Lors de la tournée d’adieu d’Aqme en 2019, nous avions taillé le bout de gras après l’un de leurs concerts dans l’Hexagone, évoquant l’avenir avec Charlotte Poiget (basse) et Etienne Sarthou (batterie). Ce dernier nous avait alors dit avoir plusieurs projets dans les cartons, notamment en tant qu’ingénieur du son dans son studio francilien, mais aussi de nouveaux side-projects musicaux dans le registre death metal (ce qui allait devenir Karras qu’on vous a présenté encore dernièrement en live sur leur tournée avec Blockheads), mais aussi en black metal… Surpris sur le moment, nous ne voyons pas trop, mais nous étions terriblement excités à l’idée d’écouter ça dans un futur proche. Pour Karras, un premier brûlot de death/crust est paru en 2020, et un second est déjà prêt pour cette année selon nos sources. Mais du côté obscur de la force, nous ne voyons toujours rien venir… Le talentueux multi-instrumentiste Etienne faisait alors allusion à Deliverance, projet mêlant sludge et black metal, déjà auteur de deux précédents albums chez Deadlight Entertainment (Ataraxie, Livarkahil, Verdun…). Il était temps désormais d’en savoir plus sur Deliverance et la genèse de Neon Chaos In A Junk-Sick Dawn paru fin 2022 chez Les Acteurs de L’Ombre Productions. [Entretien avec Etienne Sarthou (guitare/chœurs, arrangements, production) réalisé à Orléans le 29/10/2022 par Seigneur Fred – Photos : DR]
Deliverance existe en fait depuis 2012, fondé à Paris par toi et l’ex-chanteur de Memories Of A Deadman, Pierre Duneau. Petit flashback : vous n’avez pas eu de problèmes de censures ou incompréhensions avec les noms de vos deux précédents albums à ce propos : CHRST, et Holocaust 26:1-46 ? Celui-ci fait référence, je pense, à un verset biblique, non ?
Non, le nom « holocauste » est souvent mal interprété, c’est vrai. Mais non, pas plus que ça. A la base, le terme « holocauste » est peu utilisé généralement. Dans le contexte de la Seconde Guerre Mondiale, les gens utilisent davantage le mot « shoah » qui est le vrai terme. Il y a d’ailleurs là probablement un abus de langage. Et avec les numéros qui sont indiqués après, tu as raison, on voit clairement que ça fait référence alors à la Bible. Mais donc, non, on n’a pas eu trop de problèmes…
Depuis, j’ai l’impression que les choses se sont accélérées dernièrement pour Deliverance depuis l’arrêt du label Deadlight Entertainment et le split d’Aqme en 2019, ajoutée à cela la récente pandémie… Est-ce que le fait d’avoir arrêté Aqme t’a globalement délivré/libéré du temps au profit de tes nouveaux projets, Karras mais donc aussi Deliverance, en fin de compte ?
Oui, mais pas que. En fait, c’est surtout à cause de la pandémie qui, pour le dernier album Holocaust 26:1-46 donc, nous n’avons pas pu donner les concerts que l’on devait faire. Ce précédent album est sorti pile au moment du premier confinement, en février 2020. On a eu de très bons retours sur cet album, une superbe promo, mais on n’a pas pu tourner. Tous les concerts annoncés ont soit été annulés, ou soit repoussés. C’est vrai que ça a été une période compliquée pour nous tous. On était dans le flou sans avoir où tu vas… Il a fallu qu’on soit solidaire entre nous, qu’on reste motivés, tout en ayant durant près de deux ans aucune échéance ni visibilité. Cela a duré, et effectivement, à ce moment-là j’ai commencé à déjà écrire alors des morceaux pour un troisième album sans vraiment savoir ce que ça donnerait. En fait, personnellement, j’écris tout le temps, dès que j’ai des idées, je les mets en forme, j’enregistre en essayant d’avancer, etc.
Mais la différence avec Aqme ou Karras, est que tu n’es pas à la batterie mais à la guitare dans Deliverance ?
