JOURS PÂLES : Aucun regret

Pour vous planter le décor à l’heure de ranger son sapin de Noël, Jours Pâles est le side project de Spellbound qui n’est autre que le chanteur et parolier d’Aorlhac. Né des cendres de sa formation Asphodèle avec Audrey Sylvain (ex-Amesoeurs) qui avait mis au monde un album justement appelé Jours Pâles en 2019, celui-ci inspira le nom du nouveau projet s’inscrivant dans une suite logique et artistique, comme un hommage à ce « grand-frère » mort trop tôt. Un an et demi après un premier LP Éclosion, vient s’ajouter à présent Tensions à la discographie de Jours Pâles qui décrit un cheminement naturel de la vie de l’Homme qui naît, éclot, pour vivre ensuite dans un monde incompréhensible et anxiogène par bien des aspects. [Entretien avec Spellbound (chant/guitare) réalisé par Marie Gazal – Photos : DR]

Jours Pâles



Jours Pâles est né en s’inscrivant dans la lignée d’Asphodèle, une collaboration entreprise avec Audrey Sylvain qui avait offert un seul album appelé Jours Pâles. Quel lien tisses-tu entre les deux projets ?
J’ai pour coutume de dire que c’est à la fois une continuité et une cassure. En gros, Asphodèle a eu la primeur, car c’est un projet arrivé en premier, c’était le fruit d’une rencontre avec une chanteuse qui s’appelle Audrey Sylvain, et de cette rencontre est né Asphodèle. On se partageait le chant à cinquante/cinquante, entre elle et moi. J’étais aux compos, mais c’était très dirigé en termes de style par rapport à sa voix. Et quand Asphodèle est mort quelque part, que le projet s’est arrêté, je n’ai plus continué. C’est mon projet perso à cent pour cent maintenant. Jours Pâles est né de cette rupture avec Asphodèle et j’ai tenu, dans cet esprit de continuité, à appeler mon nouveau projet ainsi, comme le nom de l’album d’Asphodèle.

En fait, c’est un bel hommage à ce projet que l’on pourrait qualifier en quelque sorte de « mort-né »…
Rien n’arrive par hasard, j’ai envie de te dire. Asphodèle, je ne renie pas ce projet loin de là, c’était une belle expérience et sans la rencontre avec Audrey, il n’y aurait jamais eu Asphodèle. C’est vraiment ce duo qui a donné l’impulsion à ce projet-là. Je me suis mis vraiment à composer pour ce projet-là et c’est vrai que sans Asphodèle, il n’y aurait jamais eu Jours Pâles. Donc il s’est passé ce qu’il s’est passé et il n’y a rien à regretter.

Après le premier album Eclosion en 2021, un mot qui évoque sans fard la naissance voire la renaissance, le second album de Jours Pâles s’intitule à présent Tensions. Il représente comme une suite naturelle de l’Homme qui, après sa naissance, vit une vie de tensions. Qu’as-tu voulu signifier par ce choix de titre ?
Je trouve que ce n’est pas con du tout comme réflexion, comme remarque, et peut-être qu’inconsciemment, c’est ce que j’ai voulu dire. Le terme « éclosion » n’a pas été choisi par hasard : Asphodèle s’est terminé, ensuite il y a un album qui éclot, il y a plein de choses autour de ça. Après c’est vrai qu’effectivement, si on suit ta logique, on naît et on souffre, puis on meurt. Entre ces trois phases-là, on peut faire plein de choses. Donc ce n’est pas une fatalité, enfin la mort est une fatalité, mais pas ce qu’on y fait entre-temps. Que ce soit Eclosion ou Tensions, c’est une continuité dans les thèmes, ça n’aborde que des thèmes perso, liés à ma vie personnelle et à mes expériences. On me demande souvent s’il y a un concept, je réponds que non, il n’y a rien de très élitiste dans ce que je fais. Très égoïste, très égotiste quelque part, et il y a cette volonté de faire toujours mieux d’album en album aussi. Mais les thèmes et les textes restent très liés à des événements personnels, à ma propre vision du monde dans lequel j’évolue.

