédale… Chez Candlemass, notre étoile n’a pas toujours été de bon augure, celui-ci ayant déjà inspiré par le passé nos Suédois en 1999 sur l’album From The 13th Sun, pas franchement leur meilleur disque. En 2022, nos pionniers du doom metal lyrique renouent avec le succès avec un treizième et magnifique opus Sweet Evil Sun où l’on retrouve une nouvelle fois leur chanteur originel en grande forme comme nous l’a expliqué son sympathique mais désormais discret fondateur et compositeur. [Entretien intégral réalisé avec Leif Edling (basse, compositions et paroles) par Seigneur Fred – Photos : DR]



Comment vas-tu tout d’abord car tu as arrêté de tourner et de te produire live depuis de nombreuses années avec Candlemass et Avatarium à cause de tes problèmes de santé ? Peut-on espérer te revoir un jour sur scène ou tu n’es qu’un membre de studio et reste le principal compositeur de Candlemass derrière le rideau ?
J’étais très épuisé, donc je n’ai pas joué en live avec Candlemass pendant quelques années. Mais depuis la sortie de l’album Door to Doom en 2019, je suis revenu sur scène avec Candlemass pour faire de nombreux spectacles. Ce n’est pas facile de faire tous les déplacements et de jouer si tu es déprimé (appelé syndrome du “burn-out”), tu sais, mais si je fais ça doucement et que je me repose un peu ici et là, c’est faisable. Je dois y veiller cependant. Si je n’ai pas ces moments de repos, la journée peut être une saloperie !

Plus tôt cette année, a eu lieu la réédition d’Epicus Doomicus Metallicus en version vinyle limitée avec 3 LP de luxe sur Peaceville Records pour les trente-cinq ans de votre premier album culte. A ce sujet, tu as déclaré dernièrement : « Epicus Doomicus Metallicus était le premier et peut-être le meilleur album de Candlemass ». Mais ça, Leif, c’était jusqu’au nouveau Sweet Evil Sun qui sort à présent, non… ? (sourires)
Je ne pense pas que nous puissions rivaliser avec Epicus (…). C’est devenu une bête cet album ! C’est une entité à part entière et il serait insensé d’essayer même de faire un Epicus Doomicus Metallicus pt. 2. Je n’essaie donc pas de réécrire les anciens disques classiques du groupe. Ce n’est pas nécessaire. Le nouveau, Sweet Evil Sun, tient debout de lui-même, je pense. C’est l’un des meilleurs disques que nous ayons fait depuis de nombreuses années et il mérite tout le succès qu’il obtient. Nous avons tout réalisé en studio cette fois. J’ai travaillé dur sur la batterie et les guitares, Ronny Lahti l’a mixé et Marcus Jidell (Avatarium) l’a produit. Ça a pris environ dix-huit mois à faire, et ce fut une montagne pour moi à cause de mon burn-out, mais ça en valait la peine au final ! Les chansons sont super ! La production aussi ! Je n’ai aucune idée de comment les gens vont le classer dans notre catalogue, mais je suis fier comme l’enfer !! (sourires)

Sweet Evil Sun est en fait le troisième album studio de Candlemass, attention, avec votre chanteur Johan Längquist (même s’il était uniquement invité sur Epicus (…) et chanteur officiel sur The Door to Doom). Comment s’est-il préparé et a travaillé cette fois pour ses parties vocales très heavy et brutes, mais toujours à la fois mélodiques et émotionnelles ? As-tu laissé Johan écrire ses propres paroles avec toi ?
J’ai écrit les paroles comme d’habitude dans Candlemass, et Johan est tout à fait d’accord avec ça. J’aime le faire, mettre des mots sur mes chansons, et je suis plus qu’heureux de le faire. Avec Johan, c’est un vrai plaisir de travailler avec lui en studio. Nous essayons beaucoup de choses : différentes mélodies, différentes harmonies dans les refrains par exemple. Johan est un vrai joueur en équipe et est prêt à tester tout ce que nous (moi et Marcus) proposons. Johan est un chanteur très naturel. Il n’a pas besoin de se préparer. Il vient au studio et ne sait pas (la plupart du temps) ce qui l’attend. Mais il fait toujours du bon travail ! Sur ce disque Johan chante comme un possédé ! J’adore sa voix sur toutes les chansons. Travail bien fait Monsieur Längquist ! (rires)

