Alors que les beaux jours arrivent sérieusement et que l’hiver est derrière nous, les Norvégiens de Nattverd semblent vouloir jouer les prolongations, restant campés dans leur black metal typiquement scandinave inspiré par l’atmosphère des forêts enneigées et des fjords du Grand Nord. Bon, les clichés ont la dent dure, même à travers le temps Question originalité, on repassera, tout cela étant surtout l’apanage des leaders du genre depuis trois décennies que sont Immortal (ou plutôt son co-fondateur et unique survivant du line-up originel Demonaz) dont le nouvel album War Againt All débarque d’ailleurs à cette même période (interview avec Demonaz à retrouver très très bientôt ici-même…). Hasard du calendrier chrétien ou pas, penchons-nous à présent sur le cas Nattverd et le successeur de leur album Vandring paru en 2021 (lire notre précédente chronique ici). Pour rappel, à propos de Vandring, le groupe de Bergen avait déclaré il y a deux ans : « nous avons maintenant terminé cette trilogie, avec notre fin la plus agressive, mélancolique et épique de l’histoire ». Par conséquent, c’est un nouveau chapitre qui s’ouvre dorénavant. Et en ouverture des hostilités, c’est le premier titre « Det stormer i Norge », interprété comme les neuf autres dans leur langue maternelle, qui pose l’ambiance avec quelques cloches qui sonnent le glas en introduction, rapidement suivies par une salve black metal crue au rythme élevé. Son titre signifie en norvégien grosso modo « Il fait rage en Norvège ». Le ton est donc clairement donné ici, et le vidéo clip, rappelant les pures sauvageries de leurs confrères de Gorgoroth, Carpathian Forest, Ragnarok, et autres Tsjuder, ravira les amateurs de true Norwegian black metal, avec la présence d’une meute de loups dans des paysages enneigés… À première vue donc, peu ou prou d’évolution notable, et de toute façon, Nattverd et même nous, on n’est pas là pour enfiler des perles sur un chapelet…
Cependant, on retrouve chez Nattverd cette volonté de bien faire comme tout le monde, de s’appliquer, et outre les gimmicks du genre (corpse paints de rigueur, cartouchières, et autres protections à clous ou armes blanches), on y trouve aussi, comme sur leurs précédents méfaits Vandring ou Styggdom, cette force intacte, cette rage blasphématoire, invoquée notamment par le chant luciférien d’Ormr au micro. La horde norvégienne a aussi et surtout la volonté d’insuffler de la mélodie a minima à travers ses riffs puissants et particulièrement incisifs pour développer un certain côté épique et entraînant, comme sur le méchant premier single « En Poesende Eim I Vinden » (littéralement « Un parfum poignant dans le vent) à la fin particulièrement heavy, rappelant une nouvelle fois leurs pairs Gorgoroth, période Antichrist, voire Under The Sign Of Hell, avec une production sonore plus travaillée et moderne, mais totalement en phase avec ses racines.
Entre deux attaques bien speed, Nattverd sait aussi ralentir la cadence (« Vandring I Elver Av Blod », « Oeyne I Natten »), tout en restant bien evil et cru, avant de repartir cinq minutes après le pied au plancher (« Forbannet Vaere »). Techniquement, le quintet norvégien a progressé et dans son travail de composition, il n’y a pas de moment de remplissage, même quand il calme le jeu à plusieurs reprises, et ce, de fort belle manière, comme sur l’introduction lancinante de « Helvete Kjenner Alt, Selv Naar Taaken Har Lagt Seg ». Plus surprenant, des influences speed/rétro thrash font aussi leur apparition (l’excellent « Gudsforlatt ») avec des riffs bien sentis et rentre-dedans signés de la paire de guitaristes Atyr & Aven, s’offrant même quelques soli assez inattendus, histoire de varier les plaisirs. D’un autre côté, n’oublions pas que le black vient du heavy et du thrash aussi à l’origine de son apparition dans les années 80’s avec Hellhammer, Venom, Bathory, autres Mayhem… Enfin, c’est l’ultime morceau « Moerke Skip Innover » qui conclut les hostilités sur un rythme mid-tempo catchy qui donne envie de headbanguer et assez épique dans son outro. Le ton y est plus posé mais toujours aussi possédé par les vociférations du chanteur Ormr. Alors si vous espérez un éternel nouvel album studio de Gorgoroth (Instinctus Bestialis remontant à 2015 tout de même) sur le même label Soulseller Records, penchez-vous plutôt sur ce solide I Helvetes Forakt qui comblera parfaitement l’appétit des fans de true Norwegian black metal, encore une fois. Pour autant, ce quatrième brûlot ne constitue pas un simple ersatz des maîtres du genre, car Nattverd a mûri ces dernières années, hiver après hiver, confiné à Bergen, et sait très bien diversifier aujourd’hui son propos, ses attaques, et développer les ambiances. Sinon, vous pouvez aussi vous jeter les yeux fermés sur le nouveau Immortal. [Seigneur Fred]
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