HOULE : Ohé, matelots !

Nouveau venu au sein du label Les Acteurs de l’Ombre, Houle rend fièrement hommage aux origines maritimes de certains de ses membres. À défaut d’avoir le pied marin, chacun se laissera emporter par l’appel de l’océan et les vagues déferlantes d’un black metal sombre et harmonieux en provenance de notre beau pays. [Entretien collectif avec Græy Gaast (basse), Zéphyr (guitare), Visker (batterie), Adsagsona (chant) par Louise Guillon – Photos : DR]

À l’écoute de votre premier EP, celui-ci apparaît comme une unité composée seulement quatre morceaux inséparables les uns des autres. De fait, considérez-vous que vous êtes des défenseurs du format EP de la vieille école plutôt que des chansons éparses diffusées, comme bien souvent, sur le net de nos jours ?
Tous les squelettes des morceaux de notre album, c’est-à-dire les guitares, ont été composés par Crabe, le guitariste lead du groupe. Cela nous permet d’ores et déjà de démarrer avec une base et une musicalité cohérente du premier au dernier morceau. Chacun de nous vient ensuite apporter sa pierre à l’édifice en écrivant ses propres mélodies. Cela permet de garder une certaine fraîcheur et originalité sur le long terme ! Mais au-delà de la musique, il est certain que nous avons voulu proposer un premier album afin d’être perçu comme une longue aventure. Un départ de la côte, une tempête en approche, un naufrage et enfin un véritable cauchemar en mer pour clore l’opus. Le fait que le thème marin soit aussi omniprésent dans notre musique nous permet aussi de plus facilement raconter cette histoire, puisque sa richesse nous permet de ne pas manquer d’inspiration. Enfin, Cédric Guesdon (D.N.I Studio), notre ingénieur du son qui a produit cet album, a fait un travail absolument formidable pour reproduire les ambiances nécessaires pour sublimer les thèmes abordés. Tous les petits ajouts (craquements de mâts, cris de mouettes, bruits de vagues…) sont autant de détails qui font que le résultat final est aussi immersif.

Ce premier enregistrement studio, violent dans sa forme et dans son fond, est-il un appel aux hommes ? Ou plus précisément à la nature humaine ? Car si l’on décrypte les paroles de vos chansons, celles-ci dépeignent un voyage sans retour de l’Homme face aux éléments…
La volonté de notre musique est de dépeindre l’affrontement de l’Homme face à la Nature – une nature qui le domine entièrement, une force à laquelle il ne peut pas échapper. Il n’y a pas d’émotions autre que la peur et le désespoir qui transparaissent à travers nos textes, puisque nous aimons à décrire les pensées de ces marins perdus en mer, ou du moins leur perspective, car cela est plus effrayant encore que de décrire l’océan lui-même. C’est aussi ce qui nous permet de conserver une dimension mystique et presque divine dans notre représentation de l’océan. Il y a également une dimension très romantique dans nos textes, dans cette manière très transparente de raconter les angoisses et terreurs de ceux partis conquérir les océans. Beaucoup sont effrayés par les profondeurs des mers, mais leur surface l’est tout autant lorsqu’elle est déchaînée. Enfin, il y a dans la fin de cette aventure, et plus particulièrement dans le morceau « La Dernière Traversée », ce final cathartique, cette acceptation paisible de la défaite par l’Homme. Peut-être est-ce donc en effet aussi un combat interne, celui de l’Homme orgueilleux qui doit se résoudre à s’avouer apeuré et vaincu pour pouvoir enfin retrouver la tranquillité de son âme.

