Presque quatre années de labeur et de dévotion auront permis à nos suppôts de Satan de peaufiner leur art extrême et d’affûter leurs plus belles lames pour accoucher de ce fabuleux cinquième brûlot, speed et evil à souhait, toujours dans une veine mélodique orientale sombre mais accrocheuse entamée sur The Ones From Hell en 2020. Malheureusement, son prédécesseur ne put être défendu corps et âme autant qu’ils l’espéraient, pandémie oblige. Alors nos quatre Français comptent bien se rattraper avec Swords Of Dajjal où tous les coups sont permis. Via victis ! [Entretien intégral avec Vlad (guitare/chant) par Seigneur Fred – Photos : DR]
Sans vouloir trop remuer le couteau dans la plaie ni refaire le match, tu nous avais annoncé fin 2019, lors de la promotion de The Ones From Hell, que Necrowretch allait se produire au Hellfest en 2020. Malheureusement la pandémie de covid-19 est survenue entre-temps, et mis à part les éditions à huis clos diffusées sur internet (Hellfest From Home), tout fut annulé et reporté. Alors comment se sont passées les années pour vous après la sortie de The Ones From Hell et quel bilan rapide dresses-tu ? As-tu pu le défendre quand même live avec Taake et Kampfar plus tard comme c’était prévu ? Avez-vous pu jouer au Hellfest finalement ?
Salut Fred ! Content de te retrouver toutes ces années après notre dernière entrevue. Personne fin 2019 n’aurait pu prévoir que 2020 allait être une année autant catastrophique à tous les niveaux… Nous avons dû annuler la tournée à six jours du départ alors que tout le merch’ était déjà imprimé et expédié en Pologne, l’album venait de sortir, etc. Au vu de l’ampleur de la crise sanitaire, on a vite compris que l’album était hélas « perdu », pas dans le sens de la musique qui perdurera, mais pour la promo et la durée de vie sur scène de cet album que nous avions mis plusieurs années à réaliser. Mais finalement on a pu se produire au Hellfest 2022 et concrétiser la tournée quelques mois après. Même si beaucoup de temps s’était écoulé, on est fiers d’avoir pu réaliser ces dates et ainsi de mettre un point final à The Ones From Hell.
Fin septembre 2023, a eu lieu le festival Muscadeath (44) avec une affiche énorme : Gorod, Blockheads, God Dethroned, Blood Red Throne, Carcass, Escuela Grind, Aorlhac, Moonreich, et Necrowretch !!! C’était tout bonnement extraordinaire ! Comment ça s’est passé pour vous là-bas ? Y avez-vous conquis de nouveaux adeptes de satanisme et de nécrophilie ! (sourires)
Excellent festival, super affiche, jauge à taille humaine, bon plateau, rien à redire. Je le conseille que ce soit en spectateur ou en artiste, foncez !
J’avais trouvé que le précédent album The Ones From Hell marquait une certaine évolution, voire un signe de maturité musicale dans la discographie de Necrowretch. Attention, vos débuts avec Putrid (…) étaient déjà excellents !! Dans le son de Necro notamment, car ce précédent album sonnait quelque peu différent dans son approche plus mélodique, comprenant des touches orientales parfois grâce à l’apport d’une guitare acoustique à douze cordes. Le son de batterie avait changé également. As-tu abordé l’écriture et la composition de ce nouvel album Swords of Dajjal dans cette optique à l’esprit en développant les innovations orientalisantes déjà présentes en fonction des retours du public et de la presse que tu as pu avoir durant ces trois dernières années ?