Absolument, que guitare, et des voix, quelques chœurs… Et c’est vrai que c’est deux années-là, on en a profité pour continuer à peaufiner l’écriture des idées et morceaux qui étaient à l’état d’ébauches mais dont la plupart ont abouti et figurent finalement sur ce troisième album.
Alors, justement sur ce nouvel et troisième album baptisé Neon Chaos in a Junk-Sick Dawn, on retrouve encore une fois six morceaux dans le track-listing, comme sur les précédents albums… Pourquoi ?
C’était très important, en effet, pour nous de faire ça, que nos trois premiers albums contiennent chacun d’entre eux six morceaux, comme ça, ça fait 6, 6, 6… (sourires)
Ah, j’avais pas percuté, le signe du diable : 666 ! (rires)
Maintenant, pour la suite, on est libre et affranchi de ce carcan… (rires)
Comment fais-tu, Etienne, pour passer de batteur dans un groupe (Karras, autrefois Aqme), à guitariste dans un autre comme Deliverance ? Je sais que l’être humain peut être multitâches, et que tu es multi-instrumentiste, mais quand même ? Comment travailles-tu les deux ? Je t’admire !
Alors c’est sûr, je ne peux pas faire cela en même temps ! (rires) Mais je gère ça plutôt bien. Comme tu l’as dit, déjà, j’ai un poste bien défini dans chaque projet. Dans Karras, je suis batteur, mon instrument principal, et dans l’autre, Deliverance, je suis guitariste. Donc déjà, c’est pas le même sport, et c’est assez facile finalement de ne pas s’emmêler les pinceaux car étant donné que c’est deux disciplines très différentes. Mais, je bosse déjà bien les deux séparément, je m’engage vraiment dans les deux groupes à 100% autant que je peux, et puis les répertoires sont vraiment très différents entre Karras et Deliverance. Aussi, j’ai une bonne mémoire, et puis encore une fois c’est vraiment pas du tout la même chose, donc je peux passer assez facilement de passer de l’un à l’autre, ce n’est pas insurmontable. Après, physiquement, parfois, ce n’est pas si simple, c’est vrai, mais bon ça se passe très bien.
En tant que musicien, es-tu autodidacte à la base, toi ? Ou bien tu as fait une grande école de musique ?
Quand j’ai démarré la batterie, j’ai pris des cours pendant trois ans. Ensuite, j’ai pris une année ou deux des cours de guitare. Et après, c’est le fait de jouer en groupe, jouer en groupe, etc.
Tu as donc appris la théorie avec le solfège ?
Oui, en partie. Disons que je suis très calé en solfège rythmique ; en solfège mélodique, beaucoup moins… (rires) Mais j’ai développé au fur et à mesure mon oreille et ça m’a permis de faire quand même pas mal de choses et de faire de bons choix artistiques, plutôt, enfin je pense, entre ce que je fais, ce que j’aime, ce que je n’aime pas. Encore une fois, c’est vraiment l’expérience de jouer en groupe qui m’a permis de développer tout ça, et de me développer personnellement en termes de musicalité, en fait.
Et aujourd’hui, est-ce que tu peux nous dire, très honnêtement, si tu arrives de vivre de ta musique en tant qu’artiste professionnel ?
Oui, bien sûr. Mais c’est un ensemble de plusieurs choses à la fois. Aujourd’hui, ce qui est mon activité principale, c’est de bosser dans mon propre studio, produire et sonoriser des autres artistes, en enregistrement et en mixage, et je propose aussi mes services de production en plus pour mes autres groupes. Je faisais déjà ça sur la fin d’Aqme. J’ai produit par exemple les trois derniers albums d’Aqme. Pour être précis, je mène cette activité depuis au total presque une douzaine d’années que je fais ça, et cela fait cinq ans que j’ai mon studio. C’est mon entreprise personnelle, et c’est ce qui prend le plus clair de mon temps.
