STORACE : A la croisée des chemins

Affichant soixante-treize printemps au compteur Marc Storace, le chanteur de Krokus est dans une forme éblouissante et s’est lancé depuis 2021 dans une carrière solo. Après un premier opus Live and Let Live paru fin 2021 il y a presque trois ans jour pour jour, l’artiste d’origine maltaise a choisi de nous offrir un deuxième effort en studio nommé Crossfire, concocté de main de maitre avec Tommy Henriksen (Alice Cooper, Hollywood Vampires). [Entretien avec Marc Storace (guitare) par Pascal Beaumont – Photos : DR]

En avril 1988, Krokus jouait pour la première fois au Zénith de Paris en première partie de Ted Nugent. Quels sont les souvenirs que t’évoquent notre capitale française ?
Je me souviens d’avoir passé un très bon moment sur scène au Zénith. C’était une très belle façon de débuter à Paris et de présenter Krokus car on n’avait jamais joué dans la capitale auparavant. J’étais déjà venu à Paris, plusieurs fois, mais en tant que simple touriste pour visiter les monuments comme Notre-Dame de Paris, me promener le long de la Seine, faire du bateau-mouche. La dernière fois que nous sommes venus c’était pour la tournée Hellraiser en 2006 dans une salle à côté du Moulin Rouge. (Ndlr : c’était l’affiche The Poodles/Krokus/Hammerfall à l’Elysée Montmartre le 06/02/2007).

Tu sors ton second album studio, trois ans après Live and Let Live, vous en avez profitez pour présenter votre nouveau guitariste Serge Christen lors de quelques concerts en Suisse comme à Spreitenbach le 24 août 2024. Comment se sont déroulés ces premiers shows avec une formation totalement différente regroupant notamment deux ex-membres de Krokus : Dom Favez à la guitare rythmique et Patrick Aeby à la batterie ?
Ce fut de très bons shows, bien sûr, Serge était sous pression mais il s’en est très bien sorti. Il n’a pas eu beaucoup de temps pour apprendre les titres mais il a été incroyable, il a une énergie énorme. Il nous a dit qu’il allait s’investir à 200 % et être au top et c’est exactement ce qu’il a fait, on était tous très heureux. Je me souviens aussi que nous avions donné un show quelques semaine auparavant à Sion (Ndlr : mardi 16 Juillet 2024 : ZZ Top/Johnny Symphonique Tour/Silver Dust/Storace) qui était aussi très bon. Il y avait un line up spécial, Serge ne jouait pas avant, nous avions Turi Wicki à la guitare qui jouait sur mon premier opus studio Live And Let Live, il y avait aussi d’autres invités comme Ronnie Romero (Ndr : Rainbow, Michael Schenker Group), Tommy Henriksen qui est le producteur de ce second disque solo Crossfire et qui est un très bon guitariste, et Ryan Roxie (Alice Cooper Band). C’était vraiment sympa, plus tard Serge Christen nous a rejoints et a donné son tout premier show à Spreitenbach. Ce fut mémorable.