Après quelques semaines de torpeur suite à la pandémie, nous avons décidé avec W. Cadaver (guitare lead) d’attaquer la composition d’un autre album. Nous étions remplis de rage de rancœur et cela a servi d’accélérateur au projet. Pour autant, l’aspect le plus important a été de tout revoir à zéro, comme si nous devions commencer un nouveau groupe. Déjà le line-up, ensuite les instruments, l’écriture, la préproduction, les répètes, le choix du studio, la préparation pour ce dernier, la session studio, le mixage/mastering, la planification de la sortie une fois le master en main… Le projet a commencé en mars 2020 pour une sortie en février 2024, c’est donc quatre ans de boulot derrière cet nouvel album. On a volontairement laissé un laps de quinze mois entre le mastering et la sortie pour pouvoir travailler sur d’autres aspects et ne sortir l’album qu’au moment où nous l’aurions décidé. Comme son nom l’indique, tu t’imagines bien que le côté orientalisant est passé au centre de l’œuvre, déjà dans les arrangements et le choix de certains instruments supports mais avant tout dans le thème, les paroles et le mysticisme qui entoure la musique. Il faut bien saisir que même si un accord en Ré reste un accord en Ré, il y aura toujours eu une magie sur les albums de death/black qu’on ne peut pas vraiment décrire avec des mots ou des notes. Cette magie, cet ésotérisme, cet au-delà, c’est ça le leitmotiv de Swords of Dajjal aujourd’hui.
Parle-moi à présent de ce cinquième album studio Swords of Dajjal dont l’artwork m’a interpellé. Quel est son concept (s’il y a concept ici) et quels sont les thèmes lyriques abordés dans tes paroles ? Car on dirait une sorte de rites guerriers orientaux mythologiques ou historiques, des thèmes orientaux, que tu entremêles à la vision putride et satanique plus européenne que nous connaissons bien chez Necrowretch ?
Swords of Dajjal est une prophétie, voir même plusieurs prophéties décrivant des temps anciens, des temps à venir et une distorsion de l’histoire du monde dans un tourbillon de feu. Certains titres comme « Ksar al Kufar », « The Fifth Door » ou « Swords of Dajjal » sont plus marqués dans l’eschatologie islamique tandis que « Numidian Knowledge » ou « Dii Mauri » plongent l’auditeur en Afrique du nord à la recherche de dieux oubliés. Il n’y a aucun élément putride sur cet album, nous avons fait le tour du propos. Swords of Dajjal s’inscrit en fait dans une nouvelle ère pour le groupe.
Question plus sensible : à l’instar de Slayer sur son album Christ Of Illusion en 2006 et sa chanson provocatrice « Jihad » post attentats 11 septembre 2001 qui marquèrent les USA et le monde entier, essaies-tu de passer un message à travers tes paroles sur Swords of Dajjal ou d’aborder le thème de l’islamisme qui touche la France depuis le massacre du Bataclan (R.I.P.) en 2015, comme quand chantait Tom Araya autrefois avec Slayer à travers l’œil d’un terroriste islamiste ? Sachant que le contexte est de nouveau particulièrement tendu en France ces derniers temps.
Nous n’avons aucun message à faire passer. Notre seule intention est de jouer une musique qui nous ressemble dans laquelle nous pouvons nous exprimer librement. La musique de Necrowretch s’inscrit comme une œuvre artistique que chacun peut interpréter comme il lui semble. Entre notre vision des paroles, ce que tu entends et comment tu l’interprètes, il y a déjà tout un monde ! A la manière d’un film d’horreur, si le spectateur n’est pas à l’aise avec ce genre de thématique il aura la nausée, si par contre il est dans son élément il s’en délectera. Je doute que la plupart des fans des films Halloween se baladent à la nuit tombée pour slasher des ados. Pourquoi en serait il le contraire avec Swords of Dajjal ou n’importe quel album du style ?
Au niveau des instruments et effets lors du processus d’enregistrement et éventuelle pré-production, travailles-tu plutôt à l’ancienne encore : sans ordinateur, sans plugin, sans logiciel d’édition musicale (Protools, Guitar pro…), juste ampli + guitare + jack et pédales d’effets (reverb’, disto, overdrive, chorus…) ou tout est numérique et Necrowretch s’est adapté aux temps modernes finalement au fur et à mesure des avancées technologiques depuis votre apparition sur la scène française en 2008 ?
Pour l’écriture des riffs, tout est fait sur guitare douze cordes avec papier et crayon à côté. Par la suite, nous utilisons Guitar pro pour échanger des idées et donner une cohésion à ces premiers jets. Le groupe a toujours été dispersé géographiquement et nous avons dès le début opté pour des solutions à distance qui s’avèrent essentielles. On peaufine ensuite les morceaux en répète et via des démos. En studio, nous utilisons des amplis à lampes et le moins de pédales possible.
