RAGE : Quarante ans de rage !

Fidèle défenseur du heavy metal, Rage célèbre cette année ses quarante ans d’existence ! De quoi donner le tournis au sympathique Peter « Peavy » Wagner qui a su, au fil des décennies et malgré les modes, naviguer à travers les multiples péripéties qui ont ponctué la carrière de la célèbre formation teutonne. Avec son premier double album Afterlifelines, le trio nous offre un parfait résumé de son talent en matière de heavy, speed et metal symphonique. De quoi là encore ravir tous les fidèles qui les suivent depuis tant d’années ! [Entretien avec Peter « Peavy » Wagner (chant/basse) par Pascal Beaumont – Photos : DR]


Vous célébrer cette année vos quarante ans d’existence. Quel est ton sentiment sur ce parcours incroyable de Rage ?
Je suis très reconnaissant pour toutes ces opportunités qui m’ont permis de vivre cette vie de musicien. Cela a été un long parcours. Tu débutes un peu comme ça par passion, puis tu arrives à vivre de ta musique et à faire évoluer ton groupe.

Tu as débuté en 1984 (Ndlr : avec alors Avenger), c’était en quelque sorte l’âge d’or du metal, non ?
C’était une époque complètement différente, le monde musical n’avait rien à voir avec celui d’aujourd’hui où le streaming est roi, on ne vend plus de cd’s ou très peu. C’était vraiment un autre univers mais la compétition existait déjà, elle était moins importante que celle qui existe de nos jours. Il y avait moins de festivals aussi. Aujourd’hui c’est une bonne chose qu’il y en ait beaucoup à travers le monde. On peut tourner bien plus. Dans les années 80, il n’y avait que quelques festivals en Europe et c’était très difficile de figurer à l’affiche. Par exemple, je me souviens des Monsters of Rock. Le défi était important, maintenant c’est plus facile on va dire… Le metal a pas mal évolué en quarante ans, et est devenu une véritable communauté ,mais il y a toujours de bons et mauvais côtés.

Selon toi, quels ont été les albums déterminants dans la carrière de Rage et qui vous ont permis de passer un cap ?
Perfect Man en 1988 a été fondamental car il nous a permis de sortir de nos frontières allemandes, de partir jouer en Angleterre, aux USA. Trapped! et The Missing Link nous ont permis de nous exporter au Japon et depuis nous y avons de nombreux fans. Ensuite il y a eu Lingua Mortis où l’on a commencé à inclure des orchestrations dans nos morceaux. Tous ces disques ont été définitivement très importants pour nous. Mais durant ces vingt dernières années, je dirais que tous nos opus ont été majeurs et bien acceptés par notre public dans l’ensemble. Pour finir, je préfère laisser aux journalistes comme toi le soin d’en décider ! (rires)

Le 29 mars 2024 sort donc le premier double album studio de votre carrière. Je suppose que cela a été un énorme challenge pour toi et les autres membres de Rage en termes de composition ?
Oui, mais on avait beaucoup de temps pour composer ces vingt-et-un morceaux. On a débuté en 2021, il y avait encore la pandémie qui sévissait, on avait prévu de faire une tournée en septembre 2021 pour Resurrection Day mais c’était impossible en raison du confinement dans de nombreux pays. On a repoussé ces dates deux ou trois fois. On s’est alors retrouvé à ne rien faire, on a donc continué à écrire. C’était la seule chose que nous pouvions faire. Comme on a eu de nombreuses idées, on s’est alors dit que ce serait une bonne opportunité pour sortir un double album et célébrer les quarante ans de Rage. C’est un peu spécial comment tout ça s’est mis en place finalement. (sourires)

Vous aviez aussi envie de proposer cette partie orchestrale qui fait partie intégrante de votre univers musical !
Pour nous, c’était une évidence, cela fait partie de Rage depuis près de trente ans lorsque nous avons sorti notre premier opus orchestral (Lingua Mortis) en 1996. Pour ce nouveau double album, l’idée était de proposer une première partie très heavy, du Rage typique en somme, et l’autre se devait d’être orchestrale. Au début, nous voulions travailler en Espagne avec Pepe Herrero qui avait fait les orchestrations du précédent opus, mais il n’était pas disponible et on a donc dû faire appel à Marco Grasshoff qui a effectué un travail fantastique. Il nous a accompagnés dès le départ et a pu nous apporter beaucoup d’idées.

