Quand on est passionné et que l’on a une idée derrière la tête, on est parfois prêt à soulever des montagnes, et ce, quelles que soient les embûches rencontrées (pandémie, manque de temps, problèmes de moyens, de line-up, démotivation…). Même pour un loisir comme la musique et quand on est rarement un musicien professionnel surtout dans le domaine du death metal. Ce n’est pas le guitariste Eron, motivé à bloc comme jamais pour son nouveau groupe Cryoxyd, qui vous affirmera le contraire. En pleine finalisation de son premier album studio baptisé This World We Live In, le guitariste d’origine tourangelle qui a longtemps traîné ensuite dans l’underground parisien et à présent rennais, nous parle de son nouveau projet avec ferveur. [Entretien avec Eron (guitares/chant) réalisé par Seigneur Fred – Photos : DR]
Tout d’abord, peux-tu te présenter pour les lecteurs de Metal Obs s’il-te-plaît ?
Salut Seigneur Fred. Alors moi, c’est Eron, et je suis le guitariste chanteur de Cryoxyd qui est mon projet à la base. Je te réponds avec mon chat qui est actuellement assis sur moi, ce qui me confère beaucoup de sérénité, de légèreté et de concentration pour te répondre. (rires)
Beaucoup de nouveaux projets studio, puis scéniques, sont nés durant la pandémie de covid-19 durant les années 2020 et 2022. Cryoxyd a-t’il germé dans ton esprit, puis progressivement sur ton instrument dans ce contexte ? Comment est né ce projet ou groupe ?
Alors Cryoxyd est né il y a bien longtemps (trop) des cendres d’un groupe tourangeau du milieu/fin 90 qui s’appelait In Memory Of…, groupe de death/black dirons-nous, le line-up est parti en éclat et j’avais décidé de continuer le projet en solo, pour enchaîner sur une démo purement black metal et une autre black/indus avec la venue de T-10 aux synthés et chant ainsi que Tarus du groupe Crystal à la guitare. J’ai changé de nom pour Cryoxyd, idée qui nous est venue avec Tarus. Puis on a déménagé avec T-10 sur Paris et deux démos ont vu le jour : une death/black/indus appelée « Tlön » (en référence à l’écrivain Borgès),T-10 est parti pour se consacrer à ses projets plus indus et j’ai continué avec Khynsk à la basse (ex-Azziard), et Guillaume à la guitare qui joue actuellement dans Furies. Une démo en est sortie « Harmful Psychoactivity », mais on galérait car on n’arrivait pas à trouver de batteur, du coup le groupe a splitté et je me suis retrouvé à nouveau tout seul. Puis j’ai rejoint un autre groupe et du coup j’ai mis le projet longtemps en stand-by mais tout en continuant à composer de temps à autre… Mais effectivement pour revenir à ta question, car je me suis plus que largement épanché, tout s’est passé pour l’album à venir juste avant la période covid en fait, et l’arrivée de cette putain de période a tout fait foirer à nouveau, tout retardé et des complications de line-up ont émergées. Bis repetita : à nouveau seul avec une grosse démotivation et du dégoût de la tournure des choses. D’ailleurs j’en profite pour saluer Julien, l’ancien batteur de In Memory Of…, qui officie maintenant à la guitare dans son groupe excellent qu’est Final Shodown, je crois qu’ils vont bientôt sortir quelque chose d’ultra massif d’ici la fin d’année ! (sourires)
D’ailleurs, doit-on parler de projet ou de véritable groupe pour Cryoxyd ? Et d’où vient ce nom évoquant un croisement hybride entre les brutes québécoises de Cryptopsy et le groupe allemand Cytotoxin (rires) ?