Il semble que tout se soit enchaîné très rapidement tu sors ton premier opus en 2021 et tu nous propose le second Crossfire en 2024 ?
En fait, tout a débuté à l’époque de la pandémie de covid-19 en 2020. Nous étions tous confinés à la maison. Je n’avais rien à faire. Krokus avait décidé d’arrêter en 2019. Auparavant, on est parti sur les routes, on a joué dans de grands festivals et en décembre 2019 on a décidé d’arrêter. Ensuite la pandémie est arrivée et au lieu de rester à la maison à ne rien faire, j’ai décidé de me concentrer sur la préparation d’un album solo. C’était aussi pour occuper mon esprit et ne pas penser en permanence à cette tragédie qui touchait le monde entier. Je me suis dit que si je devais mourir, je devrais réaliser un disque solo avant de partir. (rires) J’avais déjà de nombreux textes et de morceaux prêts que j’avais écrits avec un ami, Charlie Preissel, qui était à cette époque, mon voisin et qui jouait aussi de la guitare, il était très bon en lead. Nous avons écrit ensemble le morceau “Live and let live“ qui a donné son titre à l’opus, on en a écrit d’autres comme “Paradise“. Il y a d’autres titres que j’ai composés avec un Anglais, Adrian Fisher, qui est un de mes amis et qui habite à Newcastle. Grace à internet on a travaillé ensemble, on a écrit “High on love“, “Lady of the night“ et la ballade “Don’t wanna go“. Pour le reste, je les ai écrits avec Cyrill Camenzind (guitare) et Massimo Buonanno (batterie). On a composé “Carry the burden “, “No place to hide “, “Love over money “, “Time waits for no one “. C’était très amusant de travailler de cette façon avec un ordinateur. (rires) Ensuite Cyrill Camenzind et Massimo Buonanno ont produit le disque, c’est à cette occasion que nous nous sommes rencontrés en studio. On portait des masques, on se tenait éloigné les uns des autres, on se lavait les mains régulièrement. (rires) On a travaillé ainsi avec toutes les contraintes stupides liées à la pandémie. On a enregistré de bonnes démos de toutes ces idées de chansons que nous avions. Ils louaient le Powerplay Studio, et connaissaient aussi beaucoup de musiciens de session qu’on a invité et on a commencé à enregistrer le disque. Tout s’est vraiment bien déroulé. On l’a très vite terminé et on a joué en streaming, car on ne pouvait pas donner de concerts, tout comme les autres groupes. C’était une situation très étrange. Lorsque l’on a commencé à donner de véritables shows, on s’est rendu compte qu’on était assez populaire, on est donc parti en tournée en Suisse accompagné d’autres formations. Par la suite, j’ai décidé qu’au lieu de travailler avec des musiciens de sessions, je voulais avoir un vrai groupe à mes côtés. Par chance j’ai pu travailler avec deux anciens musiciens de Krokus avec qui j’avais fait Rock the Block et Fire and Gazoline, à savoir Patrick Aeby à la batterie et Dom Favez à la guitare rythmique. Avec Dom, on avait aussi fait Hellraiser. Et puis à la basse, j’ai recruté cette adorable femme, Emi Meyer, qui joue avec beaucoup d’énergie et de charisme. J’avais déjà travaillé avec elle des années auparavant sur deux projets : Rock Circus et This is Rock. C’était une sorte de cirque ambulant, on jouait du rock/metal sous des chapiteaux, c’était très excitant à faire. À la guitare, il y avait Turi Wicki qui remplaçait Jen Pierre Von Dach qui était parti en tournée avec une grande star. Plus tard, comme je le disais au début de l’interview, Serge Christen est arrivé et a remplacé Turi Vicki qui a décidé d’arrêter de tourner pour des raisons personnelles. Des choses comme ça arrivent parfois. C’est la vie d’un groupe. Mais je suis vraiment heureux avec Serge Christen parce qu’actuellement, c’est mon premier guitariste solo pour mon véritable tout premier combo solo. En fait Marc Storace Band est né il y a plus d’une dizaine d’années. Je me souviens très bien d’ailleurs du plus gros concert que nous ayons donné à Lausanne en Suisse, et tu ne devineras jamais qui était la tête d’affiche, une très grande star en France : Johnny Hallyday. (rires) Je voulais te citer ce concert incroyable avec Johnny Halliday car tu es français…

Merci. C’est incroyable. En France Johnny Halliday était et est toujours un véritable dieu, une icone mais en Suisse c’est Krokus. (rires) On n’imagine pas votre succès chez nous dans votre pays mais vous êtes couverts de disques d’or, de diamant, de platine…
Oui, c’est vrai, on en a beaucoup à force.

