METALLICA : 72 Seasons

72 Seasons - METALLICA
METALLICA
72 Seasons
Heavy/thrash metal
Blackened Recordings/Universal Music

Et si l’heure de la retraite était réellement venue pour nos Four Horsemen, à l’instar de leurs collègues Slayer du Big Four of Thrash qui ont splitté en 2019 au moment où la redite commençait clairement à se ressentir depuis déjà quelques temps, que ce soit sur scène comme sur album ? Visiblement non, loin d’eux l’idée de raccrocher à bientôt 60 ans pour ses deux cofondateurs, Lars Ulrich & James Hetfield. Après tout, vu le contexte actuel, vous en reprendriez bien encore pour deux ans de plus avant la quille, non ? Mais alors que peut-on espérer sincèrement de ce douzième album studio de Metallica aujourd’hui en 2023 (si l’on inclut l’album de reprises Garage Inc.) avec quarante-deux annuités au compteur ?

Certes, le double précédent album Hardwired… to Self-Destruct avait à moitié sauvé les meubles en 2016 (tout n’était pas bon à jeter mais ça sentait quand même déjà le remplissage, seul le second disque était plus intéressant, il valait mieux commencer par la fin en fait pour tenter de l’apprécier). Et il faut bien avouer nos papys du thrash affichent toujours autant une santé de fer sur scène, point fort de Metallica depuis des décennies (leur dernière tournée mondiale ayant rapporté 400 millions de dollars !). Bon, entre-temps, on a eu droit à un S&M 2 qui, malgré la petite forme de James Hetfield ressortant d’une chute, non pas dans l’escalier de leur bunker HQ, mais dans l’alcool, avait offert un superbe show avec une belle mise en scène dans la toute nouvelle salle de spectacle de San Francisco, ville natale du célèbre groupe américain, et rendu pour la première fois un vibrant hommage publiquement au regretté Cliff Burton (R.I.P.) sur une plage instrumentale au violoncelle électrique…

Bon ici, point d’innovation ni de fioritures, pas d’expérimentation hasardeuse non plus comme sur l’échec Lulu en duo avec Lou Reed, non, là on est sur un chemin bien balisé avec des chansons aux riffs resucés jusqu’à la moelle (« 72 Seasons »), proches du heavy/rock (« Inamorata », un clin d’œil caché à notre Mylène Farmer nationale peut-être ? Mais ouf, cette chanson d’amour est placée en fin de disque…), basés sur les habituelles tonalités fréquemment empruntées depuis le Black Album et le diptyque semi-catastrophique Load/Reload, avec des structures de morceaux à tiroirs très souvent vides (« Shadows Follow »), faites de ponts au remplissage redondants, bien moins survoltés que lors du retour thrashy inespéré effectué sur Death Magnetic en 2008, et surtout moins épiques que les classiques de Metallica figurant sur les chefs d’œuvres que resteront à jamais Ride The Lightening, Masters Of Puppets ou …And Justice For All.

Sur ce nouvel opus, le rythme est résolument mid-tempo car c’est ce qui sied à merveille aujourd’hui aux quatre musiciens, mais on revient parfois au speed/thrash d’antan comme sur les singles « 72 Seasons » ou « Lux Æterna », ce dernier étant clairement un hommage à Mötorhead (le groupe de Lemmy Kilmister ayant déjà été repris sur Garage Inc. à travers « Overkill », « Damage Case », etc.).

Côté solo de guitare par Kirk Hammet, le néant, ou alors des gimmicks à l’éternelle pédale wah wah (« You Must Burn ! »). Ok, on est mauvaise langue, il y en un peu plus de solo de gratte que sur St. Anger en 2003 où là c’était le vide absolu, c’est sûr. On est même surpris de temps à autre (comme sur la chanson-titre d’ouverture), et la production sonore signée ici Greg Fidelman (Slayer, Black Sabbath, Slipknot, Rush…) est bien meilleure que sur St. Anger, sans aucune comparaison presque. On y entend une basse bien présente (« Room Of Mirrors ») mais pas non plus folle, et la batterie de Lars Ulrich qui n’est pas un kit de pots de yaourts captée dans un garage (quoique la version vidéo revisitée de St. Anger en présence du nouvel arrivant d’alors, Robert Trujillo, était bien meilleure et appréciable). Le fils de l’ancien champion de tennis danois fait ce qu’il peut derrière ses fûts à 59 ans, même s’il perd moins de litres de sueur qu’en 1991/1992…

Tout n’est donc pas totalement non plus mauvais sur 72 Seasons pour le fan des différentes époques du groupe y compris les années 2000, à commencer par le concept lyrique qui aborde en fait les dix-huit premières années durant lesquelles un individu se constitue avant de passer à l’âge adulte, et finalement revivre et réitérer plus ou moins sa jeunesse sous diverses formes, comme on peut le voir à travers différents symboles et autres objets de souvenirs brûlés sur l’artwork et le nouveau merchandising (bien commercial) du groupe américain. Aussi, on a quelques bons morceaux bien heavy et couillus (« If Darkness Had A Son », « Crown Of Barbed Wire », « Chasing Light » et son faux départ à la « Devil Dance »), et qui groovent encore, avec parfois enfin la basse de Robert Trujillo (l’intro en slap de « Sleepwalk My Life Away »), mais il faut être patient…

Au micro, James Hetfield est frais comme un gardon (« Screaming Suicide ») et franchement, à bientôt la soixantaine, respect pour le charismatique frontman. Le guitariste/chanteur a encore du coffre (« Lux Æterna », « Chasing Light »), même s’il monte moins dans les aigus, ça c’est sûr (forcément en vieillissant la voix change). Les paroles sont intéressantes quoi que l’on en pense, car aborder le suicide sur une chanson n’est jamais chose aisée, même si son grand (ancien) rival Megadeth l’a fait depuis belle lurette sur un texte longtemps sujet à polémique de l’ex-guitariste de Metallica, Dave Mustaine, sur le tube interplanétaire « À tout le monde ». Par contre, pour les slows de rigueur, il y a bien longtemps que nos amis californiens n’en proposent plus, et puis comment égaler un « Nothing Else Matters » ou « The Unforgiven » en 2023 ? De toute façon, les boums, c’est un peu dépassé de mode de nos jours, Tinder et autres Tik Tok rendant les choses virtuelles et tellement plus passionnantes derrière un écran… Ah la nostalgie, quand tu nous tiens !

Maintenant, à vous de voir si vous voulez tenter de revivre avec ce douzième album studio de Metallica les soixante-douze premières saisons de votre vie, époque naïve où vous aviez peut-être (encore) les cheveux longs, portaient un perfecto, et faisaient la queue chez votre disquaire pour acheter …And Justice For All en 1988, ou bien le fameux Black Album (l’album de la discorde) un beau jour de l’été 1991… [Seigneur Fred]

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