Ecoute, comme tu l’auras compris on peut vraiment parler aujourd’hui de projet, ça a toujours été mon projet, de par la volonté et de par la force des choses. Comme je te disais, avec mon pote tourangeau Tarus, on aimait bien les mots « cryogénique » et « oxyde » et j’ai mélangé les deux pour former Cryoxyd, ca ne veut pas dire grand-chose si ce n’est rappeler l’état d’esprit assez froid dans lequel j’étais à l’époque, froid comme le metal ou tout ce qui est cryogénisé, et peut-être aussi une manière corrosive de penser, comme le metal qui s’oxyde… Je n’avais jamais pensé à cela avant mais aujourd’hui ça a du sens. Néanmoins, rien à voir avec les deux groupes pour autant excellents que tu as évoqués. (rires)
Présente-nous le line-up actuel ? Et quel est ton background si tu juges utile de le mentionner. Je crois savoir certains musiciens sont issus de Metal Urbain…
Alors en fait, le line-up sur l’album à venir est composé de Pascal Mulot à la basse sur cinq titres, qui a joué avec beaucoup d’artistes de renommée ; Greg à la batterie (Deathcode Society, Ecclesia, Glaciation, …) ; Nico à la basse (Deathcode Society, Malcuidant …) sur quatre titres ; et donc moi à la guitare et au chant. Nils Courbaron a fait un featuring sur le titre du clip « Mindless Human Form » pour un super solo de guitare. Mais le line-up live sera différent. Greg sera toujours à la batterie, Seb (ex-Weedeath) à la guitare, moi à la guitare et au chant évidemment et pour la basse c’est en train de se décider mais je croise les doigts pour que ce soit un pote, qui officie déjà dans d’autres groupes monstrueux, mais je ne peux en dire d’avantage pour l’instant.Sinon pour Metal Urbain, oui, en fait c’est moi qui en faisait partie, j’ai eu la chance de jouer avec Herman, Vott et Eric et d’enregistrer même un titre avec Jello Biafra à l’époque, mais tout cela est de l’histoire ancienne…
Nils Courbaron, le guitariste français qui monte et que l’on entend et voit un peu partout (Sirenia, Dropdeadchaos, T.A.N.K., Bloodorn… récemment interviewé à Metal Obs pour son dernier bébé), apparaît sur votre premier single intitulé « Mindless Human Form » disponible dès à présent sur YouTube. Fait-il partie des membres officiels du groupe et est de l’aventure, ou bien c’est juste un featuring amical et un coup de main pour lancer Cryoxyd ? (sourires)
Comme je te l’ai dit à la question auparavant, c’est uniquement un featuring amical, je lui en ai fait voir de toutes les couleurs, le pauvre ! Ah ah (rires) Mais je suis super content de ce qu’il a fait et je le remercie infiniment pour le temps qu’il a pris pour me proposer ce super solo. Il est overbooké et très solicité, c’était pas évident pour lui.
Si Nils Courbaron ne vous suit pas pour d’éventuels concerts à venir de Cryoxyd, qui va alors jouer les soli de guitare sur scène notamment sur ce premier single ? Allez-vous avoir recours à des bandes/samples de ses parties de guitare ?
Alors en fait c’est moi qui fait tous les solos (ou soli) sur l’album, et j’apprendrai le solo de Nils pour le live. Bon, je ne promets pas de le jouer aussi bien mais je ferai de mon mieux (rires) (grosse goutte qui coule sur mon front). Il est évidemment hors de question d’utiliser des backing tracks, on n’est pas sur du Britney Spears là, oh ! Non mais… (sourires)
Vous avez donc sorti un premier vidéo clip pour cette chanson « Mindless Human Form ». Je présume que ça requiert déjà pas mal de préparation, de technique, de matériel et donc un peu d’argent pour réaliser quelque chose d’un minimum professionnel comme vidéo, non ? J’y ai trouvé un côté très année 90…
Oui c’est du DIY donc un budget 0€. Comme j’ai travaillé longtemps dans le milieu du spectacle, j’ai préparé pas mal de trucs, ça a pris quand même pas mal de temps, oui, même si au final on ne voit, nous concernant, que des musiciens sur fond noir ha ha ! (rires) Pour le reste c’est du stockshot. David Fakrikian s’est chargé de réaliser et de filmer et moi de monter même si je ne suis pas monteur. J’ai connu David quand je jouais dans Metal Urbain, c’était le boss de Seventeen Records, c’est lui qui a ressuscité en France en très grosse partie le punk début 2000, un gars avec une culture énorme, passionné de musique et de cinéma et qui connaît beaucoup de monde, vraiment un ami que j’apprécie. Merci à lui. C’est un premier clip sans prétention qui permet plus de présenter la musique aux auditeurs qu’autre chose. Mais oui, il a un côté très années 90. Musicalement Cryoxyd c’est très typé death 90’s et ma culture provient de cette période, avec laquelle j’ai grandi, donc ça transparaît naturellement énormément à tous les niveaux.
A l’heure où les gens n’écoutent plus vraiment d’albums, mais « consomment » juste quelques chansons en streaming, selon toi, en termes de communication, ce genre de démarche (sortie d’un premier single en vidéo, puis d’un second, etc.) est-il devenu indispensable selon toi de nos jours avant de sortir un album ou pour accompagner la sortie d’un album, et cela, avant d’éventuels concerts ?
