DEFILED : Shoguns du death metal

Ces vétérans de la scène death metal japonaise sont vraiment inusables, tels des stakhanovistes de la musique. Passée une catastrophe nucléaire (Fukushima) et une pandémie plus tard, Defiled nous livre déjà sa huitième vision horrifique de notre monde décadent, un an après The Highest Level. C’est toujours aussi violent et old school. [Entretien avec Yusuke Sumita (guitare) par Seigneur Fred – Photos : DR]

Comment se porte la scène metal nippone, notamment death metal, aujourd’hui ? Car vous êtes un vieux groupe présent depuis 1992 sur la scène ! Et ça fait longtemps qu’on ne vous a pas vu live en France, notre dernière interview remontant à 2020 pour l’album Infinite Regress
On ne pense pas que notre scène locale soit énorme ici, mais elle est en bonne santé et a un bel avenir devant elle. Il y a de très bons groupes locaux, et les concerts ici ont repris après la pandémie. Tout le monde s’entraide et se respecte. On a hâte de voir où notre scène va évoluer dans le futur et on est fier d’en faire partie. Désolé si notre réponse était similaire à celle qu’on a donnée en 2020. (rires)

Pour l’album Infinite Regress sorti en 2020, vous n’avez pas joué live en France si je ne me trompe pas, mais votre label est français paradoxalement ?! Pourquoi ? À cause de la pandémie mondiale peut-être ? Et pour le précédent, The Highest Level, avez-vous pu venir jouer en Europe et notamment en France l’année dernière à sa sortie ?
Ces quatre dernières années ont été une véritable lutte. C’est tellement frustrant quand les choses s’arrêtent. Nous sommes sûrs que vous conviendrez que la pandémie a été le principal responsable. Cela a été une grande frustration, et c’était l’obstacle. Il n’y avait en fait aucune date française sur notre tournée européenne 2020 avec Vader, mais nous étions censés jouer en Belgique et aux Pays-Bas. L’instabilité mondiale, l’inflation folle et d’autres facteurs incertains rendent difficile la tournée. Nous voulons soutenir l’Europe d’une manière ou d’une autre, surtout la France nous manque. Nous ferons de notre mieux pour que cela se produise dans un avenir proche.

Concernant les paroles de votre tout nouvel album maintenant qui s’appelle Horror Beyond Horror, existe-t’il toujours un lien de continuité avec les deux albums précédents, comme une connexion que vous essayez de suivre ? Au sujet de la décadence et la stupidité de l’être humain, l’écologie, l’autodestruction sur terre, la dystopie, la guerre et l’apocalypse, etc. ?
Tu as raison. Tu as lu nos paroles en détail à ce que je vois ! Ce sont des thèmes sombres que nous abordons, mais cela ne nous dérange pas que tu le perçoives comme des avertissements sur de vrais problèmes sociaux ou simplement comme de sombres fantasmes. On s’efforce également de s’assurer à ce que le concept global de nos albums soit cohérent avec nos albums précédents. Bien que les thèmes ne soient peut-être pas exactement les mêmes, on est ouvert à l’exploration de différents angles à l’avenir. Donc oui, on veille toujours à ce que nos albums soient connectés d’une manière ou d’une autre entre eux.

En général, vous avez une approche old school dans votre musique et vous aviez l’habitude d’enregistrer vos albums dans un studio local au Japon et de faire le mixage de vos albums au célèbre Morrisound Studio à Tampa (FL) avec Jim Morris. Si je ne me trompe pas, vous n’avez pas fait le mixage de Jim Morris pour votre nouveau huitième album, mais de Kenji Kikuchi qui l’a mixé et masterisé au Studio Nest (Chiba, Japon). Pourquoi avez-vous changé votre recette d’enregistrement ici ?
La raison est simple. Nous voulions juste la session parfaite, et nous savions que la possibilité de travailler en face à face avec un ingénieur à tout moment rendrait cela possible. Jim Morris est un ingénieur du son incroyable. Nous sommes très reconnaissants et fiers d’avoir travaillé avec lui. Le seul inconvénient était la distance physique qui nous séparait, ce qui rendait la chose un peu frustrante. Kenji Kikuchi est l’ingénieur du son qui a travaillé sur notre première démo en 1993. Nous nous connaissons depuis trois décennies et c’est un vétéran très expérimenté. On est donc très heureux du résultat de son travail.

