THERION : L’hydre à trois têtes

Témoignage de la créativité sans bornes de Therion pendant la pandémie, voici déjà le troisième volet de la saga Leviathan qui sort ce 15 décembre 2023. La formation suédoise, pionnière du metal symphonique (après Celtic Frost, bien sûr ;-)), joue donc une nouvelle carte avec Leviathan III, celle d’un album moins machine à tubes que le premier, moins cinématographique et choral que le second. En bref, un dernier opus de la saga à l’attention des initiés et fans de la première heure ! Tels des ambassadeurs de prestige, ses deux frontmen ont gentiment répondu en duo à nos questions. [Entretien avec Christofer Johnsson (guitare, claviers) et Thomas Vikström (chant) par Marie Gazal – Photos : DR]



Voici le troisième et dernier chapitre de votre trilogie Leviathan. Comment chacun de vous deux décririez-vous ce dernier chef-oeuvre Leviathan III ?
Thomas : Ce troisième opus est plus expérimental, parfois progressif et un peu plus ludique que les autres Leviathan de la série. Selon moi, il est très amusant à écouter.
Christofer : C’est clairement l’aventurier de la trilogie. (rires)

J’ai lu que vous aviez écrit les trois disques presque en même temps. Alors, comment avez-vous choisi les chansons à mettre dans le premier, puis le deuxième ou le troisième album ? Quelle différence faites-vous entre ces trois disques ?
Thomas : C’est vrai. Mais ce n’était pas l’idée dès le départ. Nous avons commencé à écrire plus ou moins exactement quand le covid a frappé. Donc, en gros, il n’y avait rien d’autre à faire que d’écrire des chansons, de regarder Netflix et de grossir. En gros, Christofer et moi avons bossé de 9h00 à 17h00 sur l’album tous les jours et d’un coup, nous nous sommes retrouvés avec tellement de chansons que c’était beaucoup trop pour tenir sur un seul album ! Chris a donc eu la brillante idée de faire une trilogie : Leviathan I, II et III. Tout simplement !
Christofer : C’est exact. Nous avons décidé de diviser les chansons pour que chaque album ait un caractère différent plutôt que de faire trois albums qui sonnent de la même manière. Le premier était plus lyrique et axé sur les hits. Le second est en partie orienté tubes, mais contient plus de chœurs, ainsi qu’un côté sombre et mélancolique. Sur le troisième, nous essayons d’offrir aux fans purs et durs ce qu’ils veulent, c’est-à-dire tout sauf les chansons les plus populaires.

Pourquoi avoir choisi l’image du Léviathan pour vos trois derniers albums ? À quoi fait référence cette image selon vous ?
Thomas : Je sais que tu me poses la question sur la raison profonde, mais la vérité c’est que cette trilogie aurait aussi bien pu s’appeler « The Covid Sessions ». (sourires) Mais je pense que Leviathan sonne un peu plus cool quand même… (rires) Si je me souviens bien, Christofer a toujours voulu nommer un disque Leviathan, alors c’était l’occasion.
Christofer : Après avoir eu un serpent de mer et un dragon biblique sur le second, ça m’a fait du bien d’avoir quelque chose de différent pour le troisième. Elle s’appelle la Croix du Léviathan. En alchimie, c’est le symbole du soufre. Divers groupes spirituels peuvent en avoir leurs propres interprétations.

La musique de Therion est complexe, avec de nombreux instruments et des voix entrelacées, et tout un tas d’arrangements. Comment composez-vous votre musique ? Quel est votre processus ?
Christofer : Dans le passé, j’écoutais juste une chanson dans ma tête et j’essayais de transférer la musique intérieure dans le monde réel.
Thomas : Pour moi personnellement, ça commence presque toujours par l’idée d’une mélodie. Sans une bonne mélodie, vous pouvez trouver n’importe quel riff cool, mais vous n’aurez pas une chanson et pas un bon duvet pour l’entourer. C’est ce qu’on appelle un arrangement. Je sais que certains musiciens ne seraient pas d’accord avec cela. Mais c’est comme ça que je vois les choses. Donc, ça commence avec une idée que Christofer ou moi avons. Presque mûre ou alors à un stade très précoce. J’ai aussi beaucoup d’images dans la tête quand j’écris : mon esprit doit être comme une mer orageuse ou un Tyrannosaurus Rex schizophrène ! (rires) Je ne pense jamais en termes d’accordage en do ou en ré. J’essaie de créer une chanson pour toucher grâce aux émotions et lui donner une dimension presque cinématographique. Chris et moi avons développé une relation très forte sur le plan personnel et professionnel pendant la pandémie. Je comprends en quelque sorte ce qu’il recherche dans une chanson. Et il sait ce qu’il peut faire sortir de moi. C’est une pure alchimie !