Tu n’as pas été trop impacté du coup durant les confinements et la crise sanitaire du Covid-19 car tu as pu continuer à travailler en studio comme pas mal d’artistes qui possèdent leur propre structure ?
Alors, ça dépend, oui, mais quand même, ça a eu un impact. J’ai eu des projets à certains moments, et puis à d’autres, j’ai eu des moments de vide, rien à faire… Psychologiquement, c’était assez dur par conséquent. Cea m’empêchait de faire de nouvelles rencontres artistiques car internet ne fait pas tout. Sans concert, sans tournée, il n’y a plus d’émulation. Souvent ça part d’une rencontre, internet ne fait pas tout. Il y a besoin d’échanger, de se voir, les gens passent au studio, etc. Tout cet aspect a eu un impact défavorable sur l’aspect relationnel entre un artiste et un réalisateur car c’est comme ça que l’on se décide bien souvent à bosser ensemble habituellement. Les autres aussi, musiciens, artistes, etc., ont ressenti ça, durant deux ans. Par moment, ce fut donc compliqué. Mais là ça repart vraiment bien, c’est cool. D’un autre côté, c’est là que j’ai pu alors, du coup, continuer à rebosser sur Deliverance et finaliser ce nouvel album.
Comment ça se passe à présent entre l’actuelle tournée de Karras et ce troisième album de Deliverance qui sort dans le même temps cet automne 2022, ça fait beaucoup de choses à gérer d’un seul coup, non ?
Oui, mais autant le précédent album de Deliverance, Holocaust 26:1-46, est sorti en même temps que celui de Karras et nous ne pouvions pas jouer live avec l’un comme l’autre en 2020 ; là cette fois-ci, le nouveau Deliverance sort en novembre (2022) et le prochain Karras sortira courant 2023, pas avant le printemps, donc les plannings ne vont pas se chevaucher pour le coup. Et j’espère qu’en live, on ne sera pas trop en conflit sur les plannings, mais si tu es bien organisé et transparent dès le départ, et comme on le sait déjà, ça se passe bien. En général, quand tu as plusieurs groupes, le premier avec qui tu bookes une date de concert, c’est forcément le prioritaire sur le moment. L’essentiel est de bien communiquer et d’être en bonne entente entre nous, je pense. Franchement, on s’entend très bien au sein de Karras, au sein de Deliverance, et entre les deux. En plus, on répète dans le même local alors ça va. (sourires)
Y’a-t’il des projets de concerts à l’étranger dans la mesure où les deux groupes chantent en anglais ?
Pas encore. Les deux groupes sont tout à fait en mesure de jouer potentiellement ailleurs en Europe. Je vois bien cela, chacun jouant à l’étranger sur leurs scènes respectives. C’est donc tout à fait envisageable.
Et assurer un concert des deux groupes Deliverance et Karras le même soir à l’affiche, ce serait possible pour toi techniquement ?
Physiquement, c’est plus compliqué. Quand je joue de la guitare (avec Deliverance), c’est beaucoup plus difficile pour moi de jouer après de la batterie (avec Karras). Mais par contre, dans l’autre sens, ce serait faisable, car si je joue d’abord de la batterie avec Karras, je suis bien échauffé, et après je pourrai jouer de la guitare avec Deliverance. Cette configuration là, ça va. Mais dans l’autre sens, non, c’est plus chiant. En fait, la guitare a tendance à plutôt me crisper les bras or j’ai besoin d’être hyper détendu, alors que la batterie me détend davantage. Je l’ai déjà testé pour te répondre ça. En fait, je me suis déjà entraîné : je fais mon premier set, virtuel, tout seul avec les musiques des autres, et ensuite j’enchaîne en faisant mon autre set avec l’autre groupe. (rires) J’ai toujours été quelqu’un de bosseur de toute façon… Je ne dis donc pas non et ça n’a pas encore été fait en condition publique, mais ça demande encore un peu de préparation… (sourires)
Ça ne te manque pas par moment de ne pas être à la batterie quand tu es guitariste ?
