Découverts live cet été 2024 sur les scènes des festivals de France et d’Europe avant même la parution de ce premier effort studio, Eihwar nous a séduits avec son approche néo folk aux influences tribales et électroniques. La communion fut totale avec le public, sa chanteuse, telle une louve, entamant une danse à la fois guerrière et chamanique, même si, sur scène, cela manquait peut-être d’interprétation instrumentale mais aussi de personnel (que deux protagonistes sur scène : Asrunn donc au chant et tambourin ; Mark aux percussions, growls, et DJ set), toute la musique étant samplée sauf les principales percussions, et les principaux chants. Mais c’est un parti pris artistique osé, et constitue justement le concept de ce nouveau duo français ! Un concept artistique à la fois rafraichissant et en même empruntant les voies très à la mode du néo folk ambiant à la Heilung, plutôt que Wardruna qui finalement s’attache, lui, à conserver des instruments traditionnels, à la fois sur disque et en concert. Aujourd’hui, sur Viking War Trance, on retrouve trois titres précédemment publiés en autoproduction sur le web il y a même pas un an, à savoir : « Ragnarök », « Fenrir », et le fameux et puissant single « Berserkr », tous rebaptisés ici entre parenthèses « Viking War Trance reforged ». Ce sont ces morceaux déjà parus il y a un environ qui ont attiré l’œil, ou plutôt l’oreille du label marseillais Season of Mist. Ils ont fait peau neuve pour l’occasion, bénéficiant d’un nouveau remixage avec des arrangements plus travaillés. D’ailleurs, peut-être que la chanson pourrait inspirer et surtout booster Mel Gibson pour son projet de film qui végète depuis des années sur les berserkers, guerriers nordiques en furie qui combattaient, selon la légende (plutôt que l’histoire), nus ou habillés de peau d’ours ou de loup, faisant fuir leurs adversaires avant même le combat… Mais ceci est une autre histoire, toute cette mythologie viking ayant, semble-t’il, fortement inspiré nos deux artistes français sur ce premier album.
Sur les neuf plages sonores qu’offre Viking War Trance, on appréciera le côté plus expérimentale et mystérieux d’un titre comme « Fenrir », mais aussi plus atmosphérique sur le très catchy « Baldr », autre ase de la mythologie scandinave, avec son vidéo clip filmé en montagne et surplombant des paysages naturels (certainement capté par un drone). Sur toutes les chansons, Asrunn s’exprime dans un langage fait d’interjections, exclamations et onomatopées de tout style, mêlant à la fois vieux norrois, et parfois l’anglais, mais ce sont des paroles très personnelles nées de l’esprit de la louve. Et de temps à autre, Mark s’exprime aussi, à travers quelques growls. Musicalement, les morceaux sont tous battis sur le même mode opératoire : des percussions électroniques quasi martiales (Mark nous a confié être un grand fan du groupe culte slovène Laibach), une mélodie en boucle entêtant faite de luth, guitare, flûte, le tout samplé et répété, avec des vocalises et incantations signées Asrunn, la shaman du clan, non pas gaulois ici, mais viking, vous l’aurez compris. C’est très dansant, festif, guerrier, mais tout cela prend véritablement vie sur scène où la frontwoman s’agite et communique dans une allégresse communicative menant à une transe guerrière finalement.
Ce premier album studio se conclut par la reprise d’une chanson du folklore populaire totalement réarrangé ici avec une histoire inversée. Il s’agit de la superbe ballade interprétée à la guitare folk par Mark, et intitulée « Sir Manneling ». Celle-ci conclut magnifiquement un album réussi, captivant, un poil redondant cependant, et qui surtout révèle toute son essence sur scène en concert, pour les avoir vus et écoutés déjà live avant la sortie de ce Viking War Trance. Toutefois, si le succès est déjà au rendez-vous pour nos deux Frenchies et ça fait plaisir, leur concept artistique étant, certes, riche, risque d’atteindre très vite ses limites du fait de leur configuration en duo et de l’absence d’instrumentation en live. Il faudra alors veiller à ne pas se répéter car à deux, Eihwar peut vite tomber dans une certaine routine. Mais au vue de leur énergie et du grand enthousiasme d’Asrunn et Mark (plus réservé derrière sa barbe et sous son casque à lunettes), nul doute qu’ils ont encore plein de projets en tête (et pourquoi pas des invités la prochaine fois sur un second album ?), et on leur laisse savourer en attendant le fruit de leur travail et profiter de cette transe contagieuse. Et pour les puristes de folklore, ils peuvent toujours se rabattre sur le nouveau Wardruna qui arrive bientôt (comme nous en avait parlé Einar Selvik en conclusion de notre dernier entrevue en 2023 au Motocultor, et aussi sa chanteuse Lindy-Fay Hella cette année pour son nouvel album solo avec Dei Farne), ou le prochain Faun pour lequel nous avons également interviewés dernièrement son leader germain Oliver « Sa Tyr » Pade à retrouver très bientôt sur notre site web ! [Seigneur Fred]
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