Pour Crossfire, tu as donc décidé de travailler avec deux producteurs qui ont tous deux fait leurs preuves : Tommy Henriksen (Alice Cooper, Hollywood Vampires, Crossbone Skully) et Olle Romo, l’ingénieur du son de Robert Mutt Lange. Les sessions ont dû être très différentes en comparaison à celles de ton premier opus solo, non ?
Pour moi, c’était vraiment très spécial. Le premier avait été conçu avec des musiciens de studio et le second a été élaboré avec des stars. (rires) Tommy Henriksen a bien voulu prendre du temps pour nous car il est très occupé, c’est un immense honneur pour moi qu’il travaille avec nous. On est de vieux amis, la première fois que je l’ai rencontré c’est lorsque j’ai fait des chœurs pour China (Ndlr : groupe de hard rock suisse qui a débuté en 1985). C’est ainsi que nous nous sommes connus et on est resté amis. Avant de travailler ensemble, on s’est revu en Suisse dans le cadre du festival Rock the Ring (Ndlr : Hinwil Zurich – Suisse le 18 juin 2022) Alice Cooper était tête d’affiche et je devais jouer après lui, je fermais le festival. La plupart du temps ce type d’évènement se termine très tard. On est monté sur scène et on a croisé Tommy qui a regardé notre show, on a été très bon, j’ai adoré le concert et il y a eu un très bon échange avec le public. Après notre prestation, Tommy est venu nous voir et il m’a dit : « Marc je veux produire ton prochain album ». J’ai été très impressionné, je me suis dit : « Hell, yeah ! » (cf. morceau du nouvel album). (rires) Par la suite on a travaillé sur quelques idées, ensuite on s’est revu plus tard juste lui et moi pour mettre en place quelques morceaux. On s’est retrouvé avec beaucoup de titres et le reste de la formation a commencé à enregistrer. Tommy a fait venir des musiciens de son propre combo Crossbone Skully, Anna Cara à la guitare qui est une personne adorable et très bonne guitariste, il y a aussi John Levin qui joue les parties de lead sur “Screamin Demon“. A la fin du disque, il y a cette ballade, le clavier qui joue et qui assure aussi les chœurs est excellent. C’est une chanson très spéciale car elle apparait en dernier un peu comme une surprise.

Justement, le morceau “Only Love Can Hurt Like This“ est une magnifique ballade avec juste un piano et toi au chant, c’est très fort émotionnellement. Que représente ce titre pour toi ?
Tommy et moi sommes de très vieux amis et nous avons vécu de moments difficiles. Lors de l’année où nous étions en train de composer cet album, son père et le mien sont décédés. Ma mère nous avait quittés l’année précédente. On a donc perdu tous les deux notre père la même année, on était très triste dans nos famille respectives. On était tous les deux dans un état d’esprit mélancolique et on a écrit ensemble cette chanson “Only Love Can Hurt Like This“. Les paroles sont écrites d’une telle façon qu’elle peut aussi être interprétée comme une chanson d’amour. C’est ainsi que c’est arrivé, c’était spontanée, j’ai pensé que c’était une belle idée. Tommy a joué du piano et on l’a faite ainsi. Ensuite il m’a dit qu’il connaissait un bon musicien pour assurer les parties de claviers et on l’a enregistré comme ça. Mais le reste du disque c’est du bon hard rock complètement dingue. (rires)

