Pour ceux et celles qui ne connaîtraient pas encore cette obscure formation de sludge/doom metal à tendance stoner crasseux (ceci est un pléonasme) en provenance de Stockholm dont on vous bassine déjà depuis plusieurs années à Metal Obs, alors voici une belle occasion de découvrir Saturnalia Temple. Fermez les yeux un instant, et imaginez un peu la rencontre artistique d’un vieux Black Sabbath, d’un Cathedral vintage, et de Darkthrone période Total Death ou plutôt Goatlord, avec ce son crasseux tout droit sorti d’une caverne. Eh bien voilà ! Le tableau est dressé pour les préliminaires à Paradigm Call, quatrième et très bonne galette fumante des Suédois, quatre ans après l’abyssal Gravity. Si son leader Tommie Eriksson (ex-Therion, ex-Nocturnal Rites) est toujours aussi peu bavard quand il s’agit de pénétrer son univers, il devient vite sympathique et passe à table dès qu’il y a à boire et à fumer… [Entretien avec Tommie Eriksson (guitare/chant) par Seigneur Fred – Photos : DR]
D’abord une question à propos de l’origine du nom du groupe. Etant donné que nous sommes seulement quelques mois après Noël, je présume que tu connais bien sûr les célébrations des Saturnales dans l’Antiquité romaine lorsque, à la fin de l’année (dans le calendrier romain), les gens fêtaient la fin du calendrier un peu avant la fin de notre calendrier actuel, à l’époque entre le 17-24 décembre. Alors, votre nom « Saturnalia Temple » provient-il de cette référence cultuelle au dieu Saturne dans la mythologie gréco-romaine ? Et pourquoi avoir choisi ce nom précisément ?
C’est un nom qui, comme tu le mentionnes, correspond à la période du solstice d’hiver. Ces célébrations magiques sont vieilles de plusieurs milliers d’années, en effet, et se retrouvent partout dans le monde. C’était lorsque le soleil traversait les enfers, ce qui signifie la mort et aussi la renaissance. C’est une période de l’année où l’autre côté est plus proche qu’autrement et une période pour se replier sur soi et grandir spirituellement. Dans la Rome antique, cette fête était une époque où la société était bouleversée, et où les maîtres devenaient les serviteurs, etc. J’ai choisi ce nom pour refléter la nature magique de notre groupe, comme un temple où l’on bouleverse le monde établi pour permettre l’initiation magique.
Comment vas-tu sinon personnellement depuis 2020 et votre précédent album très noir (rien qu’à la vue de l’artwork) Gravity qui était un grand pas en avant dans les abysses du sludge/doom metal en général ? (sourires)
Gravity était un album plus expérimental, avec le riff d’octave majeur/mineur dans la chanson-titre et l’utilisation du chant choral sombre sur certains autres morceaux. L’album a été plutôt bien accueilli et nous avons eu la chance de pouvoir terminer tout juste la tournée en février/mars 2020. Nous n’avons pas joué en live depuis… On est donc très inspirés de revenir sur scène à présent en 2024 avec notre nouveau disque.
Gravity était donc un disque très heavy et sale (dans le bon sens du terme), tu ne trouves pas ? (sourires) On a aimé (et on aime toujours) chez Metal Obs ! Selon vous, cet avant-dernier album Gravity vous a-t-il ouvert plus de visibilité, de reconnaissance peut-être sur la scène metal mondiale et a-t-il permis à Saturnalia Temple de se produire devant plus de public et de grands festivals, et pas seulement dans de petits clubs comme d’habitude ?
Merci, oui ! Je suis heureux que tu l’apprécies encore… (rires) Je pense que chaque album a établi notre propre domaine de musique heavy et de culture magique dans le monde. Le but est de diffuser une vibration spirituelle et de jouer une musique hypnotique et adaptée au but recherché. Tu sais, je joue du metal depuis plus de trente ans sur de grandes et petites scènes et je pense que Saturnalia Temple est exactement ce que je veux que nous soyons. Lors de la dernière tournée, nous avons joué sur de grandes scènes comme l’Ancienne Belgique à Bruxelles, mais aussi sur des petites scènes. Nous avons fait le Maryland Death Fest en 2016, ce qui, je suppose, est un grand festival aux Etats-Unis. Si d’autres grands festivals souhaitent que nous jouions, ça peut être intéressant aussi. Mais peut-être que ce genre de musique convient mieux à un club ou à une salle de taille moyenne, je pense…
Par rapport à l’artwork et le titre de votre nouvel et quatrième album donc, Paradigm Call, pourquoi avoir choisi ce titre ? Le confinement et la pandémie de covid t’ont-ils fait penser à toutes ces événements sombres et angoissants, avec une réflexion sur le comportement de l’être humain sur Terre aujourd’hui avec ses conséquences… ?
Paradigm Call fait référence à l’Aion de Drakon. Il s’agit une époque magique et spirituelle dans laquelle le monde est entré lors du dernier changement millénaire. L’album de ce nom, Aion of Drakon, est sorti à nous débuts il y a onze ans après notre entrée dans Aion justement, et il a été canalisé comme par magie. Ce nouvel album attire donc à nouveau l’attention sur ce paradigme spirituel par son titre… (sourires)
Musicalement, quels étaient vos principaux objectifs lorsque tu as écrit et composé les nouveaux morceaux par rapport aux précédents albums ? Voulais-tu sonner encore plus lourd, plus sombre, plus hypnotique, et finalement plus sludge/doom que jamais ?
