RÜYYN : Chapter II : The Flames, the Fallen, the Fury

Chapter II : The Flames, the Fallen, the Fury - RÜYYN
RÜYYN
Chapter II : The Flames, the Fallen, the Fury
Black metal
Les Acteurs de L’Ombre Productions

Si RxN, l’homme à tout faire de Rüyyn (multi-instrumentiste, chanteur, auteur/compositeur, producteur), n’a point l’intention de réinventer ici la roue du black metal, il propose néanmoins un premier long effort studio de grande qualité, à la fois avec classe et humilité, mais surtout avec passion, rendant hommage (sciemment ou non) à ses pairs scandinaves dont certains sont encore en activité (Dakrthrone, Immortal, Satyricon) ou en hibernation (Gorgoroth). Du côté des textes et du concept, ce Chapter II s’inscrit en tant que préquel du EP éponyme paru en 2021 en pleine pandémie. D’ailleurs, le superbe nouvel artwork en dit long ainsi que son titre d’album : Chapter II: The Flames, the Fallen, the Fury. Celaa probablement été inspiré par cette crise sanitaire qui fut toutefois moins catastrophique que la grippe espagnole au sortir de la première guerre mondiale ou la Peste Noire en 1347-49 en Europe. La pochette évoque ainsi une sorte d’apocalypse qui n’est pas sans rappeler étrangement celle d’Into The Pandemonium du Frost un beau jour de 1987. Les thèmes ici sont justement la fin d’un monde, la chute de l’Homme, sa furie destructrice, les flammes du chaos qu’inévitablement l’être humain provoque dans son anthropisation toujours plus folle. Tout ceci fait bien sûr écho à notre époque et à tout ce que l’on peut constater de près ou de loin quand on observe notre planète de l’espace, comme Thomas Pasquet entre un air de saxo et un match de rugby, ou bien tout près de chez nous au quotidien avec nos décharges à ciel ouvert, la pollution de nos eaux, la déforestation, les intempéries répétées, la misère dans les rues avec toujours plus de pauvres inscrits aux Restaus du Cœur ou chez Emmaüs, ou bien la guerre aux portes de l‘Europe ou au Proche-Orient… L’inspiration est tristement fertile pour ça.

Mais revenons à la musique. Comme annoncé, Rüyyn donne donc dans un black metal solide hyper classique et conservateur, et ne réinvente rien ici, mais c’est tellement bien fait par le labeur d’un seul homme, qu’il convient déjà de saluer la démarche artistique et la performance. Et dans cette décadence lyrique précédemment évoquée, on suit alors un chemin balisé de riffs de guitares plus froids les uns que les autres et très accrocheurs, presque hypnotiques (« Part I », « Part IV »), de screams déchirants tout à fait convaincants (le menaçant « Part III »), et des blast beats de batterie (synthétique) à travers les six morceaux, mais pas que… En effet, son géni(teur) a su injecter ce qu’il faut comme nouveautés par rapport à son premier EP, afin d’interpeller l’auditeur en 2023 mais surtout se faire plaisir, à commencer par une bonne production sonore maison (do it yourself) grâce à de bons moyens techniques et une plus grande expérience en matière d’enregistrement. On peut également déceler à travers les six plages proposées ici de nouvelles influences musicales chez son maestro, comme une approche plus posée et mélodique notamment lors des passages plus lents ou mid-tempo (l’excellent « « Part II », le début de « Part III », ou « Part IV »), et aussi de jolis leads de guitare (« Part II » encore une fois avec un solo a priori joué tout en finesse en tapping). Certains passages plus mélancoliques aux légères influences seventies apportent un peu de fraîcheur aussi (« Part VI » et ses discrets claviers à la Thorns). La basse se fait alors plus présente également, et vient nous cajoler parfois avec un certain groove hypnotique, bien plus chaleureux que le dernier album des Norvégiens de Khold ou même les derniers et superbes ouvrages d’Enslaved où Grutle Kjlesson privilégie toujours son instrument fétiche dans le mixage sonore. Attention, tel Immortal, le blizzard revient ensuite. Un air froid souffle alors, comme sur « Part V » qui nous fait dresser les poils, ou plutôt les pics, tels Infernus et son Gorgoroth à ses riches heures dans les années 90, voire même à l’époque dominée par le bassiste King dans les années 2000 durant l’emprisonnement de son leader. Les chœurs ne sont pas en reste, même en chant clair, très réussis, qui apportent réellement une certaine aura ou ambiance aux chansons devenant épiques (« Part II », l’outro de « Part VI » et toute la chanson même, rappelant ici le répertoire plus mélancolique de Satyr & Frost sur leur album éponyme).

Tout cela est donc très bien agencé, pensé, poli comme une pierre qui était brute au départ. Les codes du true black metal scandinave sont respectés à la lettre mais avec un côté direct et presque trop propret, et finalement très contemporain, mais ne boudons pas notre plaisir en faisant la fine bouche à l’écoute de premier album globalement réussi et superbe. Si les influences à la Darkthrone, Satyricon ou Gorgoroth, MGLA ou Deathspell Omega (en plus direct cependant) ressortent ici ou là, la production sonore est ici soignée contrairement aux premiers Gorgoroth ou la majorité des disques de Darkthrone souvent enregistrés en 24h dans leur local de répétition. Si la batterie est programmée cette fois encore sur ce second chapitre (mais ce serait la dernière fois ainsi, selon les dires de l’artiste), on y voit honnêtement que du feu, tant les sonorités sont bluffantes de nos jours, et finalement on apprécie les nombreux breaks sans rechigner (« Part I » par exemple). De plus, maintenant que Rüyyn a goûté dernièrement à la scène depuis la fin de la crise sanitaire lorsqu’il a défendu sur scène avec courage son premier EP, nous avons hâte d’apprécier ce préquel en live, et quelque chose nous dit que l’on risque fort de recroiser ce one man band désormais en tant que groupe sur les scènes de France et de Navarre, au côté de ses fidèles petits camarades du label Les Acteurs de l’Ombre, comme dernièrement Jours Pâles/Aorlhac, Lunar Tombfields, ou Pénitence Onirique, car il y a matière à offrir un beau plateau, non pas de fromage, mais de black metal français pour 2024. [Seigneur Fred]

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