Yusuke Sumita, tu as donc produit Horror Beyond Horror, et deux autres membres du groupe, Shinichiro Hamada et Keisuke Hamada ont été les ingénieurs du son durant l’enregistrement en studio au Studio Zot à Tokyo pour ce nouvel album. C’est important pour vous de produire et d’enregistrer vous-même, en mode « Do it yourself » afin de tout contrôler jusqu’au mixage ? Vous ne voulez pas avoir un autre œil et des conseils d’une autre personne pendant le processus d’enregistrement en studio ? Parfois, cela peut être précieux et intéressant…
C’est pas mal, je pense, d’inclure d’autres perspectives. Nous voulons faire un tel enregistrement un jour, mais pour l’instant, nous allons avec les frères Hamada. Nous sommes juste fatigués de la production sonore typique et stéréotypée que beaucoup d’autres ont. Nous avons l’impression que beaucoup de modèles de production sont trop forts sur la guitare, avec la basse inaudible, la batterie fine derrière elle et des voix qui sonnent comme s’ils dormaient. Nous voulons garder un équilibre entre les voix claires et frontales et la batterie forte. De plus, nous n’aimons pas utiliser trop de compression. Nous avons des égos assez imposants et c’est pour cela que nous devons contrôler nos enregistrements de notre propre main, et cela nous convient.

On trouve des influences plus thrash et progressives dans les nouvelles chansons sur Horror Beyond Horror. Un peu comme Deicide rencontre Voivod, mais avec votre propre approche et style Defiled, bien sûr ! Par exemple sur « The Alchemy », « The Terminal Phase », etc. Était-ce l’un de vos objectifs principaux lorsque vous avez composé ces morceaux et travaillé dessus ?
Ces deux chansons ne sont pas notre objectif principal comme singles au départ, mais elles sont des exemples de notre style musical. Ton analyse, « Deicide rencontre Voivod », nous intéresse. Nous n’avions pas l’intention de créer une musique qui mélange ces styles, mais il est utile de voir les interprétations d’autres personnes sur nos albums. Notre objectif est de faire une musique que nous trouvons intéressante en elle-même, sans nous soucier des tendances ou des contextes.

Une fois de plus, votre batteur Keisuke Hamada a livré une superbe performance (nombreux breaks, structures rythmiques complexes dans les chansons…). Combien de fois a-t-il répété pour jouer et interpréter ses parties de batterie comme ça : plusieurs heures par jour ? Tous les jours ? C’est incroyable !
Merci pour tes gentils mots à propos de notre batteur. C’est vrai de dire qu’il travaille avec diligence et constance. Il a fait des progrès notables dans sa batterie, en particulier pendant son séjour à Okinawa de l’été 2012 à fin 2018. Nous avons loué un studio privé à Okinawa pour les répétitions du groupe, ce qui lui a fourni un environnement pour s’entraîner. Cela l’a vraiment aidé à progresser.

Les chansons intitulées « Syndicate » et « To See Behind The Wall » (votre nouveau single vidéo) sont-elles des chansons politiques avec des paroles et des messages sociaux et politiques, peut-être ? Pourrais-tu m’en dire plus à leur sujet, s’il vous plaît ?
Même si nos paroles peuvent sembler politiques, nous essayons de ne pas être trop politiques car nous ne voulons pas être controversés. Tout comme les films de science-fiction peuvent être divertissants et aussi un avertissement contre la surveillance et le contrôle total, nous avons beaucoup grandi depuis notre adolescence. Après, est-ce que cela a du sens ?