La mer est une source indéniable de votre inspiration sur Houle, dans vos textes mais est-ce également le cas musicalement parlant ? Est-ce que cette thématique vous a poussé à jouer du black metal ? S’agit-il du style le plus adapté finalement à vos envies pour y exprimer vos inspirations ?
L’idée d’adopter une thématique maritime est née de la volonté de Crabe, le fondateur du groupe, avant même la création de Houle. C’est un brestois qui avait côtoyé la mer toute sa vie avant de venir à Paris. Cependant, d’un projet qui démarrait sur des bases folk/black aux influences traditionnelles bretonnes, Houle s’est transformé pour laisser place à un véritable black metal mélodique parsemé de passages plus progressifs. Musicalement et culturellement, cela nous correspondait finalement beaucoup plus, et chacun pouvait y trouver sa place et exprimer pleinement sa musicalité. Pour autant, l’océan est un sujet fascinant, qui se prête selon nous totalement à l’imagerie et l’atmosphère du black metal. Il ravive les phobies de certains, rappelle des souvenirs à d’autres, mais il est connu de tous, et permet à chaque personne de laisser libre cours à son imagination. Musicalement, nous essayons de transmettre des images via l’emploi de certains sons ou mélodies. Il y a une dualité dans notre musique qui s’exprime par des passages très calmes et des mélodies douces et mélancoliques, mais aussi beaucoup de riffs agressifs, de blasts beats, etc. Cela représente bien l’océan, beau et apaisant, pouvant se transformer en un enfer incontrôlable pour l’Homme. De plus, le black metal est une musique extrêmement riche qui se vit également à travers l’imagerie visuelle d’un groupe. L’image du pêcheur à l’œil hagard, du naufragé au regard vide, les tenues de marins déchirées et salies, tout cela – même si très original au premier abord – est finalement une représentation parfaite de l’imagerie black metal. Nous poussons donc notre atmosphère jusque sur scène, où l’ambiance, les tenues, la scénographie jouent un rôle primordial. Houle a vocation à être un groupe de scène, donc nous mettons tout en œuvre pour retranscrire ce côté immersif en concert.

Niveau impressions : quelles sont les vôtres en tant qu’artiste vis à vis de ce premier EP éponyme ? Quels sont vos sentiments face à cette sortie au grand jour sur le label Les Acteurs de L’Ombre Productions ?
C’est avec une émotion très forte que nous avons vécu la sortie de ce premier album ! C’est une sortie que nous avons longuement attendu, mais qui dépasse de loin toutes les attentes que nous avions pour elle au début de notre aventure musicale. C’est tout d’abord une grande fierté, pour n’importe quel artiste selon nous, que de vivre l’accomplissement d’autant de travail. Nous sommes très heureux du résultat, mais pour nous cette réussite ne résulte pas seulement de notre fait. Sans D.N.I Studio (le studio d’enregistrement de Cédric Guesdon), sans Les Acteurs De L’Ombre, sans doute n’aurions-nous pas obtenu un rendu aussi propre et abouti. Ce sont véritablement là les rencontres qui nous ont permis de progresser et d’améliorer notre album avant sa sortie. Aujourd’hui, nous avons encore tous un peu de mal à croire que toutes ces chroniques, tous ces retours nous sont adressés, mais c’est extrêmement gratifiant ! De même, toutes les remarques et critiques constructives nous permettent de relativiser et voir l’ensemble du chemin qu’il nous reste à parcourir. Ce sont aussi de précieux outils à prendre en compte pour la composition et la production de notre prochain album ! Nous-mêmes, nous réalisons désormais ce que nous aurions pu faire de mieux pour cette sortie. Malgré cela, cet album, simplement baptisé Houle, reste tout de même une sortie très personnelle pour laquelle beaucoup de personnes de notre entourage proche nous ont apporté leur aide et leur talent (Laure Jeandet pour la pochette, Baptiste « Baptman » Favrot pour ses photographies, etc.). Tout cela nous apporte énormément de fierté.

Selon vous, est-il aujourd’hui difficile de se faire une place aussi bien auprès du public que des labels dans le milieu de la musique extrême ?
C’est une question à laquelle il nous est difficile de répondre. Nous avons eu un parcours assez classique jusqu’à un certain stade… En octobre 2021, nous avons fait notre premier concert, puis quelques-uns au cours de l’année 2022. En mai 2022, nous avons enregistré notre album et c’est là que Cédric Guesdon nous a proposé de le faire écouter à Gérald Milani et aux membres des Acteurs de L’Ombre. Nous n’avions aucun contact avec qui que ce soit, si ce n’est Cédric, et nous étions cependant toujours peu convaincus que notre opus puisse intéresser LADLO. La suite nous aura prouvé le contraire, pour notre plus grand bonheur ! Mais c’est donc pour nous la chance d’une rencontre au bon moment avec la bonne personne. En plus d’un album en lequel nous cinq croyons beaucoup, tout ceci nous a permis d’en arriver où nous en sommes aujourd’hui. En revanche, il est vrai que faire ses débuts sur la scène parisienne en étant totalement inconnu n’est pas toujours une tâche facile. Nous avons pu compter sur Mélanie Trinco pour nous réaliser de belles affiches pour nos premiers concerts, que nous avons relayées en masse sur les réseaux sociaux. Les toutes premières dates, nous les avons trouvées par des connaissances ou en les démarchant, et en organisant nous-mêmes les plateaux. Puis le bouche à oreille a joué, et désormais il nous est un peu plus facile de nous faire une petite place !

Publicité

Publicité