Ah non, je ne suis pas du tout frustré. Je me sens très heureux d’être batteur quand je le suis avec Karras, et également guitariste quand je le suis avec Deliverance. Tu sais, à la base, tout petit, j’ai même commencé par essayer la guitare mais je ne comprenais pas et ça ne m’a pas plus la guitare classique car ça ne ressemblait pas à ce que j’entendais quand j’écoutais les groupes de rock. J’ai appris la guitare ensuite deux après avoir commencé la batterie, mais j’avais jamais joué en groupe étant jeune à la guitare. A présent, ça fait trente ans que je joue de la batterie, vingt ans en tant que batteur professionnel, j’ai fait des centaines de concerts formidables avec Aqme à la batterie, donc je me sens un batteur accompli. Alors c’est quand je suis à la guitare dans Deliverance que là j’ai plutôt un challenge à relever aujourd’hui ! (sourires)
Si on revient un peu sur Deliverance. D’où vient le nom du groupe à l’origine ? Opeth peut-être et son album Deliverance ?
Ah ah ! Alors, déjà c’est un très bon disque… Mais non, c’est une référence ici au film mythique Délivrance de 1972. C’est sombre, assez déglingué, un peu effrayant, avec Jon Voight et Burt Reynolds. C’est un film assez violent et oppressant psychologiquement, qui a marqué les gens à l’époque, avec ce côté noir des années 1970. Il y a ce côté noir justement et oppressant que l’on retrouve dans la musique de Deliverance. Voilà, c’est venu comme ça.
Qui écrit ces textes justement sombres des chansons de Deliverance… ?
C’est Pierre (Duneau), le chanteur de Deliverance. Il a fait aussi deux albums en tant que chanteur avec le groupe Memories Of A Dead Man.
C’est lui que l’on voit maquillé en noir & blanc comme un clown triste sur vos nouvelles photos promotionnelles d’ailleurs ?
Absolument.
Et côté musique, qui propose la musique et compose chez Deliverance et qui a composé ce nouvel album ?
C’est moi qui arrive avec mes idées, ensuite on fait tourner ça entre nous en échangeant au sein du groupe. Ce sont des idées nées généralement à la guitare avec laquelle je compose. Je propose aux autres une manière de jouer, parfois ça marche directement, on est tous contents, parfois non. On rebosse ça. Parfois ça peut mettre plus de temps. Tu vois, là, sur ce nouvel album, le procédé s’est étalé environ sur deux ans.
Alors parle-moi du titre de ce troisième album relativement complexe en anglais : Neon Chaos in a Junk-Sick Dawn. On pourrait traduire par : « Le chaos du néon dans une aube malade de drogue »… Et l’artwork est spécial : on dirait un paysage de ville à l’envers avec des croix à l’endroit, ou bien l’inverse… Il y a un aspect dystopique ici… Vous aimez vraiment les noms d’albums alambiqués… (rires)
Exactement, c’est ça… Cela reflète bien ce qu’a voulu exprimé notre chanteur, Pierre. Il y a clairement ici un côté dystopique, et urbain. C’est un album urbain, dans le sens où le titre résume bien le lien avec les maladies mentales et les problèmes d’addiction, durant la nuit, du fait de ses insomnies, vivant en ville. C’est comme des visions psychédéliques de la nuit dans la ville, avec des lumières étranges, etc. C’est ce qui habite véritablement l’album.
Deliverance exprime donc une certaine rage lyriquement, une certaine détresse. Et musicalement vous évoluez dans un mélange entre sludge metal et black metal. Pourquoi avoir choisi de travailler avec le label Les Acteurs de L’Ombre Productions plutôt spécialisé dans le black metal français ?
