Véritable OVNI en provenance d’outre-Manche, Crimson Veil pourrait être à première vue le rejeton de King Crimson, pour ses influences progressives d’une part, et Pierce The Veil, pour son côté punk rock faussement gentillet, mais non. Enfin quoique, il y a bien une attitude foncièrement rock, chez ce nouveau quatuor anglais originaire de Brighton né sur les cendres de Birdeatsbaby avec ses anciens membres dont leader Mishkin Fitzgerald, véritable artiste versatile, capable de jolis chants en voix claire, puis subitement de growls et screams impressionnants à faire pâlir un garde royal britannique devant le Palais de Buckingham. Telle une Lady Gaga du metal, enfin plutôt du punk rock dont elle est issue, elle a fondé avec ses compagnons déjà aguerris ce très sérieux projet seulement en début d’année 2024, projet qui s’est vite vu offrir une première partie en compagnie des Finlandais de Lordi (management commun oblige). Mais Crimson Veil possède déjà néanmoins sa propre identité avec son univers artistique sombre et décalé, vraiment avant-gardiste, dirons-nous, qui ne demande qu’à se développer par la suite. Mais commençons pour l’heure par le commencement.
Musicalement, Hex se compose de neuf morceaux dont six ont déjà fait l’objet de clips vidéo relativement recherchés, et disponibles sur internet, comme la sombre chanson-titre, la tout aussi glauque « Ribbons », ou celle plus groovy mais tout aussi barrée « Shift » au style carrément new metal pour ce qui est de la musique, et visuellement aux faux-airs de Harley Quinn et autres personnages DC Comics. On note d’ailleurs une influence musicale, ou plutôt une attitude chez sa chanteuse Mishkin, inspirée visiblement par l’Américain lui aussi totalement barré et changeant : Maynard James Keenan (Tool, Puscifer, A Perfect Circle). Sur « Shift », on peut observer cela notamment dans sa façon de se mouvoir, en chantant de profil, voire carrément de dos comme le frontman de Tool aime le faire dans l’ombre, parfois derrière un paravent avec un jeu de lumières, même si c’est mal poli de tourner le dos à son public. (rires) Outre cet aspect visuel intéressant et ces parties new/groove metal immédiates, de véritables influences modernes et progressives prennent part ici et là, à certains passages de l’album, comme sur l’intro du superbe « Hex », ou » par exemple « Illuminate », avec le jeu de batterie surprenant d’Anna Mylee. Malgré tout cela, le groove demeure, et surtout l’émotion, sont au rendez-vous, et le groupe de Brighton arrive à nous maintenir captivé sans nous perdre, malgré des méandres et diverses expérimentations. En fait, à chaque fin d’un riff, à la suite d’un break, on peut partir dans un chemin totalement inverse, mais toujours avec une certaine subtilité.
Mais attention, les choses peuvent vite évoluer et s’envenimer, comme sur la seconde partie donc de la chanson-titre « Hex », « Shift », ou le frontal et surprenant « Flinch » à l’intro jouée au violoncelle par Hana Piranha qui apporte une vraie personnalité avec son approche issue du monde de la musique classique. On retrouve donc ainsi du violoncelle, parfois de la contrebasse par moment, sur des arrangements d’orchestration et des sonorités électroniques très bien intégrées en studio par Mishkin et sa bande, dans divers home studio (le long et progressif « Opulence »). Leur travail passé avec Paul Reeve (Muse) et John Fryer (Depeche Mode, Nine Inch Nails…) les a énormément enrichis en la matière visiblement, et ils ont beaucoup appris de leur collaboration passée. Une chanson comme « Illuminate » regorge de subtilités. Certains apprécieront aussi ce côté jazzy amené par moment (« Joyless », « Awake »), tant dans les breaks ou le chant feutré de Mishkin Fitzgerald qui sait vraiment tout faire ici, comme Lady Gaga qui est issue du jazz. Encore cette comparaison, mais n’ayez crainte, quand il faut envoyer du bois, exprimer sa colère sur des paroles à la fois personnelles mais très imagées où chacun y fera sa propre interprétation (comme elle nous l’a dit en interview dans le lien ici-bas). Ecoutez le très heavy « Flinch » et son headbanging terrible, mais aussi la seconde moitié du morceau « Awake » dont le clip vidéo a été capté sur une plage du sud de l’Angleterre. Sur cette chanson, on pourrait penser à Stolen Babies sauf qu’il n’y a pas ici d’accordéon joué par la chanteuse, mais cela aurait pu être tout à fait possible avec ces Anglais. Bref, elle sait tout faire, et Mishkin n’est d’ailleurs pas professeure de chants pour rien dans la vie quotidienne du côté de Brighton. Et de toute façon, Crimson Veil se moque des barrières, des styles, des formats (l’ultime « Task » et ses douze minutes en fin d’album), livrant là un petit chef d’œuvre qui aurait pu s’avérer casse-gueule avec ce mélange des genres justement, pour accoucher d’un premier album surprenant et novateur. [Seigneur Fred]
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