Sur le précédent album, vous aviez travaillé avec Alan Douche pour le mastering à New York, et un certain Jérémy Bezier alias « Phorgath » (du groupe Emptiness) pour l’enregistrement et la sonorisation de la batterie si ma mémoire est bonne au Blackout Multimedia Studio à Bruxelles. Sur Swords of Dajjal, vous êtes restés en France et avez enregistré au Studio Sainte Marthe à Paris, alors que je croyais que ce fameux studio français devait fermer, me semble-t’il, quand j’avais interviewé les gars de Seth alors qu’ils y terminaient le mixage là-bas début 2021 ? Comment s’est passé l’enregistrement avec Francis Caste ? C’était la première fois avec lui ?
Les productions de Francis Caste ont retenu notre attention par la puissance et surtout la très bonne sonorisation de la batterie. Étant donné que N. Destroyer est un batteur très expressif qui ajoute de multiples accents sur son jeu, il était crucial de collaborer avec une personne qui pourrait faire ressortir l’ensemble de son jeu. Après un entretien, on lui a exposé le projet ainsi qu’une version démo de Swords of Dajjal, et nous avons convenu d’attaquer la prod’ six mois plus tard. Nous avions déjà réalisé trois démos de l’album mais cela nous a poussé à en refaire une nouvelle, nous permettant ainsi d’améliorer encore les morceaux. Entre-temps, nous avons pu réaliser la tournée européenne pour mettre certains morceaux à l’épreuve et arriver en studio chaud bouillant. La session s’est déroulée sur cinq semaines d’affilées (octobre-novembre 2022). C’était la première fois que nous disposions d’un temps aussi large en studio et cela nous a permis de prendre le temps d’enregistrer chaque piste dans la meilleure configuration (large kit de batterie, plusieurs amplis guitares, instruments additionnels, prises de chant avec un long échauffement préalable, voix et ambiance supplémentaires…). Il faut bien saisir que de travailler avec Francis Caste, ce n’est pas seulement aller enregistrer dans un studio, mais collaborer avec un producteur. C’est à dire une personne qui va t’aiguiller dans le bon sens, te confronter à tes contradictions, te pousser à d’autres configurations, et surtout penser chaque instrument et chaque piste non pas à titre individuel mais dans l’intérêt de l’ensemble de l’œuvre, et cela des fois avec plusieurs semaines d’anticipation.
Qu’en est-il pour les parties de batterie de N. Destroyer arrivé en 2021 dans Necrowretch ? Comment avez-vous procédé pour obtenir ce son organique mais plus moderne qui fait partie à présent de votre évolution sonore, particulièrement au niveau des toms ? Ah oui, dernière chose à propos de la batterie : est-elle triggée ici sur Swords of Dajjal ?
Je ne pense pas qu’il existe une seule réponse pour cette question… C’est une multitude de paramètres qui rentrent en compte, déjà la batterie en elle même, les peaux, la cabine d’enregistrement, le type de micro, le traitement, etc etc. Sans parler de la force de frappe et le style de jeu de chaque batteur. Un élément qui a changé depuis The Ones From Hell est que nous prenons le temps d’accorder la batterie en Ré, et surtout de la réaccorder entre les prises, ce qui prend beaucoup plus de temps à faire qu’accorder une guitare. Il faut s’armer de patience mais comme expliqué plus haut, cela sert beaucoup plus le reste de la musique. Concernant les trigs, bien entendu que certains éléments sont triggés. Comme tous les groupes du genre d’ailleurs de nos jours, à moins d’avoir Dave Lombardo derrière les fûts, il faut un minimum de trig’ si tu ne veux pas que ça sonne moche. Cependant, trigger ne veut pas dire abuser du propos comme certains groupes où la batterie ne sonne plus du tout naturelle. Chacun y va de son avis et il y aura toujours des pro et anti-tout, on s’en branle de toute façon, nous produisons avant tout la musique qui nous plaît et dans laquelle on se retrouve.