Vous avez été l’un des premiers groupes dans les années 90 à combiner des éléments symphoniques et du metal. Vous avez certainement inspiré de nombreux groupes, mais vous, qui vous a inspiré à l’époque ?
Christofer : Je suis presque sûr que nous avons été le premier groupe à le faire dans les années 90. Mais Celtic Frost a été le pionnier de ce domaine et l’a déjà fait en 1986-1987 (Ndlr : l’album précurseur Into The Pandemonium). C’était l’une de mes principales inspirations à l’époque. On pouvait d’ailleurs l’entendre sur nos albums Symphony Masses : Ho Drakon Ho Megas en 1993, et Lepaca Kliffoth en 1995. D’autres sources d’inspiration ont été l’album solo d’Uli Jon Roth Beyond the Astral Skies qui comporte des éléments symphoniques. Plus tard, je me suis beaucoup intéressé à Atom Heart Mother de Pink Floyd et à beaucoup de groupes de rock progressif et symphonique des années 70 qui utilisaient des éléments symphoniques.
Thomas : Si les gens savaient ce qu’on écoute dans le bus de tournée, ils seraient probablement très surpris parce que ce n’est presque jamais du metal. Il y a beaucoup de Beatles, d’ABBA, de Old Schlagers et ainsi de suite. Si on écoute du metal, c’est souvent Judas Priest, Accept, Black Sabbath, Alice Cooper, etc. Les groupes classiques, quoi. J’ai grandi avec KISS, Sweet, Alice Cooper et Queen mais aussi avec beaucoup d’opéra puisque mon père était chanteur d’opéra. Je suppose donc que les réponses sont là. Faites cuire le tout ensemble dans une casserole pendant un moment, remuez, servez et… vous avez Therion. (sourires)

Therion s’est produit au Hellfest l’année dernière (2022) en France. Aimez-vous jouer dans des festivals avec des sets plus courts ? J’imagine que ce genre de configuration demande d’adapter le répertoire. Et comment avez-vous ressenti la foule ?
Christofer : Les festivals ont leur charme et j’aime bien parce qu’il y a beaucoup de gens qui ne sont pas vos fans, mais qui sont un peu curieux de découvrir le groupe. Cela vous donne donc l’occasion de gagner un nouveau public.
Thomas : J’adore jouer dans les festivals. J’adore me produire partout, mais le seul bémol est la longueur du set. Tu n’as pas le temps de dire « ouf » que tout est déjà terminé. Le contact avec les fans et le rugissement de la foule est la meilleure injection de vitamines au monde. Je ne peux comparer à rien le sentiment qui m’envahit quand un millier de personnes chantent quelque chose que j’ai écrit sur mon canapé.

Enfin, quels sont vos prochains projets de Therion ? Allez-vous faire une pause après cette trilogie des Leviathan qui s’achève ?
Thomas : Le plan après la sortie est de partir en tournée. Nous commencerons à Mexico par un grand concert avec un orchestre symphonique et une chorale. (Ndlr : tiens donc, comme un certain Septicflesh qui publia ensuite son live symphonique en 2020 : Infernus Sinfonica MMXIX…) Et puis nous prendrons ensuite la route pour le reste du monde. Je suis sûr qu’on fera juste une courte pause créative après cela. Mais il y aura beaucoup d’autres albums de Therion à l’avenir, ça c’est sûr. C’est une promesse !
Christofer : Après la tournée, pendant la pause, j’utiliserai mon temps libre pour sortir quelques projets parallèles que je voulais faire depuis un certain temps : un deuxième album avec Luciferian Light Orchestra ; et je veux aussi réaliser un album de heavy metal traditionnel des années 80.

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