Je voulais justement enchaîner sur ce qui inspirait tes compos et tes paroles sur cet opus. Est-ce qu’il y a des sujets qui ont particulièrement marqué les thèmes de Tensions ?
Oui, il y en a plusieurs. C’est large, encore une fois. Ça reste très centré sur la détresse psychologique, la dépression, la mélancolie, le fait de ne pas du tout se retrouver dans le monde moderne et absurde dans lequel j’ai l’impression d’évoluer ou tenté d’évoluer à l’heure actuelle. Ce sont des sujets très lourds. Le nom de l’album représente bien les thèmes : il y a énormément de tensions dans la plupart des textes. Après tu vas aussi retrouver une chanson comme « Ode à la vie », contradictoire dans le thème, liée à un événement fort qui m’est arrivé car il y a eu la naissance de ma fille. C’est un morceau hommage à ma gamine, qui s’appelle Aldérica. Sur « Dose », tu retrouveras plutôt un truc d’actualité, à savoir une sorte d’invective envers, c’est un peu clivant, le Covid, les vaccins, la manière dont tout ça a été géré. Donc tu vois, ça tourne un petit peu autour de tout ça. Dans cet album-là, tu as un petit peu plus d’actualité, notamment sur « Dose » par exemple, que sur le précédent album. Mais ça tourne toujours autour des mêmes choses, à savoir ma vie. Les morceaux viennent de là en fait.

On retrouve des riffs toujours très accrocheurs, comme sur le morceau « Tensions », et cette façon que tu as de poser ta voix et de chanter avec des paroles reconnaissables, un phrasé particulier. Comment as-tu défini ce style ? Est-ce que ça vient naturellement ou est-ce que c’est quelque chose que tu as travaillé ou conceptualisé ?
Avec moi, il faut savoir qu’il n’y a pas grand-chose de conceptualisé. C’est très spontané. Alors bien sûr, quand tu prends du temps et que tu composes, ça ne coule pas tout seul : il faut travailler les riffs, faire en sorte qu’ils sonnent le moins possible comme des trucs qu’on entend déjà. Tout ça se travaille. Mais au niveau du chant, de la diction, on me fait souvent la remarque depuis le dernier Aorlhac, mon autre groupe. On me parle d’intelligibilité. Et c’est vrai que je me dis qu’en fin de compte, on comprend de mieux en mieux les mots que je pose, même si pas toujours, mais le spectre vocal est varié, il y a des cris que je fais qui sont trop criés pour être compris véritablement sans avoir le livret sous les yeux avec les paroles. Mais c’est peut-être lié au matériel que j’utilise aussi, je ne sais pas… Mais tant mieux quelque part. Pour répondre à ta question, je ne me dis pas « Il faut absolument que je sois intelligible quand j’enregistre le chant ». Je ne cherche pas ça. Mais en réécoutant je me rends compte qu’on comprend de mieux en mieux ce que je dis. Je trouve ça vraiment cool et ça m’inciterait presque à y réfléchir pour le coup et à travailler dans ce sens, qu’on me comprenne même en gueulant, même si ce n’est pas le cas à cent pour cent sur mes précédents albums. Ça peut être une piste à travailler.

La pochette du nouvel album est remarquable, dans le sens où elle ne laisse pas indifférent. Comment avez-vous travaillé avec Niklas Sundin (ex-guitariste de Dark Tranquillity) pour la créer ?
Déjà, j’en dégage une énorme fierté, enfin ce n’est pas que j’en dégage une fierté, mais étant fan de Dark Tranquillity, de Niklas Sundin et de toute la clique, pouvoir approcher ces gens-là et bosser avec eux, je tiens à le préciser, c’est énorme pour moi. Il ne lira sans doute pas cette interview, mais je le remercie ! Et comment ça s’est fait ? Je l’ai contacté par mail, Niklas, j’ai tenté ma chance, avec pour moi quasiment neuf chances sur dix qu’il ne lise même pas ou ne réponde même pas et finalement ça s’est fait. Et à partir du moment où il a accepté, parce qu’il a écouté Eclosion et qu’il a trouvé ça vraiment cool, j’ai posé avec des mots tout ce dont parlait l’album, ma vision sur la musique, j’ai fait un truc super détaillé de ce dont parlaient les thèmes et les textes. Et de là j’ai dit « Fais-toi plaisir, fais ce que tu veux ». Il a un large panel, il peut faire pas mal d’illustrations dans des genres différents. Ça n’aurait pas fonctionné et je n’aurais pas tout apprécié parce qu’il a vraiment plusieurs styles mais ce qu’il a sorti là c’est parfait. Et quand j’ai vu les ébauches, il m’a proposé plusieurs trucs, mais je suis vraiment parti dans la direction de ce visage-là, de cette femme. Ça s’est vraiment fait par rapport à mes explications et après j’ai laissé libre court à ce qu’il avait envie de faire, une fois que la voie était tracée, on a avancé.

Sur Eclosion, tu avais eu la participation de pas mal de musiciens comme Lilas Dupont de Silhouette et Graf de Psychonaut 4. Avec qui as-tu collaboré cette fois-ci sur ce nouvel opus ?
Il y avait aussi eu Ondine sur le morceau « Eclamé », très belle collaboration. Dans le cas d’Ondine et de Graf, c’était des collaborations artistiques, des featurings. Ce n’était pas amené à être reconduit particulièrement. Sur Tensions, il n’y a qu’une collaboration avec Natalie Koskinen de Shape of Despair. Très belle collaboration pour moi aussi parce qu’inespérée. Shape of Despair, je suis un fan absolu et j’entendais vraiment la voix de Natalie sur ce morceau « Ode à la vie », et elle y a participé : vraiment énorme !