Comment as-tu vécu l’enregistrement au niveau vocal, y a-t-il eu des morceaux qui t’on demandé des efforts particuliers ?
(rires) Je suis très chanceux à mon âge, lors de l’enregistrement, j’avais 72 ans. Je suis en très bonne forme, ma voix est au top, j’ai de la chance d’avoir pu enregistrer les morceaux très rapidement. Tommy était toujours ravi du résultat. (rires) « Tu l’as fait me disait » me disait-il ! (rires) Je prends toujours un bon café avant de commencer à chanter, ça me donne de l’énergie. Mais en tant que chanteur, plus tu vieillis, plus tu perds dans les aigus, c’est l’âge, l’énergie, le pouvoir du physique… C’est naturel au niveau du corps humain. Mais je n’ai pas forcé, je n’essaye pas de chanter comme je le faisais avant par exemple sur Headhunter, où là j’ai atteint les notes les plus hautes que je pouvais, c’était vraiment le top de mes capacités. Aujourd’hui, comme tu peux l’entendre je chante un peu différemment. Bien sûr,  je peux toujours hurler et atteindre des notes très hautes, certains ne le réalisent pas d’ailleurs, mais je n’essaye plus d’atteindre des notes aussi élevées car ce n’est pas important pour moi. Je pense que ce qui est primordial, c’est l’expression par la voix et la personnalité de la chanson, c’est plus important à mes yeux que d’essayer de montrer que tu peux chanter très haut. Pour moi ce n’est pas important d’essayer d’atteindre trois ou quatre octaves, je pouvais le faire quand j’étais plus jeune. Je l’ai fait autrefois. Désormais j’essaye de faire passer plus de personnalité à travers ma voix. Elle est un peu comme un bon vieux vin qui a plus de saveur avec le temps. C’est ainsi maintenant.

En écoutant Crossfire,on ressent une forte influence d’AC/DC avec ce côté plus bluesy qu’on retrouve sur Powerage ou Highway to Hell, qu’en dis-tu ?
Oui, cela a toujours été dans mon ADN, dans mon sang. Je fais ça depuis si longtemps, tu sais, c’est ainsi que je sonne, je ne copie personne, je suis ainsi. Mes plus grandes idoles sont Robert Plant de Led Zeppelin, Ian Gillan Deep Purple aussi, j’adore l’écouter. Roger Daltrey des Who aussi a été une influence quand j’étais jeune. Sa façon de chanter très haut (Ndlr : Il se met à chanter un titre des Who “I’m Free“ extrait de Tommy datant de 1969). C’est ce que je fais. De nos jours je négocie avec ma propre voix, mon expérience, je n’essaye pas d’être Robert Plant ou Brian Johnson. (rires) Et la raison qui fait que l’on ressent cette vibe, AC/DC vient de Tommy qui m’a dit : « Je veux que ton prochain album soit hard rock, je veux faire ressortir le caractère de ta voix a travers les morceaux comme les gens te connaissent depuis des dizaines d’années ». Je sais comment réussir à le faire, ces riffs qui ont une influence blues, c’est ce qui est le meilleur pour ma tessiture, c’est dans mon ADN. Je chante très naturellement avec une ambiance bluesy mélancolique allié à un sentiment de joie. C’est difficile d’expliquer ce qui se passe en moi. Je fais aussi attention aux textes, j’essaye de faire en sorte qu’il y ait de l’émotion qui se dégage des paroles. J’essaye de faire passer ce qui se dégage de mon âme comme sur “Millionnaire Blues“ ou “We all need the money“, “Screamin Demon“ c’est quelque chose que je ne peux pas expliquer. Et puis il y a ce titre “Sirens“ qui est totalement différent du reste de l’album, c’est majestueux, grandiloquent, c’est un peu comme une musique de film, c’est épique. J’ai écrit ce texte qui est un mix entre le mystique, la mythologie et l’histoire, l’odyssée. En même temps, j’aborde le thème de la guerre entre Rome et Carthage, les Phéniciens, deux puissances majeures en Méditerranée occidentale. Les combats sur mer avec les galères romaines. (Ndlr : La première guerre punique ou guerre de Sicile est la première des trois guerres qui opposent Rome et Carthage. Ce conflit, engagé pour le contrôle de la Sicile et qui dura 23 ans de 264 av. J.-C. à 241 av. J.-C., est l’un des plus longs menés par Rome). C’est là que j’ai grandi en méditerranée sur l’ile de Malte. Je me sens très proche de ce type d’histoire. Lorsque Tommy m’a apporté cette musique, j’avais environ une vingtaine d’idées différentes mais je voulais développer celle-ci. (sourires) Je devais le faire, j’ai immédiatement commencé à visualiser les images, c’est assez brutal et poétique en même temps. Avec ma voix et ma façon de chanter, j’ai essayé de transmettre l’émotion que l’on peut ressentir lors d’une guerre, la brutalité des conflits. Cela change, c’est différent du reste des chansons. Au départ Tommy m’a demandé si j’étais certain de vouloir mette ce titre sur le disque, et j’ai répondu « oui ». Pour moi c’est un petit chef d’œuvre. Ce n’est pas grave si ça ne sonne pas comme les autres morceaux. Crossfire est un disque de hard rock et tu as cette chanson épique, très heavy basée sur la mythologie et l’histoire. Et tout se termine avec “Only Love Can Hurt Like This“, un vrai piano/voix ! (rires)