Écoute, pour nous, c’est un label qui nous fait rêver depuis bien longtemps pour être tout à fait honnête. On est en contact avec Gérald (Milani, responsable du label) depuis le début du groupe. Il gardait un contact avec nous à chaque fois qu’on terminait un album, et je lui envoyais. Et on a toujours gardé un contact sympa entre nous, et ce sont des passionnés, avec un engagement auprès de leurs artistes. Et là Gérald a flashé sur ce troisième album, alors on s’est dit : « allons-y ! Fonçons ! ». Le black metal fait clairement partie de notre musique, même si on le détourne par moment. Et je constate que dans Les Acteurs de L’Ombre Productions, ils ont beau être passionnés, ils ne s’enferment pas totalement dans le black et gardent toujours un certain œil et un esprit d’ouverture. La preuve, en signant notre groupe plus crossover que les autres peut-être. L’équipe des bénévoles et Gérald ont véritablement flashé sur Neon Chaos in a Junk-Sick Dawn et on a de la chance. Pour nous, c’est une grande force de les avoir et qu’ils nous soutiennent.
Au niveau des vidéo clips extraits de Neon Chaos in a Junk-Sick Dawn, il y a eu d’abord celui en lyrics vidéo d’ « Up-Tight », puis celui du titre « Odyssey » qui a fait après l’objet d’une captation live en extérieur, mais sans public, filmé dans le cadre d’un amphithéâtre moderne désaffecté, et j’ai adoré. Peux-tu me parler de ces deux clips ?
Alors, il y a pas mal de choses. En fait, on a d’abord fait un clip pour la chanson « Up-Tight » paru à la rentrée en septembre 2022. Il s’agit d’une lyrics vidéo, oui, mais c’est bien plus qu’une simple lyrics vidéo selon moi car c’est vraiment un clip tant il y a eu du travail vidéo dessus. La réalisation a été faite par Apolline Mercier, et honnêtement elle a fait un travail hallucinant sur ce clip, donc c’est bien plus que ça. Il y a vraiment une recherche d’image incroyable avec un travail graphique dans une ambiance black metal psychédélique qui colle parfaitement à Deliverance. Et après, on a capté live la chanson « Odyssey » qu’on a joué réellement live en extérieur dans un lieu à côté de Paris. Ce n’est donc pas la version de l’album que l’on entend.
Sur « Odyssey », avec ce cadre unique d’amphithéâtre vide, j’y ai retrouvé un clin d’œil à Pink Floyd et son fameux Live at Pompeii filmé là aussi sans public à l’époque (1972)…
En fait, je tenais absolument à faire ça dans ce lieu qui est dans le parc Georges Valbon de La Courneuve (93). Un jour, en me baladant, je suis tombé sur ce théâtre de verdure abandonné à ce qu’il paraît depuis quarante ans. J’ai flashé sur ce cadre unique, et fallait absolument que l’on y fasse un clip live avec Deliverance façon Live à Pompéi, comme tu dis, et ce sera notre live Live à Pompéi en quelque sorte. Et on a choisi d’y interpréter live la chanson « Odyssey » que tu as donc vue car c’est un peu notre « Echoes » à nous si on pouvait se comparer à Pink Floyd. (sourires) Ce projet a mûri au total pendant près d’un an, entre le repérage, la réflexion, sa réalisation, jusqu’au mixage et sa mise en ligne. En fait, comme on n’a pas pu jouer et faire de concert, c’est un peu une façon de rattraper les choses et capter cet esprit organique, en jouant entre nous, pour de vrai, en plein air. Pour l’anecdote, là encore on a joué six fois le morceau, et on a gardé au final la sixième prise intégrale au niveau sonore, mais en revanche, le montage vidéo est un mélange des six prises.
Au niveau matériel, tu joues donc à la guitare sur une Gibson Les Paul noir, mais aux claviers, on voit d’ailleurs dans ce clip « Odyssey » que vous utilisez une pédale d’effet Boss Orange, la fameuse DS-1, branchée sur le synthétiseur qu’à la guitare. Plutôt étonnant, non ?
Ouais, en effet, mais non, ça s’utilise aussi couramment sur les claviers au niveau de la prise jack, comme la guitare. On met ça pour « salir » le son du clavier en fait, et donner cet aspect d’orgue hammond, comme Deep Purple le fait aussi en rajoutant de la distorsion sur leurs claviers dont le son sortait sur ampli Mashall.
