DARKTHRONE : Astral Fortress

Astral Fortress - DARKTHRONE
DARKTHRONE
Astral Fortress
Heavy/black metal
Peaceville Records

Et de vingt !! Vingt albums s’affichent désormais au compteur de l’infernal duo norvégien Darkthrone, et quasiment aucune ride, ou presque… Oui, enfin presque car nos vétérans Fenriz (batterie, chant, paroles), et Nocturno Culto (guitare, basse, chant, composition) commencent, semble-t’il, à avoir fait le tour de leur genre musical de prédilection qu’est le black metal depuis 1992 et leur second album culte A Blaze In The Northern Sky… Rappelons qu’au départ, en 1986/1987, évoluant alors sous le nom de Black Death, ils jouaient plutôt un death metal sombre et lourd, avant de changer de fusil d’épaule même si le black et le death metal furent souvent intimement liés dans leur histoire, mais tout ça semble d’un autre temps, presque de la préhistoire justement…

Depuis, Darkthrone, grâce à sa productivité et son sens du riff, est devenu une légende du true black metal norvégien, se réinventant à chaque nouvel album studio généralement capté hâtivement en 24h chrono dans leur grotte, ou un home studio du côté de Vinterbro (comté de Viken). Cette impressionnante productivité ayant abouti à leur longue discographie s’explique par le fait que Darkthrone a toujours été un groupe minimaliste de studio, se produisant rarement en live, si ce n’est à ses tout débuts, et lors d’un exceptionnel concert au Wacken Open Air de 2004 avec Nocturno Culto (accompagné pour l’occasion de ses confrères de Satyricon). Fenriz ne voulut pas participer à ce rare concert, bien trop occupé dans sa Norvège, entre une balade en forêt, son travail à La Poste locale et son mandat de conseiller municipal, et plus récemment sa propre émission Radio Fenriz (disponible en podcast).

Pour le cas du jour, Astral Fortress, ce nouvel album a donc été enregistré non pas dans une grotte (comme parfois dans le passé on en été persuadé à cause du son sale et de la production sonore minimaliste), mais aux Chaka Khan Studios à Oslo, comme son prédécesseur d’ailleurs, Eternal Hails, en compagnie d’Ole Ovstedal et Silje Høgevold.

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Si Eternal Hails justement possédait un petit côté progressif intéressant, toujours dans ce pot-pourri de heavy/black/doom metal primitif aux relents 70/80’s, aux relents vintage parfois mous du genou, il faut bien l’avouer, Astral Fortress continue dans cette mouvance nostalgique, mais disons que Darkthrone s’auto-inspire de Darkthrone et du vieux black en général. Par exemple, dès le premier et long titre « Caravan of Broken Ghosts » en ouverture (7’53), l’intro évoque incontestablement Bathory période Hammerheart, puis nos comparses norvégiens puisent dans leur propre répertoire, revisitant, consciemment ou inconsciemment, un de leur ancien morceau culte, « Quintessence ». D’ailleurs, Fenriz ne s’en cache pas quand il s’exprime en interview à ce propos, renvoyant la balle à son acolyte et compositeur, Ted Arvid Skjellum, alias « Nocturno Culto ». En effet, c’est lui le principal compositeur de ce riff  qui a regardé dans le rétroviseur du passé, sauf que, pour l’anecdote, c’était alors Fenriz l’auteur de « Quintessence » sur Panzerfaust (1995), s’inspirant à son tour à l’époque d’une chanson de son side-project folk norvégien Storm et de la chanson « Noregsgard ».

Au passage, toujours pas de reformation de celui-ci à l’horizon… Dans tous les cas, ce premier single s’avère convaincant, entrecoupé de plusieurs breaks, l’ensemble étant relativement épique, un peu comme leur ancienne chanson « Valkyrie », mais sans cette touche doom metal qui caractérisait par contre The Underground Resistance en 2013. Pour le vidéo clip, l’amateurisme est volontairement de mise afin de rester dans l’esprit underground et do it yourself. On aime ou on déteste…