Le 23 mars 2024, tu es monté sur scène au côté de Alice Cooper pour chanter “School’s Out“. J’imagine que ça a dû être un moment important pour toi ?
Oui, j’étais sur la tournée Rock meets Classic et Alice Cooper était la tête d’affiche sur ces dates. J’ai déjà participé à cet évènement plusieurs fois. Lorsqu’ils sont arrivés en Suisse, j’ai été invité pour chanter quelques morceaux de Krokus. Et puis j’ai fait les rappels au coté de Alice Cooper, c’était vraiment bien. Je me suis dit : « enfin je chante ce titre avec le maître lui-même » (Ndlr : Krokus a repris le morceau sur Change of adress sorti en 1986). J’ai adoré être avec eux sur scène, tous ces chanteurs, revoir une nouvelle fois tous les musiciens, l’orchestre. C’était une très belle nuit à Zurich. Je m’en souviendrais toute ma vie, c’est certain. Ensuite nous nous sommes retrouvés au festival Rock the Ring en Suisse (Hinwil Zurich – Suisse), Alice Cooper était en tête d’affiche et on a clos ce festival devant une belle foule. Tommy est venu me voir pour me dire qu’il voulait produire mon nouvel album et j’ai répondu : « Hell, yeah ! ». (rires)

Finalement Krokus est reparti sur les routes, vous avez d’ailleurs joué cet été 2024 dans de nombreux festivals comme en juin dernier au Summerside festival en Suisse ?!
Oui, on a fait une tournée des festivals. Tout s’est vraiment bien passé, c’était en Suisse cette année. On prépare le Monster of Rock Cruise qui a lieu à Nassau du 10 au 15 mars 2025. On va aller à Miami et donner deux shows sur ce navire comme on l’a déjà fait il y a quelques années avant le covid. On est impatient d’y retourner.

Cette année 2024, vous célébrez les cinquante ans d’existence de Krokus, un demi-siècle, c’est impressionnant ! Dans quel état d’esprit as-tu abordé cet anniversaire ?
Je me sens vraiment chanceux car j’ai finalement trouvé ma voie, ce n’est pas toujours facile. J’ai eu des hauts et des bas à l’image de Krokus qui a aussi vécu cela, le business de la musique est très difficile. Mais on a survécu et on est toujours ensemble et cette année on célèbre nos cinquante ans d’existence, en 2025 ça fera cinquante et un ans. C’est incroyable ! (rires) Lorsque je regarde en arrière, il y a tant de souvenirs avec le temps on ne conserve que les bons, on oublie les mauvais et ça devient quelque chose de très beau. Mais je ne suis pas le type de musicien qui a envie d’écrire un livre. Je ferai surement un documentaire filmé ou quelque chose dans cet esprit avant mes quatre-vingt ans ! (rires) Si Dieu le permet et me donne la force physique pour continuer et que ma voix soit encore assez bonne pour chanter, donner des concerts, partir en tournée. Mais je me sens plutôt comme un homme chanceux.