Chez Deliverance, on retrouve plusieurs influences en fait et c’est ce qui fait un peu la particularité du groupe au catalogue des Acteurs de L’Ombre : dark, black, sludge, progressif…
C’est pas totalement black, c’est vrai, avec des influences sludge…
Je reviens au superbe titre « Odyssey » qui est relativement long (18 mn). Sur l’intro j’y ai reconnu du Tool, puis du Jean-Jacques Goldman (qui venait de la scène rock progressive avec Taï Phong à l’origine), avant que ça n’évolue sur un passage lourd typiquement sludge. Qu’en penses-tu ? Goldman et Tool : deux influences majeures chez toi ?
Ah ah ! Intéressant ! (rires) C’est marrant ça. C’est vrai que y’a un peu de ça, mais moi j’y vois plutôt du Interpol personnellement. Tu vois, ça, c’est mes influences rock indie qui ressortent. Mais c’est plutôt rigolo ce que tu dis car si on plaçait la voix de Jean-Jacques Goldman par-dessus « Odyssey », ça passerait quand même je suis sûr… (sourires)
Et pour Tool ? Au tout début, y’a un côté 10 000 Days de Tool tout de même au niveau des arpèges dans le riff…
Ah pour moi, pas du tout. Enfin je te dis oui car cet album de Tool démarre justement comme un morceau de Pink Floyd justement… (rires) Or pour moi, c’est prendre « Shine On You Crazy Diamond » de l’album Wish You Were Here des Floyd.
Sur des morceaux mid-tempo comme « Up-Tight » justement, on entend aussi ta patte habituelle rythmique, comme à l’époque d’Aqme, avec ce groove, or pourtant tu n’es pas à la batterie mais à la guitare…
Ah, intéressant aussi ! (sourires) Je compose la plupart des parties, oui, mais de toute façon je suis très sensible à ce que ça donne envie de bouger la tête, de headbanguer, quel que soit le tempo. Les rythmes sont clairement en dessous quand même de ce que je fais avec Karras, même si ça accélère bien aussi parfois. Il y a ce côté extrême et aussi progressif chez Deliverance, du plus lent au plus enlevé. Je pense que ces deux chansons, « Up-Tight » et « Odyssey » représentent assez bien le nouvel album.
Par moment, on distingue aussi divers effets, bruits, ou samples dans la musique de Deliverance, non ? Ou bien c’est des claviers et des chœurs uniquement ? Par moment on entend même une voix futuriste, comme dans un vocodeur, et ça sonne ambiance Blade Runner…
Alors il n’y a aucun sample sur le nouvel album, tout a été joué aux claviers ou chanté. Et ça c’est des voix que l’on a faites nous-mêmes, avec notamment la voix un peu étrange sur la fin du titre « Odyssey », c’est celle de Pierre, avec ce côté Blade Runner comme tu dis, qui donne cet effet. Et aussi sur « Fragments » qui est le dernier morceau de Neon Chaos (…), avec une longue intro psychédélique, tu entends aussi une voix cette fois féminine, en anglais parfait, et bien là c’est une amie de Pierre qui a une voix absolument fantastique, à l’anglais parfait, normal elle est prof d’anglais, et on lui a fait lire ce texte-là au début de cette chanson qui clôture l’album.
Donc vous aimez expérimenter chez Deliverance en ne vous interdisant rien dans votre style crossover de black et sludge metal ?
Rien, du moment que ça colle à l’ambiance. Mais pour autant, tout a donc été interprété, rien n’a été samplé, tout est donc organique, comme dans les années 70… (sourires)
Le chant étant en anglais, avez-vous des projets de tournée à l’étranger, ailleurs que dans des pays francophones ?
Bien entendu, si on nous le propose. On avait déjà joué, tu vois, avec Aqme au Canada par exemple, dans la partie francophone. On chante en anglais, oui, mais je suis convaincu que des groupes français qui même chantent en français peuvent aussi s’exporter.
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