Ecoute, c’est une très bonne question, je t’avouerai que je n’en sais rien. Je pense que oui. Un premier clip avant de faire quoique ce soit surtout avant un premier album, cela permet de présenter notre musique au public, aux labels, aux tourneurs, bookers… Je compte faire trois clips au total, voire quatre pour cet album. Peut-être même que le prochain clip sortira avant l’album, avant l’automne.
Musicalement, comment définirais-tu la musique de ce premier single et plus globalement Cryoxyd ? Personnellement, j’aurai tendance à définir comme un pont entre le death metal old school (Death, Morbid Angel, Atheist, Loudblast), le thrash (Megadeth, Forbidden)=…) et un death metal plus moderne (Gojira, Obscura…) ? Partages-tu cet avis ?
Hum, c’est dur à dire et je suis étonné de ce dont tu me fais part, notamment en ce qui concerne le pont. Mes racines sont vraiment le death de Tampa des années 90. Je pense que ce qui transpire le plus dans mes compos sont les groupes comme Death, Pestilence, Mercyless, Brutality effectivement, je ne vois pas trop de Loudblast par exemple, mais c’est vrai que j’adore tout Loud’ des années 90, cultissime ! Après je te laisserais bien la parole pour définir les influences…
Parle-nous de cet album à venir. Ce sera donc le premier. Comment va-t’il s’appeler et comment et où a-t’il été enregistré ? Dans ton home studio peut-être du côté de Rennes ou Paris ?
Alors l’album comprendra onze titres dont trois instrumentaux. Il s’appellera : This World We Live in…. C’est du full Home studio en ce qui concerne les prises et il sera mixé et masterisé par Kristian Ogir à son studio Everloud Studios au Danemark. C’est un ancien assistant de l’ingé son Tue Madsen (Hatesphere, Aborted, etc.)
Et qui a produit l’album ? Là encore est-ce fait « do it yourself », ou bien vous avez fait appel à un producteur professionnel, et je pense notamment à Francis Caste, très demandé actuellement au studio Sainte Marthe (Paris Xème) ?
Francis Caste fait de l’excellent boulot, vraiment. D’ailleurs j’étais en contact avec lui pour faire mixer l’album, mais il y a un délai de plusieurs mois entre-temps pour bosser avec lui, puis j’ai écouté les titres de mes amis Danois de Nonoia et j’ai pris une grosse claque en écoutant le mix de Kristian Ogir. Et là je me suis dit « c’est ce mec là que je veux pour mon album ». De plus il est hyper sympa et très réactif, et puis l’idée de bosser avec quelqu’un que l’on connaît peu dans le milieu me réjouissait d’avantage, histoire d’avoir un son différent. Pour l’histoire, Jean-Baptiste Boitel (ingé son de Misanthrope et ex-guitariste de Misanthrope) m’a proposé un mix pour le titre du clip, il me l’a fait gratuitement, car ça fait quand même pas mal de temps que l’on se connaît, il m’a fait un mix vraiment d’enfer, mais au final j’ai préféré le mix plus new school de Kristian, c’était un choix difficile à prendre, surtout quand il y a des amis dans l’histoire… (sourires)
Mais pourquoi avoir choisi l’anglais pour toi chanter alors que tu es français ? Penses-tu déjà à l’export à l’étranger, grâce notamment à internet ? Tu te sens plus à l’aise avec l’anglais peut-être pour t’exprimer dans ce registre ?
Oui, pour moi l’ anglais pour ce style est une évidence! Exporter Cryoxyd à l’étranger serait génial, oui ! (sourires)
Vocalement, j’ai trouvé chez toi quelques similitudes avec nos vieux amis Max Otero ((Mercyless) dont tu arbores, me semble-t’il, un t-shirt dans le vidéo clip de ton premier single justement), et Martin Van Drunen (Asphyx, ex-Hail Of Bullets) qui constituent probablement des influences chez toi ?
Oui, comme je te l’ai dit, je suis un fan inconditionnel de ce grand groupe qu’est Mercyless, non que je sois chauvin, bien au contraire, mais dès que j’ai découvert les deux premiers albums dans les années 90, sur une cassette copiée qu’un pote m’avait filée, j’ai pris une grosse claque ! J’adore ce genre de chant, tout comme Martin Van Drunen (Asphyx, ex-Hail Of Bullets…), Patrick Mameli (Pestilence), Chuck Schuldiner (Death, Control Denied), Donald Tardy (Obituary), Mark Grewe (ex-Morgoth). Il y a un truc qui sonne pareil de façon subtile chez eux, c’est exactement ce genre de voix que j’aime !