Comment cela fonctionne-t’il au sein du groupe pour finaliser les chansons ? Les autres participent-ils au travail de composition et écriture, ou bien, tel un tyran, tu imposes tout ensuite en salle de répétition ou en envoyant les parties à chacun par internet ?
J’ai longtemps tout composé seul, mais depuis quelques années nous sommes passés à un travail en commun. Par la durée du temps dédié à son écriture, Swords of Dajjal est de loin l’album le plus abouti de Necrowretch en termes de collaboration, et le plus abouti sur tout le reste d’ailleurs. Les morceaux ont tellement été travaillés et retravaillés que je serai incapable de te dire à quoi ressemblait la première version des titres et de déterminer qui a proposé tel riff. On a taillé et retaillé jusqu’à obtenir le meilleur de chaque chanson. Beaucoup d’idées ou d’autres riffs/morceaux ont été écartés en cours de route et certains titres ont changés du tout au tout par rapport à mon idée de base.
Maintenant Necrowretch est officiellement un quatuor à la ville comme à la scène. Peux-tu nous présenter votre nouveau bassiste R. Cadaver (ex-Cadaveric Fumes) ? Quel est son pedigree musical, ses influences, même s’il n’a pas participé à l’enregistrement de Swords of Dajjal ?
Tout comme son comparse W. Cadaver (guitare lead), R. Cadaver débarque des cendres fumantes de Cadaveric Fumes mais officie également dans Venefixion. Il n’a pas participé à l’enregistrement de l’album car il était en tournée avec Venefixion à ce moment-là. Nous avons partagé beaucoup de dates communes Necrowretch/Cadaveric Fumes depuis toutes ces années et R. Cadaver à les mêmes influences que nous : Carnage/Dismember/Carcass/Morbid Angel (pour résumer brièvement…). Au moment de remanier le line-up, il était donc évident de proposer à R. Cadaver d’assurer la basse pour Necrowretch.
Question jamais évidente pour un artiste en promotion : quelles sont tes trois chansons préférées de l’album et pourquoi ? Quelle sera votre future setlist dans vos concerts à venir ?
J’apprécie tout l’album et il serait difficile de citer trois morceaux quand l’album en compte huit. Ce qui est sûr, c’est que chaque titre est différent, il n’y a pas un seul tempo qui se répète d’un morceau à l’autre, idem pour les structures et les phrasés. Suivant la durée des concerts, nous allons jouer tous les titres du nouvel album en live, et il y aura aussi des classiques des anciens albums, bien entendu.
Quels sont les disques qui ont attiré ton attention en 2023 et que tu as beaucoup écoutés (metal ou pas) cette année ?
Marduk – Memento Mori.
Ecoutes-tu toujours autant Dissection et Matt Uelmen par exemple et que penses-tu du retour aux affaires de Dismember et Sacramentum qui devraient sortir bientôt chacun un nouvel album studio ?
Bien entendu, ce sont des classiques, je rêve du jour où Matt Uelmen pourra nous composer une intro. Le retour aux affaires de certains groupes est bien résumé dans ton mot « affaires… Je préfère de loin quand les groupes ne se reforment jamais et restent dans la légende avec un parcours honorable (Bolt Thrower pour ne citer qu’eux). La mort étant un élément central de ce style de musique, il serait bien de laisser certains groupes morts et enterrés. Certaines reformations sont crédibles comme Obituary ou Autopsy mais sont le fruit d’intentions différentes comparées à certaines reformations de circonstances.
Pour conclure, quels sont les projets de Necrowretch avant l’Apocalypse sur Terre : de nouveaux vidéos clips extraits de Swords of Dajjal ? Une tournée de concerts en France et en Europe ? En Amérique peut-être ? Et des festivals d’été en 2024 ?
Voilà, un peu tout ce que tu viens de décrire, on bosse actuellement sur le calendrier 2024-2025 et les dates seront dévoilées petit à petit. Pour les USA, oui, si il y a une offre crédible, mais non pour un tour do it yourself. On espère surtout pouvoir retourner jouer en Asie et dans d’autres pays obscurs hors des sentiers battus. D’ici là, n’hésitez pas à précommander l’album sur le site de Season of Mist ou directement au groupe sur www.necrowretch.net/shop. Vae Victis !
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