Pourrais-tu nous parler du nouveau line-up de Jours Pâles ? Ce sont des musiciens venus d’Auvergne d’où tu es originaire ?
Tous les gens qui ont participé au premier album sont partis entre temps. Mais pour le dernier album, tu as un line-up qui est vraiment centré géographiquement vers là où j’habite, oui. Je suis en Auvergne, entre la Haute-Loire et le Cantal, et un peu le Puy-de-Dôme. On est éparpillé mais beaucoup moins éparpillé que ce qu’on pouvait l’être avec le line-up d’avant, parce qu’il venait d’Amérique du Sud, de Suède et Géorgie. Donc là on a un line-up centré géographiquement. La base du line-up, c’est Alex le bassiste d’Aorlhac qui a bien voulu participer à l’album à la basse. Alex m’a présenté des gars qui en partie jouent en live, pour les concerts, et qui en partie ont enregistré l’album. A savoir, il m’a présenté un gars qui s’appelle Alexis, que je salue bien bas, qui est prof de guitare et qui m’a enregistré toutes les grattes qui ont été composées, en y ajoutant sa patte aussi. Grâce à Alex, j’ai rencontré tous les gars qui composent le line-up live et le line-up studio. Donc c’est grâce à lui que les choses ont pu bouger, vraiment. Il m’a vraiment aidé. A part le batteur qui est à Lyon, on n’est vraiment pas loin les uns des autres et c’est beaucoup plus facile pour plein d’aspects, tu t’en doutes.

Je voulais parler particulièrement d’un morceau nommé « Saint-Flour Nostalgie ». Est-ce que tu t’es éloigné de cette ville pour la chanter avec nostalgie ?
Eh oui, ce morceau a été motivé à l’écriture du texte et de la musique par le fait que je m’en étais effectivement plus ou moins éloigné. J’ai une histoire complexe avec Saint-Flour, j’y retourne très souvent et la vie m’y ramène très souvent. Mais il y avait eu un éloignement et surtout une période précise avec deux potes, deux amis même, enfin un en tout cas, car l’un d’entre eux n’est plus… On y a vécu de très bons moments aussi. C’était un hommage à ça, à ces soirées vers Saint-Flour, vers Roffiac, tout un tas de choses liées à cette ville que j’ai abordées avec nostalgie d’où le nom de la chanson.

Jours Pâles


Du nouveau sinon du côté d’Aorlhac depuis votre album Pierres Brûlées ?
Depuis Pierres Brûlées, je t’avoue que depuis la sortie de l’album, ça a été un peu plus calme du côté d’Aorlhac qu’à l’époque de L’Esprit des Vents, l’album précédent. Et puis, il y a eu le Covid entre-temps qui n’a pas forcément aidé. Julien NKS (batterie, guitare) est sur des compos pour un futur album. On a d’autres projets dont on ne peut pas parler maintenant car trop confidentiels. Mais on prend toujours toutes les dates qui peuvent arriver, on continue de faire la promotion de l’album, on pense au futur et à la discographie du groupe. Et tu vois il n’y a pas longtemps on était en Belgique, on a fait la tête d’affiche d’un festival. Super expérience, vraiment cool. Donc assez calme du côté d’Aorlhac, c’est pour ça que j’en profite aussi pour que Jours Pâles prenne le relais quand Aorlhac a moins d’actualité. C’est donc une bonne balance.

Tu travailles sur d’autres projets en ce moment ?
Je ne te cache pas qu’entre Aorlhac et Jours Pâles, c’est largement suffisant. C’est plutôt chargé, quand ce n’est pas l’un, c’est l’autre, voire les deux en même temps parfois. Mais les projets futurs, c’est, bien sûr, se concentrer sur la suite de la discographie d’Aorlhac, la promo de Tensions qui n’arrête pas en ce moment, le label faisant un gros boulot pour ça, les concerts à venir pour les deux groupes et une suite dans la discographie de Jours Pâles parce que je compose dès que je peux et j’ai toujours pas mal de matière. Donc le troisième album verra le jour probablement d’ici un an ou deux.

Et vous avez prévu quelques dates live pour Jours Pâles prochainement ?
On en a déjà eu trois depuis que j’ai reformé un line-up live. Sinon, on a une mini-tournée qui risque de se faire en février 2023, avec trois dates en Allemagne et deux en France. Ça reste à confirmer. Dès que ce sera sûr, on annoncera tout, avec les visuels, les dates ! Munich, Ulm, Stuttgart, Colmar et Lyon. Cinq dates en cinq jours !


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