« Le pouvoir aux femmes » !! Voilà un slogan bien rare encore dans le black metal, alors pourquoi pas aussi en matière d’opéra black metal avec cette troupe mixte internationale nommé Folterkammer, messieurs-dames ? Si le girl power avait fait sensation avec le riot grrrl dans le milieu du punk et plus généralement du rock alternatif il y a une trentaine d’années outre-Atlantique (Bikini Kill, Unwound, les sœurs Gordon de The Breeders/Pixies, Sugar Baby Doll, L7, etc.), puis en Europe, Folterkammer en fait aujourd’hui son cheval de bataille sur son deuxième opus. Mené par le guitariste américain Zachary Ezrin (Imperial Triumphant), celui est dirigé cependant à la baguette par la chanteuse lyrique suisse Andromeda Anarchia, avec un air satirique ici, comme le suggère la superbe illustration de Weibermacht une nouvelle fois signée Elira Kantor (Hatebreed, Soulfly, Kreator, Loudblast, Venom Prison…). Et en allemand, cela signifie donc « Le pouvoir féminin ». Vous l’aurez deviné, cette charmante troupe internationale centrée principalement à New York, dénonce notre société basée sur le patriarcat, mais aussi les dérives cachées et tabous qui ont lieu sous les robes des prêtres derrière les murs du Vatican mais aussi parfois dans nos paroisses… Derrière ces provocations, se cachent différents musicien de divers horizons dont le leader d’Imperial Triumphant que l’on retrouve ici en guitariste et chef des orchestrations, Brendan McGowan (Coffin Sore, Godless Tyrant…), un certain Darren Hanson, et également un Frenchy, Laurent David, à la basse. Toute cette petite bande a décidé de s’exprimer et casser les barrières à travers un metal extrême à tendance black, mêlé à un chant soprano de la pulpeuse Suissesse Andromeda qui s’époumone ici à tout va. Cette dernière est également en charge des screams black metal, et impressionne, même si son chant lyrique prédomine, à l’image de son single entraînant « Anno Domina ». Original, vous direz-vous ? Eh bien, pas tant que ça, car certains artistes ont déjà expérimenté ce mélange musical il y a plusieurs décennies…
En effet, dès 1987 sur l’album culte Into The Pandemonium, Celtic Frost lança très tôt ce style crossover mêlant orchestrations de musique classique, chant lyrique dramatique d’opéra sur des riffs et chants plus hargneux, le tout dans une ambiance dark/gothic très avant-gardiste pour l’époque (« Sorrows Of The Moon », « Requiem Pt. I »), puis en durcissant le ton par la suite sur un doom metal très sombre Monotheist avec des chanteuses, mais pas d’opéra cette ultime fois en 2006. Entre-temps, nombre de formations gothic rock ou gothic metal se popularisèrent pour devenir à la mode dans les années 90 (Theatre Of Tragedy, Fields Of The Nephilim…). Mais surtout, un, ou plutôt une OVNI russe sous le nom d’Ayin Aleph innova discrètement dès 2007 avec ses deux premiers albums I et II (elle fait toujours carrière aujourd’hui). Entourée d’artistes de renom, le guitariste et ingénieur du son Mark Mynett (Kill To This, producteur des deux derniers albums de My Dying Bride), Anthony Scemama (guitariste de Misanthrope, Argile), et un certain Jean-Jacques Moréac (bassiste de Misanthrope, Argile), la diva russe mélangeait déjà un heavy metal baroque plutôt extrême avec du chant plus ou moins lyrique (pas continu), mais sans growls ni screams. Le tout était alors produit par le leader anglais de Kill To This, du côté de Stockport, près de Manchester. Même si Ayin Aleph bénéficie d’une petite notoriété, la faute à un manque de distribution et de label puissant, et cette dernière évolue toujours par ailleurs avec ses musiciens, disons que lorsque l’on connait ce point, on n’est pas totalement surpris par Folterkammer qui a déjà publié un premier LP Die Lederpredigt (Gilead Media) en 2020, si ce n’est que ce dernier évolue dans la sphère black metal, un black metal d’avant-garde plus exactement comme Imperial Triumphant toutefois.
Maintenant, à vous de juger, mais avouez qu’il y a tout de même de quoi y perdre son latin quand on visionne l’un des nouveaux clips de Folterkammer (la chanson « Leck Mich ! ») et un ancien vidéoclip d’Ayin Aleph « My Bloody Marriage » (datant de 2007) :
Alors à vous de vous faire votre avis, et de vous pencher en profondeur si vous aimez le black metal avant-gardiste, Imperial Triumphant, et les poumons, pardon, la voix de la belle Andromeda Anarchia. La remarque est volontaire, signe de notre machisme encore présent de nos jours, et que la chanteuse cherche à réduire par l’art et la musique. En 2024, si Folterkammer procure un effet intéressant, nous intrigue, certes, et séduira certains adeptes à n’en pas douter, celui-ci n’est pas suffisant pour en être totalement subjugué. Tout dépendra de ses prestations live à venir et s’il s’agit d’un véritable groupe à part entière, mais a priori oui, avec des projets de concerts comme dernièrement ce printemps aux Etats-Unis, comme nous l’ont confié deux de ses membres (dont l’un francophone) en interview, Laurent David (basse) et Andromeda Anarchia (chants). Dans tous les cas, ce joli quintette international présente l’intérêt de s’appuyer sur une base de riffs black metal, avec une technicité intéressante (présence d’une basse réellement audible, riffs de guitare de Zachary Ezrin) et une palette vocale vraiment complète et impressionnante de la part d’Andromeda (voix soprano donc, murmures, screams…). Le son est très moderne, mais il manque une certaine aura, une ambiance à l’ensemble pour nous captiver et charmer totalement sur la longueur. Question sujet de société et combat contre patriarcat, ça, par contre, Folterkammer a encore bien du pain sur la planche et n’aura certainement pas assez de temps pour mener à bien son projet. [Seigneur Fred]
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