THE AMENTA : Plague Of Locus

Plague Of Locus - THE AMENTA
THE AMENTA
Plague Of Locus
Death/black metal/Indus
Debemur Morti Productions

L’exercice d’un enregistrement de reprises d’artistes plus ou moins connus peut souvent s’avérer risqué, voire carrément casse-gueule, mais ça, The Amenta s’en moque bien, n’ayant pas peur des challenges et de surprendre ses auditeurs en expérimentant toujours plus, quitte à sortir de sa zone de confort du côté de Sydney. Initialement prévu au format EP, Plague Of Locus est né en fait à partir de deux reprises choisies, captées et arrangées lors des sessions en studio de leur précédent opus Revelator paru en pleine pandémie en 2021 (Debemur Morti Productions). Deux titres devaient ainsi figurer en guise de bonus sur ce dernier, mais, à la fois trop éloignés artistiquement de l’album et nos Australiens se trouvant si inspirés par ce nouveau projet, ces derniers ont préféré concevoir et développer à part un EP dans cette veine, débouchant aujourd’hui sur ce finalement cinquième album au format LP.

Sur Plague Of Locus, tout le monde y trouvera son compte, que ce soit leurs auteurs originaux, leurs interprètes, qui sortent ici de leur léthargie après divers concerts et festivals repoussés ces deux dernières années à cause de la pandémie (ils se sont récemment produits en première partie d’Emperor dans un gros festival national), ou auprès des fans et non fans. Outre une dispensable intro en préambule qui a au moins le mérite de vous mettre dans une atmosphère industrielle glaçante et plutôt inquiétante, à l’image de la musique de The Amenta, le quintet s’attaque et se frotte directement à du très haut puisqu’il s’agit du titre « Sono L’Anticristo » de la diva américaine d’origine grecque, Diamanda Galas, totalement customisé dans un metal extrême indus plus que réussi. Suggéré par le chanteur Cain Cressall, cette première reprise s’avère violente et véritablement bluffante. En toute logique, s’en suit une reprise d’un artiste tout aussi singulier, ou plutôt un groupe en l’occurrence ici, qui les a fortement influencés : Killing Joke. Il s’agit de la chanson « Asteroid » et là, forcément, The Amenta excelle dans le registre punk/metal/indus, boostant l’original figurant sur l’album éponyme de 2003 des Britanniques où l’on retrouvait, pour rappel à l’époque, Paul Raven (R.I.P.) et un certain Dave Grohl… Sur des riffs de guitares bien heavy, la voix de Cain Cressall oscille entre celles de Jaz Coleman et Rob Zombie alors que les samples et claviers envoyés par Timothy Pope embellissent le tout mais avec un côté organique, sans prendre le dessus sur les instruments rock traditionnels. Catchy et puissant, là encore un sans-faute.

Et pourtant, dans ce style si particulier qu’est l’indus, on sait que l’ambiance est primordiale. Aucun problème pour ce côté-là sur ce disque. Ces sonorités électroniques glaciales et ses rythmiques répétitives, voire martiales qui caractérisaient les périodes indus de Killing Joke ont nourri depuis la tendre enfance, de près ou de loin, les membres de The Amenta, parmi bien sûr d’autres influences plus ou moins mainstream ou underground que l’on découvre ici au fur et à mesure. Comme sur le très osé et difficile « Angry Chair » d’Alice In Chains. The Amenta le transforme intégralement tout en conservant l’âme du morceau si lourd et fragile. Le rendu est extrêmement heavy et dark, mais la mélodie et l’ambiance sont préservées. Comment ne pas penser un instant au défunt Layne Staley parti trop tôt, qui l’aurait apprécié sans aucun doute. Franchement, chapeau car plus d’un artiste a essayé de se frotter à ce monstre du rock grunge (voire doom sur certaines chansons) toujours vivant, mais peu ont réussi. Y’en a qui ont essayé, mais ils ont eu des problèmes ! En parlant de doom rock ou metal, une version de « Black God » là encore totalement revisitée des cultissimes anglais de My Dying Bride apparait tout à la fin de l’album. Son chargé de programmation et responsable des samples, Timothy Pope, nous confiera sa grande admiration pour ce pionnier du doom metal lyrique, avec un chef d’œuvre comme Turn Loose The Swans. Preuve de bon goût au passage.

Mais entre-temps plusieurs clins d’œil sont rendus à des acteurs de la scène metal extrême australienne, comme Nazxul (« Totem ») ou Lord Kaos (« Crystal Lakes »), auxquels malheureusement, nous sommes plutôt étrangers, nous européens. D’après les dires de Timothy Pope, ce sont des influences locales fortes chez The Amenta dans l’underground black metal australien, prédominé aujourd’hui par Deströyer 666 ou Ruins. Le titre de Lord Kaos rappellera le répertoire le plus agressif de Dimmu Borgir ou Emperor. Autre dédicace nationale dans un genre différent et prouvant l’éclectisme musical du quintet : « Rise » par Halo, formation connue peut-être par certains grâce à un ultime album sorti chez Relapse Records, Body Of Light en 2003, avant de s’éteindre en 2005. L’extrait présent figure par contre à l’origine sur l’album Guattari (From the West Flows Grey Ash and Pestilence) (Embryo Rec.) et parlera aux fans les plus érudits. Ça donne dans le doom/sludge/indus contemporain à la Godflesh pour résumer. Tout cela est entrecoupé au milieu du disque par un titre plus expérimental, « A Million Years » signé Wolf Eyes, un groupe américain méconnu de noise music. Là, on descend carrément dans les limbes du dark ambient noisy. Enfin, seule nouvelle composition inédite du cru 2023 de The Amenta, la chanson-titre « Plague Of Locus », tout simplement, donne une bonne photo sonore du groupe australien de ce qu’il sait faire grâce à ses influences, à savoir un morceau brutal, catchy, mêlant presque new metal brutal à la Iowa de Slipknot, l’indus de Godflesh, à un black/death froid comme l’hiver. Serait-ce un indice de la direction musicale à venir que nos cinq énervés risquent de prendre ? Avec eux, tout et son contraire sont possibles, ne le sachant pas encore eux-mêmes. De toute façon, ce qu’ils aiment, à l’image de cet album de reprises vraiment détonnant, c’est d’aller là où on ne les attend jamais… [Seigneur Fred]

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