Pour souffler ses trente bougies, quoi de mieux qu’un vent glacé teinté d’onirisme ? Avec la sortie de leur neuvième effort studio Heavenly Down, Sear Bliss célèbre avec grandeur et noirceur son trentième anniversaire. Si la critique n’a parfois pas été très tendre envers leur dernière performance (Letters From The Edge sorti en 2018), les Hongrois semblent désormais définitivement de retour pour une nouvelle épopée. Après quelques tempêtes de sable (instabilités de line-up), Sear Bliss nous offre une nouvelle oasis. Album ressource, Heanvenly Down est une longue descente progressive vers les abysses du groupe, du moins artistiquement parlant, en termes de créativité et de performance musicales, pour ces cinq membres totalement réinspirés ici. Sur « Infinite Grey » en ouverture avec ses renforts de trombone (spécialité de Sear Bliss depuis ses débuts sur la scène black européenne dans les années 90), puis sur « Watershed » et ses percussions sur handpan (instrument en acier en forme de soucoupe volante très à la mode ces temps-ci) presque aquatiques, nous sommes plongés au plus profond de leur univers dans lequel les musiciens exploitent à merveille certaines sonorités (« Watershed » encore une fois alors qu’il est construit sur une base heavy/black metal). L’atmosphère onirique qui se dégage des cinq premiers titres repose sur le trombone si caractéristique, cette basse ronde, et les parties au synthé délicates portant discrètement le lyrisme de l’album. Le handpan sur les premières notes de « Watershed » nous transporte vraiment dans une autre dimension tout à fait indéfinissable. Tout au long de l’album, au grès des titres (« The Winding Path » ou notamment le single « The Upper World »), les choses s’entremêlent, combinant violence et atmosphère.
Passé le « Rio Grande »… enfin plutôt « Forgotten Deities » (un titre instrumental magique), les compositions se veulent plus sombres et mortifères, baignant ainsi davantage dans une veine au sang noir du black metal. Si « Forgotten Deities » se repaît de nombreuses sonorités enchanteresses au synthé, la suite nous ensorcèle de manière plus brutale. Sans pour autant troquer les claviers pour une guitare et une batterie agressives, Sear Bliss joue la carte du mélange, tournée vers un registre plus proche de la mère patrie du black metal cependant. Les chorus, les riffs et la double pédale davantage présents ouvrent alors des horizons musicaux plus magistraux à l’image de la dark fantasy (« Chasm » et « Feathers In Ashes »). Quant aux screams relativement graves du chanteur et multi-instrumentiste András Nagy (rien à voir avec notre présentateur TV national), ils accentuent cette noirceur, même si certains breaks atmosphériques emplis de quiétude nous surprennent par moment après de furieux passages colériques de sa part (« The Winding Path ») ou quelques chœurs en voix claire (« Chasm »).
Sur Heavenly Down, la première partie nous enveloppe tendrement tandis que la seconde nous engloutit pieusement. La musique de Sear Bliss fait une fois de plus naître en nous une foi proche de la dévotion. Tout le monde n’y trouvera pas son compte, surtout si vous n’aimez pas les instruments précités utilités pourtant avec intelligence et finesse ici (trombones, claviers, handpan…). Enfin, comment ne pas mentionner le travail prodigieux de Kris Werwimp, célèbre illustrateur dans le monde du metal (Enthroned, etc.) qui a réalisé la majorité des artworks du groupe dont l’illustration de ce dernier opus. À la vue de ce lac « enchanté », s’offre à nous un miroir dangereux, mystérieux et désiré, que nous mourrons d’envie de traverser pour rejoindre cette dame du lac… Si vous ne connaissez pas ce fantastique et unique combo hongrois, tentez l’expérience Sear Bliss ! [Louise Guillon]
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