Comment, quand et où Sweet Evil Sun a-t-il été composé ? Juste après l’album précédent, c’est-à-dire pendant le confinement sanitaire lié au Covid-19 en 2020-2021, ou peut-être rapidement après les sessions de The Door to Doom en fait à Stockholm ?
J’ai commencé à écrire des chansons le 1er septembre (2020) et j’ai terminé le processus d’écriture de chansons le 1er décembre (2021). Il m’a fallu beaucoup de temps pour mettre les chansons en place, principalement à cause de ma santé. Je suis toujours épuisé, donc je n’ai pas toute l’énergie dont j’ai besoin tous les jours pour fonctionner à cent pour cent. Je ne peux aller au studio que quelques jours par semaine et prendre ce putain de temps d’enregistrer un album. Mais les autres jours, je suis à la maison, je travaille sur les paroles, les arrangements, les riffs, les mélodies, etc. Je peux le faire, ça, depuis mon canapé… (sourires) La batterie et les guitares ont été livrées les 20/21 décembre 2021 et janvier 2022, les voix ensuite, et nous avons mixé en mars/avril 2022. En fait, dix-huit mois ont été nécessaires pour faire l’album. C’est long, je sais, mais il n’y a pas d’autre moyen de le faire. Dans un monde parfait, cela prendrait six mois.

A propos du titre du nouvel album où tu y évoques ce soleil. Celui-ci peut être un bon allié et est utile et indispensable au développement de la vie sur Terre (flore, animaux, insectes, êtres humains…), mais il peut aussi tuer paradoxalement (soif, cécité, cancer de la peau, etc.). Comme on dit souvent, le soleil est un « faux ami » en fait. Alors, pourquoi ce choix de titre pour ce treizième album studio et quel est le concept ou les messages derrière ça ?
C’est un concept assez vague sur l’espoir, l’effort, l’ambition et l’échec. Toutes ces choses que le soleil représente, en fait. Il se moque de nous et nous taquine. Et nous ne pouvons rien y faire. Cela peut nous entraîner dans la destruction/l’échec, et cela peut aussi nous propulser vers le succès, vers la gloire, pour briller, comme lui. Comme le vieux conte mythologique grec d’Icare et Dédale le dit : « Je sais que tu peux voler » « Oseras-tu ? » « Allez, tu peux le faire ! ». Plusieurs des chansons du nouveau disque parlent de cela d’une manière ou d’une autre. Tous ces thèmes donc : l’ambition, l’admiration, l’adoration, l’espoir, l’échec…La chanson-titre capture totalement cela. Il s’agit d’un morceau court mais intense qui, espérons-le, deviendra un nouveau favori du public en live !

Le premier single s’appelait « Scandinavian Gods ». Candlemass ne parle pas ou ne fait pas référence à la mythologie nordique en général si ma mémoire est bonne. Pourquoi ce sujet à travers cette nouvelle chanson très entraînante et épique et qui chante vraiment sur cette chanson car parfois j’ai l’impression d’écouter le chanteur de Scorpions Klause Meine ??! (rires)
C’est bien Johan ! La chanson est musicalement un croisement entre Slayer, Queen façon « We are the Champions » avec ce côté old school à la Judas Priest. Il y a beaucoup de réflexion old school sur cet album à vrai dire ! On n’est plus tous jeunes… (rires) Mais il ne s’agit pas de la mythologie nordique ancienne. Il s’agit de la nécessité de quitter nos anciens dieux. Recommencez à neuf et faire du frais, nettoyez les anciens dieux du placard ! Fini l’ancien temps, place au nouveau ! J’adore la chanson et sa vidéo est géniale aussi !!

Hormis la fantastique Jennie-Ann Smith en tant qu’invitée spéciale au chant sur la chanson « When Death Sights », y’a-t’il d’autres invités cette fois sur Sweet Evil Sun. Pourquoi n’as-tu pas demandé et invité à nouveau la légende Tonny Iommi comme sur ton précédent LP The Door to Doom ? Parce qu’il était trop occupé en Amérique pour enregistrer des solos de guitare sur le nouvel album d’Ozzy Osbourne (Patient 9) ??
Jennie a fait un super boulot sur « When Death Sighs » C’est totalement magique quand elle chante avec Johan dans le refrain. C’est une chanteuse tellement fantastique donc ce n’était pas une surprise que ça se passe si bien ! Mais on ne sait jamais, je suppose. Cependant, je suis très heureux que ce soit devenu un tel moment sur l’album, cela me donne la chair de poule ! « When Death Sighs » est aussi une chanson que tout le monde aime au sein du groupe. Elle sera probablement joué en live l’année prochaine. L’autre invité que nous avons sur l’album est le légendaire cinéaste acide Kenneth Anger qui fait la narration sur le morceau « Angel Battle ». Cela fait aussi dresser mes poils. Il est vieux à présent mais il a vraiment capturé le sentiment de la chanson. Bien vu, c’est joli, non ? (sourires)