Avez-vous rencontré des obstacles à surmonter durant cette période ?
Il n’y n’en a pas eu vraiment. On avait tellement de matériel différent depuis le début, c’était assez facile de travailler sur des aspects différents que ce soit le heavy metal, l’épique ou le symphonique avec Marco. Il y a deux ambiances différentes sur chaque partie de l’album. Le défi, c’était de tous pouvoir se retrouver ensemble, c’était un peu différent mais le tout s’enchaine bien et les titres vont très bien ensemble. Pour nous, c’est un tout, un seul disque de vingt-et-une chansons.

Vous aviez deux guitaristes au sein du groupe pour Ressurection Day : Jean Bormann et Stefan Weber, et étiez redevenus un quatuor ce qui n’est plus le cas aujourd’hui ?
Oui, on a encore changé ! (rires) Stefan Weber a décidé de faire un break depuis l’été dernier pour des raisons personnelles. Il n’a pas quitté la formation. Donc on a travaillé en trio pour cet opus avec Jean Bormann. Il a un prénom français. (sourires). Et on tourne aussi sous cette forme. On joue d’ailleurs depuis un moment en live comme ça mais on attend le retour de Stefan. C’est lui qui décidera quand il sera prêt. Il est le bienvenu. Mais pour l’instant on continue à trois.

Après le premier single « Under A Black Crown », sont parus successivement « Cold Desire » et « Dying To Live » ! Qu’est-ce qui a motivé ces choix de singles précisément ?
Ça a été compliqué. Il y a tellement de bons morceaux que nous aurions pu proposer. A la fin, on a pris une décision démocratique ! (rires) C’est une bonne façon de montrer les différentes facettes de ce disque et d’intéresser les fans.

Afterlifelines est une sorte d’album concept sans en être vraiment un en fin de compte, j’ai l’impression ?
Oui, ça n’a pas été écrit dans l’esprit de devenir un concept mais effectivement il y a une ligne directrice. Sur le précédent album, j’ai développé une théorie ou l’âge de pierre était maintenant terminé. Jusqu’à aujourd’hui, nous avons détruit beaucoup de choses et notamment notre environnement. Cet opus présente un peu une vue utopique du futur que l’on pourrait avoir. Si on ne change pas et si on continue dans cette voie, on va tout droit dans le mur et on se dirige vers un avenir très sombre. C’est un peu le prolongement de la thématique de l’opus précédent. Bien sur je n’espère pas et je n’arrive pas à croire que l’on va détruire notre planète. Je crois toujours au fait que l’humanité va trouver une solution. Mais j’écris toujours des textes qui sont une forme de thérapie à mes propres peurs et angoisses face à ce que je vis, sur tout ce coté négatif qui émane de mes pensées, de mes inquiétudes. C’est mon être profond qui s’exprime à travers mes textes et Rage, c’est ainsi que je le vis. Mais je suis aussi rempli d’espoir.

Vous avez enregistré au Lucky Bob Studio à Leverkusen votre fief ?!
Exactement, on a la chance d’avoir notre propre studio et c’est très confortable car on peut travailler autant que l’on veut et quand on le désire, on n’a pas de mauvaise pression. On enregistre quand l’inspiration est au rendez-vous, c’est un vrai luxe. On a travaillé en studio de 2021 à novembre 2023 lorsqu’on a fait les derniers mixages. On a pris beaucoup de temps…

Cette année, vous allez beaucoup tourner avec Rage mais aussi avec Lingua Mortis Orchestra, ça va être intense ?
Tout à fait mais c’est une très belle expérience musicale d’avoir cette opportunité de travailler avec des musiciens différents et c’est aussi un vrai défi pour nous. On va jouer avec Ligua Mortis Orchestra cet été 2024 dans de nombreux festivals, on continue à développer ce projet. C’est différent mais la formation reste la même, on va jouer avec des programmations et il faut une énorme logistique derrière.

Sur ces vingt-et-un titres, est-ce que certains vous ont tout de même demandé beaucoup plus de travail ?
Tu sais, en tant que musicien et au niveau des orchestrations, nous sommes rodés. Mais écrire les arrangements a été un vrai challenge, le grand final de Lifelines de vingt minutes a été compliqué car différent d’un morceau de trois ou quatre minutes. Il faut trouver les bons arrangements, le bon feeling du titre pour qu’il soit accessible et proposer une belle fin. Mais heureusement on a une grande expérience derrière nous, on a déjà composé ce type de chanson très longue, épique. On sait le faire mais évidemment cela prend beaucoup de temps à développer.