Je ne cherchais pas consciemment quelque chose de spécifique, mais je laissais l’inspiration m’emmener partout où elle allait. Quand j’ai trouvé certains riffs et que le son m’a donné une ambiance du début des années 90, j’ai laissé cela flotter à travers l’album… Ce nouveau au disque capture en fait tous les aspects du groupe, le doom chaleureux des deux premiers albums, le doom noir et plus dur des deux autres, et quelques nouvelles vibrations aussi en fin d’album…
Peux-tu nous dire quelques mots sur la dernière chanson de l’album qui est instrumentale : « Kaivalya ». De quoi parle-t’elle ? Le solo de guitare est épique et nous met en transe…
Elle traite du concept tantrique indien de Kaivalya, qui est une forme d’illumination spirituelle et de divinité. Le morceau met en vedette le batteur américain Tim Call à la batterie, qui avait d’ailleurs joué sur notre album To The Other (2015).
Ta voix, Tommie, est toujours aussi impressionnante et affreuse (dans le bon sens du terme, encore une fois (sourires)) sur Paradigm Call. Comment prépares-tu ta voix avant d’enregistrer en studio ou avant un concert pour le live ? Comme Peter Steele (R.I.P.) (Type O Negative) : avec une bouteille de vin rouge et du Prozac pour réchauffer sa voix ? (sourires)
Merci ! Non. Enfin, je dirais juste de la méditation et des exercices de respiration généralement !
Sur chaque morceau, et notamment sur « Empty Chalice », il semble que tu souhaites mettre les auditeurs dans un état de transe encore une fois, comme une danse chamanique aux rituels sombres, car tes riffs de guitare et le rythme sont tous deux très hypnotiques dans votre musique. Est-ce là ta vision et l’objectif principal lorsque tu joues ta musique en studio et la partages sur scène ensuite ?
Oui, il y a de ça. L’idée principalement est de permettre à la musique de devenir hypnotique afin d’établir une vibration spirituelle et magique tant chez l’auditeur que dans le groupe. La musique est un outil chamanique puissant et ne devrait pas être un divertissement superficiel, du moins pas pour moi.
A propos du matériel que tu utilises à la guitare: quel est ton accordage en général sur vos morceaux, et quel type de pédales d’effets, d’amplificateurs, de modèles de guitares et de micros utilises-tu en général ppour obtenir ce son si heavy et dark ? Peut-être une pédale Electro-Harmonix comme la Big Muff (modèle soviétique) ? Et y a-t-il aussi des effets spéciaux dans la basse de ton collègue Gottfrid Åhman avec du fuzz par exemple ?
Le son et surtout le timbre de la guitare sont avant tout dans les doigts et dans l’âme… J’ai joué en live avec toutes sortes d’équipements et j’ai obtenu un son très similaire. Mais bien sûr, j’ai une préférence. Alors j’utilise des amplis Laney Klipp du début des années 70, des guitares japonaises des années 70 avec des micros Super Distorsion/Dual Sound. J’ai comme effet un Keio Synthesizer Traveler Fuzz/Wah Wah qui est utilisé parfois aussi. Et pour les effets en général, j’utilise des pédales d’effets Boss.
Si on revient à vos racines, quelles sont les tiennes ? Quelles sont tes principales influences musicales ? Black Sabbath, Sleep, Om, Yob, Electric Wizard, ou Acid Witch peut-être… ?
J’ai été influencé il y a longtemps, dans les années 80 et au début des années 90 par tout un tas de formations. Les principales inspirations, musicalement, sont probablement ces cinq albums :
– Black Sabbath – Master of Reality
– Hawkwind – Doremifasolatido
– Autopsie – Mental Funeral
– Bathory – Under The Sign Of The Black Mark
– Monster Magnet – Spine of God
Souvent, quand j’écoute la musique de Saturnalia Temple, je pense à Darkthrone… C’est peut-être comme cela que pourrait sonner Darkthrone s’ils décidaient de jouer du sludge/doom metal en revenant à leurs premières racines (death metal) avant de jouer du black metal et avec leur son brut du milieu des années 90. Qu’en penses-tu ?
Un magazine a dit une fois que nous ressemblions à un mélange entre Black Sabbath et Darkthrone, chose avec laquelle je peux vivre sans problème. Ça me va… (sourires) Les comparaisons sont difficiles à faire, mais les gens le font tout le temps.
Pour conclure : quels sont les projets de Saturnalia Temple pour 2024 ? Allez-vous faire une tournée à travers le monde (Amérique, Asie…) ? Pouvons-nous espérer vous voir live en Europe et notamment en France ? Des festivals d’été de programmés peut-être ? On a hâte de vous voir… Vous êtes les bienvenus ici ! (sourires)
Bravo, merci ! Nous allons faire quelques concerts et festivals choisis maintenant. À commencer par une soirée de sortie à Bruxelles au Lac le 21/02/24 avec le groupe Dread Sovereign. Ensuite, nous jouerons à Celestial Darkness à Londres le 22/02, et le lendemain à Paris. (Ndlr : entretien réalisé début février 2024). Puis on se produire au festival Teiflejågd Open Air en Autriche en juin 2024. D’autres dates peuvent apparaître, alors consultez Facebook et Instagram ! Merci à toi pour cette super interview !
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