As-tu écouté le nouvel album d’Ozzy sinon, Patient 9, peut-être ? Si oui, qu’en penses-tu ?
Je ne l’ai pas écouté. Certaines personnes disent que c’est vraiment bon. D’autres disent le contraire. Un jour je l’écouterai, c’est promis ! (sourires)

Quelles sont tes trois chansons préférées de ce nouvel album ? Ne me dis pas « toutes » même si c’est difficile !
Probablement les trois premiers de l’album, c’est-à-dire « Wizard of the Vortex », la chanson-titre « Sweet Evil Sun » et « Angel Battle ». J’adore les six premiers en fait, mais ceux de la face A du vinyle sont vraiment mes préférés du moment. « Wizard of the Vortex » est l’ouverture parfaite du disque. C’est très puissant, lourd, avec une très belle accroche dans le refrain. « Sweet Evil Sun » a un joli riff et c’est accrocheur aussi en même temps. Avec un bel orgue pendant la partie du refrain ! J’adore aussi le solo de Lars Johansson dessus ! Quant à « Angel Battle », c’est peut-être mon titre préféré de l’album. Le riff est tellement lourd, puis le headbanging commence quand la partie suivante arrive. La fin de la chanson est de la pure magie ! Un super slow avec la narration de Kenneth Angers dessus. Ah, là encore ça me donne des frissons ! (sourires)

Par le passé, j’ai entendu dire que Candlemass avait joué live pour un concert dans le métro de Stockhohlm, sous terre, il y a quelques années de cela. Est-ce vrai ? Était-ce un spectacle programmé en direct auxquels les gens assistaient gratuitement en prenant le métro ou bien ils avaient payé pour voir ce show spécial avec l’accord de la compagnie de métro de Stockholm ? Ou bien c’était un show improvisé underground et non officiel produit par vous-mêmes ? Ce serait tellement génial d’avoir un jour la même chose dans notre métro parisien !
On n’a jamais joué live dans le métro en fait, mais on y réalisé une séance photo il y a quelques années dans le métro, en effet. C’était quand Robert Lowe (Solitude Aeternus) chantait avec nous. Nous posions simplement avec nos instruments, mais la batterie était en place et je pense que nous avions aussi le nouvel album qui explosait dans une enceinte. (rires) C’était en milieu d’après-midi, c’était un samedi et la ruée vers le centre-ville battait son plein vers les magasins de la capitale. (sourires)

Es-tu toujours en contact avec Robert Lowe d’ailleurs et vos autres anciens chanteurs : Messiah Marcolin ; Mats Levén (ex-Therion…) ; et Thomas Vikström (actuel chanteur de Therion) ?
Non. Je ne suis plus non plus en contact avec mes anciennes copines, tu sais… (rires)

Avant de se quitter, Leif : j’aimerais savoir où en sont tes projets parallèles que tu dois avoir actuellement dans les cartons ? Je pense à The Doomsday Kingdom par exemple, et es-tu un membre toujours actif d’Avatarium (qui vient de sortir son nouvel album Death, Where Is Your Sting) ou bien tu es juste un membre fantôme qui composes et écris dans l’ombre, derrière le rideau d’Avatarium, sans pouvoir te produire en live ? As-tu écouté leur tout nouvel album et si oui, qu’en penses-tu ?
Je ne suis plus membre d’Avatarium. Plus depuis de nombreuses années. Mais puisque Marcus produit nos albums de Candlemass, il me dit ce qui se passe dans le groupe, et je suis content qu’ils se débrouillent très bien sans moi. J’ai contribué à l’aide d’un riff pour ce nouvel album d’ailleurs. Je ne sais pas pour quelle chanson en fait il a servi à vrai dire… (rires) Je n’ai pas encore entendu le nouveau disque mais c’est vrai que c’est bon.

Bon, que veux-tu ajouter à propos de ce nouvel album studio Sweet Evil Sun et peut-on espérer voir Candlemass en concert en France bientôt, avec toi à la basse, s’il n’y a pas eu d’apocalypse entre-temps (comme un nouvelle pandémie ou une troisième guerre mondiale à cause du conflit Ukraine/Russie), bien sûr… ? (sourires)
Nous viendrons certainement jouer en France, espérons-le l’an prochain (2023), peut-être au Hellfest ? Qui sait ? Ça pourrait être sympa ! J’aime jouer au Hellfest, c’est très bien organisé. On a tendance à bien jouer là-bas quand nous nous y produisons. Et si les dieux du metal sont avec nous, il y aura un 2023, alors nous y jouerons, de manière lourde, et lente, doom !! (sourires)

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