Horror Beyond Horror contient quatorze chansons, c’est très généreux pour vos fans. Merci ! Mais en même temps, vu qu’elles sont très techniques en général, ne pensez-vous pas que c’est trop pour les auditeurs de rester concentrés sur tout ? De nos jours, beaucoup de jeunes rencontrent des difficultés pour se concentrer pendant quinze minutes sur une tâche, une lecture, etc. par exemple à l’école, donc écouter attentivement une musique sans faire autre chose pendant une dizaine de minutes comme sur votre nouvel album risque d’être difficile… (rires)
Nous sommes tellement reconnaissants que vous nous ayez donné une perspective que nous n’avions pas avant. Nous essayons toujours de comprendre comment faire tenir tout ce que nous voulons faire dans un seul album. Il est vrai que notre album dure environ quarante minutes, mais pour ceux qui sont intéressés, quarante minutes ne suffiront peut-être pas. Pour ceux qui ne sont pas intéressés ou ne comprennent pas, même dix minutes pourraient être trop longues. C’est ça la musique… (sourires)

Techniquement, est-il vrai que le Japon a les meilleures salles, clubs et endroits en général pour jouer des concerts et enregistrer des albums live ? J’ai toujours entendu parler de cet atout technique dans votre pays par de grands artistes et musiciens de groupes comme Dream Theater, Children of Bodom, Vader ou Arch Enemy qui ont enregistré des morceaux live. Pourriez-vous le confirmer ou non ?
Il est vrai que le Japon peut être assez bon avec la même étiquette d’atouts techniques occidentaux. Mais nous avons une vision légèrement différente. Nous pensons qu’il y a une motivation similaire pour les groupes occidentaux d’enregistrer des concerts au Japon comme pour les groupes japonais d’enregistrer des concerts en Occident. C’est une façon de montrer à quel point leur base de fans est importante et à quel point ils sont populaires même dans des régions éloignées du globe. Nous sommes désolés si notre analyse semble un peu cynique ou offensante, car ce n’est pas du tout là notre intention.

Que pensez-vous des nouveaux groupes japonais comme Babymetal qui jouent une musique moderne appelée métal kawaïi qui semble être un véritable phénomène au Japon et dans le reste du monde ? Connaissez-vous ce nouveau genre de métal et l’aimez-vous ? Notez qu’au départ, ces filles ne viennent pas de la scène metal contrairement à Defiled.
Nous connaissons leur nom, mais nous n’avons pas encore eu l’occasion de voir quel genre de musique ils jouent. Nous ne pensons donc pas être en mesure de les commenter. Nous pensons qu’il est bon de découvrir différents types de musique pour les métalleux. Après, à chacun de vous de voir.

Enfin, quels sont vos projets pour Defiled maintenant et plus tard ? Y aura-t-il encore un nouveau clip pour une nouvelle chanson de Horror Beyond Horror ? Et comptez-vous bientôt tourner et jouer en Europe et en France ? Allez vous venir à certains festivals d’été comme le Hellfest, Motocultor ou les festivals français Sylak par exemple ?
Nous avons préparé trois clips de l’album Horror beyond Horror. Nous espérons que tout le monde regardera les trois vidéos. (sourires) En ce qui concerne nos projets, nous allons d’abord nous concentrer sur une tournée au Japon. C’est notre pays d’origine, il est donc logique que nous commencions ici. Après cela, nous ferons quelques concerts ailleurs en Asie. Nous pensons que ce sera génial de partager la scène avec Malevolent Creation à Bangkok. Nous sommes actuellement en pourparlers avec des agents pour nos dates européennes, dont la France. On ne sait pas encore si nous pourrons jouer dans de gros festivals, mais nous ferons de notre mieux.

Merci beaucoup pour toutes tes réponses ! Bonne chance avecce nouvel album. Prenez soin de vous et restez brutaux !
Un grand merci à Metal Obs et Season of Mist pour cette opportunité, et bien sûr, à vous tous d’avoir lu cette interview. Notre album, Horror Beyond Horror, sort en septembre via Season of Mist. Restez à l’écoute. J’espère vous voir sur la route. Merci beaucoup !

Publicité

Publicité