Une autre influence old school assez présente est donc assurément le regretté Chuck Schuldiner (Death, Control Denied) (R.I.P.)…
Death, c’est le groupe « top number one » du genre ! Donc forcément c’est ce qui doit se ressentir le plus sur cet album je pense, oui.
A propos des paroles, s’agira-t’il d’un concept album lyriquement parlant ? De quoi parlent tes textes et quels thèmes abordes-tu sur l’album à venir ? Est-ce que le chaos politique et les problèmes sociaux (la fameuse fracture sociale apparue depuis bien longtemps sous la présidence Chirac) t’inspirent, ou bien au contraire tu observes et dénonces sans vraiment prendre partie politiquement ?
Non, ce n’est pas un concept album, même si j’aime bien l’idée. Cryoxyd n’abordera jamais de sujets politiques stricto sensu, je pense. Les textes sont plus d’ordre civilisationnel, sociologique, psychologique ou philosophique, mais sans prétention, c’est plus comme un défouloir qui peut, peut-être amener à réfléchir davantage, moi y-compris et peut-être même moi le premier, car forcément il y a un gros aspect introspectif. Les textes traitent globalement de la nature humaine et de ses travers.
Peux-tu nous parler davantage de ce premier album qui s’appellera donc This World We Live In, et sur quel label sortira-t-il ? Où pourra-t’on le trouver ? Combien de chansons comprendra-t’il au total, et plus globalement à quoi peut-on s’attendre sur l’ensemble musicalement ?
Comme évoqué précédemment, je n’ai pas encore prospecté les labels, ni rien d’autre d’ailleurs, je vais m’y atteler prochainement, même si cela me gonfle. Musicalement, l’album sera de la même trempe que le clip « Mindless Human Form ». C’est très homogène, il y a trois instrus comme déjà dit. J’ai toujours aimé ça, les instrumentales dans le metal, notamment avec les premiers groupes sur lesquels j’ai flashé comme beaucoup de personnes quand on était gamin, je pense particulièrement à Metallica, Sepultura, et Brutality plus tard… Il y a toujours eu un délire dans le death ou thrash de cette époque de faire une petite instru’ qui sort d’on ne sait où. Il y a une instru full metal, une autre guitare classique et le dernier titre qui est plus une sorte d’outro très planante et mélancolique. Le reste, c’est du pur death metal à fond avec des solos sur chaque titre, et il y aura aussi une ambiance sonore quasiment entre chaque titre.
Peut-on s’attendre à d’autres featurings comme celui de Nils Courbaron sur ce premier LP à paraître cette année ? Y’aura-t’il d’autres surprises ? Je crois savoir que tu es proche des gars de Seth ou ex-Seth ?
Non il n’y aura pas d’autres featurings, je ne pense pas. J’ai eu beau essayer de joindre Chuck Schuldiner mais la communication est difficile… (sourires) Oui, je connais Heimoth de Seth c’est vrai, et pas mal d’autres musiciens. A force, tu sais, vingt ans de vie parisienne ça tisse des liens, mais non, rien de prévu de ce côté même si je sais que Heimoth est aussi fan de death metal. D’ailleurs il y avait la soirée de la sortie de leur album au bar le Dr Feelgood à Paris le 13 juillet 2024, j’espère pouvoir y être !
Enfin, quand peut-on espérer vous voir en concert car on a déjà hâte ?! (sourires) Commencez-vous déjà à démarcher les festivals, les tourneurs, les clubs, en France, voire même à l’étranger pour l’an prochain ?
Alors justement, on vient de faire notre première répèt’ avec Seb, juste lui est moi, c’est-à-dire les deux guitaristes, ; Greg le batteur ; et le bassiste dont je ne peux divulguer l’identité pour l’instant vu que ce n’est pas encore acté. Eux sont des vrais pros, du genre tu leur envoies les partitions et ils arrivent à la répèt’ carré, moi je suis un peu plus laxiste et forcément tous les trucs périphériques que je dois faire pour le groupe autre que musical, me prennent du temps, et donc c’est au détriment de la pratique de mon instrument. Je cible le début du live pour début 2025 et je vais pas tarder à commencer à démarcher, je vise essentiellement les premières parties évidemment pour débuter. Merci à toi Seigneur Fred pour l’intérêt que tu portes à l’égard de la culture metal, merci pour cette interview et j’espère recroiser Metal Obs bientôt pour la sortie de l’album ! (sourires)
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