Darkthrone tente ensuite de nous refaire peur en devenant plus vicieux et evil avec le titre « Impeccable Caverns Of Satan ». Si cela faisait un bail que le côté satanique avait été un peu mis de côté chez nos deux Scandinaves, du moins ouvertement car Fenriz n’aime pas trop expliquer ses textes, le riff pondu ici par Nocturno Culto sur sa nouvelle guitare Solar devient vite entêtant, même si extrêmement basique, mais efficace. Plus courte, cette second chanson atteint sa cible, même s’il y a bien plus violent de nos jours en matière de black metal satanique (pléonasme) et que les choses se sont bien calmé en Norvège depuis le début des années 90, époque à laquelle les églises brûlèrent et qu’un certain Øystein Aarseth alias « Euronymous », guitariste de Mayhem, orienta Darkthrone vers le côté obscur du black metal, voulant signer le groupe sur son label alors que Peaceville Records hésitait à publier leur second LP A Blaze In A Northern Sky en 1992…

Sur « Stalagmite Necklace », le rythme est lent, l’ambiance plus lourde. On baigne ici dans un heavy/doom typique des derniers Darkthrone vs Black Sabbath. Quelques nappes de claviers rappellent un peu l’atmosphère de Hail Eternals, venant rafraîchir l’ambiance justement. Quand cela devient un brin trop planant justement, Nocturno Culto n’hésite pas à relancer la vieille machine afin qu’elle ne s’encrasse pas trop, à l’aide d’accords simples et bien heavy. Quand on y repense, si l’on était encore au début des années 90, ces claviers furent invraisemblables là encore pour Darkthrone qui ne jurait que par son true black metal norvégien après leur recours sur Soulside Journey, à l’instar de Mayhem, ou de leurs voisins de Marduk. Comme quoi, si c’est bien amené, ça passe bien. Il n’y a que les imbéciles qui ne (re)changent pas d’avis…

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Arrivé à la moitié de l’album, un autre gros morceau s’impose avec ses dix minutes : « The Sea Beneath the Seas of the Sea ». Si son nom interpelle, il s’agit là d’une pièce épique avec des guitares lancinantes, et un Nocturno Culto presque à bout de souffle. Il y a un côté seventies qui ressort, probablement interprété en studio sur sa Les Paul Solar aux allures vintage. Si vous n’êtes pas pressé, vous apprécierez ce morceau qui semble tourner en rond et nous amener dans une impasse, à l’image de son titre, mais sinon, vous allez commencer sérieusement à vous ennuyer. Heureusement, vers la sixième minute, une interjection vocale, probablement signée Fenriz, nous réveille quelque peu, et la fin de ce pavé lorgne vers des sonorités presque psychédéliques, comme la fin de Eternal Hails avant de finir sur une relance bien rock’n roll appuyée aux guitares sur une batterie mid tempo.

Puis, trois autres titres arrivent, dans des formats nettement plus courts : tout d’abord « Kevorkian Times », avec un nouveau riff intéressant. À la batterie, Fenriz lance une série de breaks qui réveillent. D’un seul coup, le duo s’unit pour une ultime cavalcade et sur un rythme galopant typique  de la NWOBHM, les choses s’accélèrent. Plus loin, on revient sur le rythme de départ, avec une sonorité vraiment heavy metal qui fait du bien. Comme quoi, c’est souvent dans les vieux pots que l’on fait la meilleure soupe, mais gare cependant à ne pas abuser car Darkthrone risque de s’épuiser à ce petit jeu-là à force, comme il l’avait fait de manière ironique sur sa période punk des albums F.O.A.D. jusqu’à Circle Of The Wagons. Puis un drôle mais dispensable interlude survient, comme de petites cloches et une sorte de vieux claviers tout droit sortis d’une maison hantée glacent l’ambiance…

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Enfin, l’ultime « Eon 2 » conclut ce vingtième album, faisant écho à l’outro instrumentale « Eon » figurant, souvenez-vous, sur leur tout premier opus Soulside Journey en 1991, comme si Darkthrone voulait boucler ici la boucle après trente-cinq ans de carrière. La différence entre ce nouveau morceau avec le premier du même nom réside dans le fait qu’il ne s’agit pas d’un instrumental, mais bel et bien d’une chanson ici, aux influences très heavy metal encore une fois, assez lourd, sur un mid tempo. Les lyrics sont signés Fenriz, « Eon » signifiant « temps » ou « période » en quelque sorte. Une douce nostalgie s’emparera alors des fans de Darkthrone, qui forcément ont écouté un jour ou l’autre du heavy metal, en commençant par ça généralement, tout comme leurs idoles Fenriz et Nocturno Culto l’ont fait avant ou en même temps qu’eux. Tout est cyclique. Mais pour les plus extrêmes d’entre eux, ces nombreux revivals omniprésents tout au long de l’écoute d’Astral Fortress pourront paraître redondants et lassants, tout dépend de votre humeur et de votre dévotion pour le black metal. [Seigneur Fred]

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