Si Hell Unleashed n’a pas pu être défendu live comme il se doit en 2021 par Evile (et comme de nombreux autres albums parus en pleine période de covid-19), il fit pourtant l’unanimité auprès des fans et des médias, et au sein de Metal Obs, nous l’avions tout simplement trouvé divin ! Une pure tuerie de thrash comme il se fait parfois rare de nos jours, excepté dans la vague revival actuelle de thrash crossover à travers laquelle bon nombre de jeunes formations s’engouffrent… Son principal compositeur, parolier, et fondateur, Oliver Drake, était confiant sur cet album malgré un tout nouveau line-up. Deux années à peine sont passées, et voulant battre le fer tant qu’il est chaud, il tente d’embrayer rapidement ici sur un sixième opus studio intitulé The Unknown. Et généralement, on a tendance à dire qu’après plusieurs publications, chaque nouvel enregistrement constitue en quelque sorte une réaction au précédent. Et dès l’écoute du premier single « The Unknown », on se dit que c’est le cas : l’artiste britannique a ralenti la cadence, l’agressivité des guitares et surtout de son chant, afin d’y apposer davantage de mélodie. Le ton semble en effet plus posé, plus circonspect, mais aussi plus mélancolique à travers la mélodie et les paroles d’OL Drake. Musicalement, Evile semble lorgner davantage vers le heavy que le thrash ici, ce qui provoque réellement un premier contraste par rapport à un single comme « The Thing (1982) » paru il y a deux ans sur le terrible Hell Unleashed…
Attention, les compos du guitariste/chanteur s’avèrent très solides et bien foutues, mais disons que cela peut paraître un peu surprenant de prime abord, surtout que cette tendance vers un net ralentissement et moins d’agressivité au profit de la mélodie donc, sur un rythme lent et très heavy, se confirme dès les chansons suivantes : « The Mask We Wear » aux textes contemplatifs intéressants, et presque philosophiques. Il y a beaucoup d’introspection dans tout ça. Et « Monolith » atteste de cette évolution vers un mid-tempo systématique et des riffs extrêmement heavy. Les chœurs sont d’ailleurs bien sentis pour épauler la voix d’OL Drake qui a énormément travaillé son organe vocal sur ce nouvel album. Mais le petit problème est que ça traîne, et donne un faux rythme à l’album. Il faut passer « When Mortal Coils Shed » et sa jolie mélodie pour passer aux choses sérieuses et speed, or nous sommes déjà arrivés à la moitié du disque. En effet, sur « Sleepless Eyes », OL Drake et Evile lâchent enfin les chevaux et délaissent un temps le heavy/thrash à la Annihilator pour un speed/thrash à la Xentrix, ou plutôt à la Exodus, old Metallica, et Forbidden. Il était temps car on commençait un peu à s’ennuyer, même si les quatre premiers morceaux de l’album sont, encore une fois, de très bonne facture, juste que ça ne décollait pas et manquait un peu de variété, de dynamisme, jusqu’à présent. Juste à la suite, « Out Of Sight » rassemblera tous les fans du genre avec ses influences 1980’s et son refrain catchy qui fait headbanguer tout thrasheur normalement constitué. Un peu plus loin, « Reap What You Sow » se veut aussi bien thrashy et plus dérangeant, quoiqu’un peu moins rapide. Cette chanson interpelle sur les maux de nos sociétés modernes, les dysfonctionnements et réguliers affrontements de rue, comme il n’y a pas très longtemps d’ailleurs en France en début d’été. Là dessus, rien d’exceptionnel, c’est justement les revendications et sujets habituels dans le thrash metal depuis son apparition dans les années 80’s.
Mais une chanson plus versatile et variée comme « At Mirror’s Speech » nous fait revenir entre-temps à la tendance amorcée en début d’album, à savoir un rythme plus mid-tempo et un chant heavy et plus posé, mais toujours entre la mélancolie et la colère. « Balance Of Time », en fin d’album, fait lui aussi le boulot sur un feeling années 80, cher à OL Drake, sans pour autant lasser l’auditeur. Côté soli de guitare, on est plutôt gâtés si vous aimez le shredding mais disons que les leads paraissent plus simples, plus posés, même si on reste quand même sur un haut niveau technique. La concision est surtout de mise ici, OL Drake ayant voulu simplifier l’impact des chansons. Dans l’ensemble, ces dix nouveaux commandements de thrash d’Evile sont tous très bons, et superbement produits (l’enregistrement a eu lieu aux Longwave Studios à Cardiff (Pays de Galles) avec Chris Clancy (Kataklysm, Overkill, Machine Head, et son groupe Invictus). Peut-être qu’alors un track-listing différent aurait permis d’apprécier davantage les reliefs et contours de The Unknown, avec un ordre différent et plus équilibré (quatre morceaux lents et lourds en première partie peuvent rapidement lasser l’auditeur en attente d’accélérations speed/thrash), et surtout une ou deux chansons plus osées, plus originales, ou disons du moins moins répétitives dans leur rythme et chant auraient été judicieux.
Au final, cette sixième bombe studio est à écouter attentivement et lentement pour la savourer pleinement dans ses moindres détails et mélodies. Il marque toutefois un léger frein chez Evile dans l’agression et le côté evil justement qui prédominaientt chez nos Anglais jusqu’à Hell Unleashed. D’ailleurs, le nouvel artwork signé Eliran Kantor (Kreator, Hatebreed, Soulfly, Loudblast…) diffère totalement de son prédécesseur là encore. Maintenant la question est : s’agit-il d’une tendance à court terme, juste un besoin passager en réaction au précédent album, ou bien une évolution naturelle qui sera développée à long terme et qui risque de perdre certains die hard fans en attente de plus de sensations fortes. Ces derniers pourront toujours sinon, en matière de thrash européen, se rabattre sur Poison Chalice, le dernier Legion Of The Damned (album du mois de juin dans Metal Obs de mai-août 2023), ou sur le prochain Sodom… [Seigneur Fred]
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