Un peu comme Mick Jagger qui, à 81 ans, continue de chanter et donner des concerts avec les Rolling Stones !
Oui, il est incroyable. Il est plein d’énergie. Je crois que son père était prof de gym ou quelque chose comme ça (Ndlr : Basil Fanshawe « Joe » Jagger fut professeur d’éducation physique). Il fait très attention à lui, il pratique du sport, il est très fin et ne fait pas d’excès. Je vais devoir compter les bières que je bois. (rires) J’aime bien prendre un verre de vin rouge après le show, un verre de vin blanc pendant le concert et aussi boire de la grappa. Tu connais la grappa ? C’est fait avec les restes des grappes de raisin après qu’elles aient été pressées et que tout le jus en ait été extrait. Il prenne ce qui reste pour en faire un alcool fort comme le snaps. C’est très bon et très agréable à boire, ça fait quarante-cinq degrés d’alcool environ. Mais je ne bois pas toute la bouteille. (rires) Juste un ou deux petits verres, un peu comme pour le whisky. On le boit de la même façon. Je suis très reconnaissant et je me sens privilégié de continuer à vivre cette vie. Ce que je fais maintenant, c’est un peu comme la cerise sur le gâteau. J’ai fait de grandes tournées, des albums et maintenant je continue d’une manière plus facile et simple sans dépenser toute l’énergie que je n’ai pour rien.

Pour revenir un peu sur l’immense carrière de Krokus, vous avez eu la chance de travailler avec de très grands producteurs comme sur The Blitz (1984) qui a été produit par trois monstres sacrés de la production : Bruce Fairbairn, assisté des ingénieurs du son Bob Rock et Mike Fraser, ce qui aujourd’hui semble fou ?!
Ça a été une expérience très spéciale, c’était le huitième album que nous avons fait. Dans notre discographie, il se situe après Headhunter qui était totalement différent, c’est certainement le disque le plus heavy que nous ayons fait. Après ça, la maison de disques, le management, le tourneur ont pensé que nous devions composer des morceaux plus commerciaux, de produire un disque qui laisserait un peu de côté le son metal. On est donc parti au canada à Vancouver avec nos morceaux pour enregistrer au Little Mountain studio. Bruce Fairbairn est un vrai gentleman. C’était le patron du studio, il savait ce qu’il voulait. Bob Rock était alors un très bon ingénieur du son qui avait toujours de très bonnes idées. Fernando (Ndlr : Fernando von Arb, guitariste de Krokus) a pu échanger d’une très bonne manière avec lui et c’était un vrai plus pour obtenir le bon son qu’il souhaitait. Bien sûr, c’est valable pour le reste du groupe aussi. Mike était un type très calme, toujours dans le fond de la salle en train de sourire, prêt à donner un coup de main à tout le monde, il aidait beaucoup et était très proche de Bob Rock. C’était bien, on s’est bien amusé avec Bruce même si on se disputait souvent aussi en dehors de la salle de contrôle du studio, on s’embrouillait. Mais il nous a beaucoup apporté et aidé, on a fait avec lui une sorte de thérapie, il nous a enseigné comment gérer les tournées. C’était une très bonne expérience et puis on a enregistré ce morceau « Midnite Maniac » qui est un peu spécial. On voulait vraiment prendre une direction plus mélodique et obtenir une nouvelle dimension au niveau rock. Il y a aussi cette balade « Our Love ». On abordait une nouvelle direction musicale avec tous ces chœurs sur les refrains, on n’avait jamais fait cela auparavant. On avait de très bons morceaux comme « Out of Control“ (Ndlr : il se met à me chanter le refrain). Ça ne sonnait pas sale, c’était très bon et même la première chanson (Ndlr : Il me chante le refrain de « Midnite Maniac »), il y avait beaucoup de mélodie. Certains morceaux avaient même deux refrains ce qui pour nous faisait que nous étions allés très loin vers cet aspect commercial recherché. (rires)

