
Hymns From The Apocrypha marque définitivement la fin d’une ère pour le légendaire combo new-yorkais de death metal. Frank Mullen, chanteur historique de Suffocation, présent depuis ses débuts en 1988 et devenu une référence sur la scène américaine, a raccroché. En conséquence, depuis l’annonce de son départ à la retraite en 2018 après plus de trois décennies dédiées à la cause, Suffocation n’était pas retourné en studio. Désormais, seul Terrance Hobbs, fidèle au poste depuis le début de l’aventure, demeure le garant du savoir-faire musical historique du groupe. Une fois de plus, le guitariste dreadlocké a fait preuve d’un travail colossal sur ce neuvième opus. Au-delà du départ de Mullen, c’est bien l’arrivée de Ricky Myers, pas vraiment inconnu dans le milieu puisque fondateur de Disgorge, qui inaugure cet album. Myers assume désormais la lourde tâche de succéder à Frank Mullen au micro. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la relève semble plus qu’assurée ! On s’en était déjà aperçu en live, notamment au festival Motocultor en 2022 (lire notre live report ici). Ses growls plus profonds et plus lourds s’adaptent parfaitement au style qu’a contribué à popularisé son prédécesseur dans le death metal américain. Et ils sont suffisamment distinctifs pour ajouter une touche de fraîcheur à un ton brut, spontané et sauvage. « Hymns From The Apocrypha » et « Perpetual Deception » sont par exemple des titres marquants mettant admirablement en valeur la performance vocale de, non pas Michael, mais Ricky Myers. Son chant est tout aussi flippant et mortel que le tueur en sérieux de la saga Halloween… Et par conséquent, une chose est sûre, l’atmosphère, elle, est bel et bien suffocante, naturellement, comme toujours chez Suffocation. Comment pourrait-il être autrement d’un autre côté ?
Musicalement, le groupe de Long Island ne prend aucune pincette ici, et évite l’écueil des fioritures de délicatesse. « Hymns From The Apocrypha » nous arrache les tympans dès les premières secondes. Outre sa violence démesurée et sa lourdeur assumée, l’album est avant tout une démonstration technique de musiciens de génie qui, s’ils n’inventent plus rien désormais comme les Incantation ou Cannibal Corpse, continuent dans la tradition à laquelle ils ont grandement contribué au début dans les années 90, l’âge d’or du death metal. Les changements de tempi sur « Perpetual Deception » démontrent tous le savoir-faire du batteur Eric Morotti. Le jeu incontestablement malicieux de Terrance Hobbs continue de croître (« Perpetual Deception », « Dim Veil of Obscurity » « Descendants »). Tapies dans l’ombre, des mélodies techniques et frissonnantes se frayent un chemin parmi des riffs plus lents qui vous crucifient littéralement sur place. Le bassiste Derek Boyer, si impressionnant sur scène en général avec son instrument quasiment par terre avec lequel il laboure le sol des enfers, fait vrombir la bête à cornes, pardon, cinq cordes.
Et lorsque Suffocation repasse à la vitesse supérieure, la pureté de son death metal incisif suffit à donner le vertige. À ceux qui douteraient encore de l’efficacité musicale de Suffo après le départ de Mullen, Hymns From The Apocrypha répond ouvertement un grand : « non ! ». D’une efficacité redoutable, ce neuvième album aussi monstrueux qu’un Balrog, et mortel qu’une avalanche, n’en reste pas moins un pur produit labellisé Suffocation. À l’arrivée, rien de grandement nouveau, certes, si ce n’est le plaisir de s’extasier à l’écoute d’un son made in USA fait maison depuis 1988. Après six ans d’absence hormis un ultime live avec Mullen (Live in North America) en 2021, et malgré ce changement de line up important, Suffocation conserve une seule et même ligne de conduite musicale : celle d’un death metal brutal, technique, puissant et efficace. Nom de diou ! [Sainte Louise Guillon & Seigneur Fred]

Publicité