À présent, quels sont tes projets pour les vingt futures prochaines années ? (rires)
(rires) Je n’ai pas de boule de cristal. Ça serait fabuleux de pouvoir célébrer nos soixante ans d’existence mais j’aurai quatre-vingt ans et je serai toujours en vie, enfin je l’espère ! C’est la moyenne d’âge dans le metal en Allemagne, c’est un challenge, je ne sais pas quel état je serai et si je serai vivant ou mort. Statistiquement je devrais être mort. Je ne sais vraiment pas pendant combien de temps je pourrais continuer, est ce que c’est possible d’aller aussi loin je n’en sais rien. Vingt ans c’est très long et surtout aujourd’hui où les choses changent très vite. Je ne sais pas comment sera le monde dans vingt ans. Est-ce qu’il y aura toujours une scène metal, est ce que ce sera possible encore de vivre de la musique ? Je ne sais pas si physiquement je pourrais assumer ce rythme et de jouer en permanence. On verra si je suis toujours en vie, je me souhaite le meilleur bien sûr, ce dont je suis certain c’est que je continuerai tant que je le pourrais ! (rires)

Le 25 mai 2023, vous vous êtes produits au Gargarian Club à Tel-Aviv (Israël), peu de temps avant que la guerre éclate au Proche-Orient… Comment as-tu vécu ce périple ?
C’était la première fois que nous nous rendions en Israël et on était dans un état d’esprit très positif par rapport à la vie dans ce pays. Tel-Aviv est une très belle ville, les gens sont accueillants, il y a bien sûr une base militaire mais il y a une ambiance festive. La religion est présente surtout à Jérusalem mais on ne la ressent pas. Les gens sont heureux de vivre, on n’a pas tout vu mais tous là-bas vivent dans une profonde harmonie. Il n’y avait aucun problème, je pensais qu’il y aurait plus de police ou de militaires mais non, ils étaient absents. Ils sont très pacifiques, c’est mon impression. J’ai été choqué quand la guerre a éclaté. Mais nous, on était là en tant que touriste et musicien et on a peut-être vu qu’une partie des choses, d’autant plus que nous étions tous ensemble dans un petit espace. Bien sûr, je suis conscient qu’il y a de gros problèmes que l’on n’a pas pu voir et ressentir et qui sont sous-jacents et qui sont ressortis lors du conflit actuel. J’espère pour tous les gens et nos amis là-bas qu’ils trouveront la paix tous ensemble.

Quels souvenirs gardes-tu de tes débuts il y a quarante ans ?
(rires) J’ai énormément de souvenirs. Je suis en train de terminer un livre qui devrait sortir en octobre 2024 sur ma vie et celle de Rage, mon histoire. Il y a trop de choses à dire pour répondre à une telle question. Je peux simplement te répondre que tous les détails de mes débuts et de mon parcours seront relatés dans mon autobiographie qui sera publiée en octobre prochain.

Je suppose que tu te souviens de tes premiers héros ?
Lorsque j’étais enfant, mes premiers émois musicaux ont été The Beatles, je devais avoir dans les six ans… C’était très romantique. C’est ma première rencontre avec le rock, j’étais très impressionné par John Lennon, je voulais être comme lui et jouer de la guitare avant de créer un groupe. Mais mon souhait était de devenir musicien, j’étais très jeune. Lorsque j’ai commencé à jouer avec des groupes, mes influences sont devenues hard rock et heavy metal : Deep Purple. Lemmy Kilmister de Motörhead a eu aussi une grande influence sur moi, il m’a donné envie de devenir bassiste, il était si cool avec sa basse. J’ai acheté une Rickenbacker. Je suis passé de la guitare à la basse. J’ai adoré cet instrument, j’ai encore cette Rickenbacker de 1969. Mais j’ai toujours adoré la façon dont Lemmy l’utilisait et en jouait d’une façon très heavy.

Pour conclure, souhaites-tu rajouter quelque chose ?
Il faut imaginer que cet opus Afterlifelines contient tout ce que Rage peut donner, c’est l’essence même de la formation. Tout ce que nous sommes capable d’offrir et notre spécificité y est très détaillé. J’aime ce disque et j’espère que les fans l’apprécieront.

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