One Vice at Time est sorti en 1982. Il s’agit d’un album majeur dans la carrière de Krokus, un classique, que vous avez enregistré avec là encore un grand producteur, Tony Platt, qui a travaillé sur les albums Higway to Hell et Back in Black d’AC/DC. Je suppose qu’il vous a beaucoup apporté ?
C’était longtemps, tu sais ! (rires) Je me souviens que l’on a travaillé à Londres pour celui-là. On avait quelques morceaux de prêt qu’on avait répété pendant la tournée précédente. On avait joué aux USA et quand on avait un peu de temps. Alors on se retrouvait tous ensemble dans une chambre d’hôtel l’après-midi et on jammait. C’est comme ça que « Long Stick Goes Boom » est née, idem pour « To the Top“. Pour la reprise des Who « American Woman », elle est venue très spontanément sans trop de répétition me concernant. Robert John et Mutt Lange étaient en train de mixer le prochain AC/DC et Malcom Young était là pour contrôler et voir comment mes choses avançaient. On l’a rencontré dans la salle verte, c’est une pièce ou tout le monde se rend pour se détendre, regarder la télé, fumer des cigarettes, il fumait beaucoup. Il y avait une très bonne atmosphère avec Tony Platt, il savait comment gérer les différentes personnalités des musiciens et leur talent pour obtenir le meilleur de chacun sur chaque morceau. Il tentait aussi des choses, il me demandait de chanter de telle ou telle façon (Il se met à chanter un morceau “Playin’ the outlaw“) et voulait que je chante sans cesse de plus en plus haut. (rires) Mais je ne pouvais pas aller plus haut. (rires) Je lui répondais : « oublie, c’est assez pour moi ». C’est ainsi qu’on a enregistré “Playin’ the outlaw“, elle est entière. Lorsque je l’écoute aujourd’hui je me dis : « qu’est-ce que j’ai fait là, comment j’ai pu chanter si haut ?! ». (sourires)

Comme je le disais, Krokus a déjà joué à Paris. Penses-tu pouvoir nous rendre visite en solo aussi avec Storace pour défendre cet album Crossfire ?
J’espère, ça pourrait se faire avec Krokus ou avec Storace. La question est qui viendra en premier. (rires) Je me suis lancé en solo parce que Krokus avait décidé d’arrêter. Ils savent pourquoi j’ai fait ça ce qui fait qu’il n’y a aucune animosité entre nous. On s’entend très bien. Ils m’ont encouragé dans ce projet et m’ont dit de prendre du bon temps. Chris Von Rohr, qui est le fondateur de Krokus, producteur et bassiste, m’a appelé il y a quelques semaines pour me dire qu’il adorait le titre “We All Need The Money“. Il est très heureux pour moi. C’est ce que j’apprécie comme rapport entre les musiciens de Krokus. Je suis le chanteur depuis 1979 et j’ai toujours été loyal avec eux depuis le début. Même si on me demandait de rejoindre tel ou tel groupe, je répondais par la négative car j’étais très heureux avec Krokus. Cela a toujours été comme ça. Ce n’est pas une question d’argent. Ce qui m’intéresse, c’est la créativité, l’art, aimer ce que tu crées, le proposer au public. Suivre ton propre chemin en aimant ce que tu fais. On a essayé de faire cela le plus souvent possible et aujourd’hui on est toujours ensemble en raison de tout cela et du respect que nous avons les uns envers les autres. L’amour de la musique, la création que ce soit avec Krokus ou en solo, alors oui j’adorerai rejouer à Paris. J’en ai parlé récemment avec ma femme lors de mon anniversaire qui a eu lieu le 7 octobre 2024, c’était très récemment et elle m’a dit : « Où veux-tu aller ? » et je lui ai répondu à Paris, je ne plaisante pas. On a un ami français, on va jouer les touristes, venir en privé, une vite romantique dans la ville de l’amour.

Pour conclure, que souhaites-tu rajouter ?
On a déjà sorti trois vidéos “Rock This City“ et “We All Need The Money“ et “Screaming Demon“, puis une autre devrait arriver. On va aussi ressortir Live And Let Live avec un live en bonus enregistré lors de nos shows en ouverture de Kiss, Scorpions et Alice Cooper, ca va être très intéressant à écouter !

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