Loin d’être la terre promise du metal, l’Israël depuis les années 1990 a toujours livré de nombreuses pépites en matière de death, doom ou black metal dans lesquelles se mêlaient influences du Proche-Orient (Orphaned Land, Salem, Distorted, Melechesh…). En dehors des sentiers battus, dans les tempêtes de sables tourmentées de l’actualité, nous apparaît la musique de Tomorrow’s Rain. Sa première approche peut sembler brutale et amère. Mais dans ce grésillement vocal réside toute la force mélancolique de Tomorrow’s Rain. Si le groupe de Tel-Aviv a connu quelques frayeurs et un petit temps d’arrêt à la suite des problèmes de santé de son chanteur Yishai Sweartz (lire notre interview ici), ce dernier semble avoir recouvré des forces. À travers Ovdan, second opus, le crooner de la formation se livre sur ses peurs et ses pertes, son gothic/doom metal étant là un véritable exutoire. Les thématiques abordées et l’atmosphère sombre et pesante de l’album dégagent une aura tout à fait particulière…
À l’image du Christ portant sa propre croix, Ovdan constitue à lui seul un chemin de résilience (« Convalescence ») sur lequel les fardeaux s’amenuisent à mesure que l’on accepte la vie qui s’offre à nous. Son caractère spirituel n’est pas d’ordre religieux, mais provient davantage ici de l’expérience de la vie qu’il nous communique. Guérir de ses blessures est un moment délicat plein d’émois et de fragilité et c’est ce que traduit à merveille la musique de Tormorrow’s Rain sur ce deuxième album (« Roads » et ses influences jazzy). Les quelques douces et frêles mélodies de guitare qui se baladent, contrastent avec les rythmes lourds, les riffs noirs heavy et agressifs (« Roads », « Muaka » avec la voix ténébreuse d’Attila Gábor Csihar du célèbre Mayhem). Sur « Burning Times », l’usage des claviers aux accents gothic ajoutent une certaine éloquence à la voix de Jan Lubiztki (Depressive Age). Pour cette collaboration, la voix du chanteur ici invité colle parfaitement à ce morceau que l’on porte littéralement sur ses épaules. La musique s’étend de tout son corps sur nous, et les cris de Yishai Sweartz nous étouffent lentement. On suffoque petit à petit, comme lui a pu souffrir durant son problème de santé (cœur) sans n’avoir de cesse de vouloir sortir la tête de l’eau.
Au gré de nos émotions, les onze chansons (dont une version bis façon gothic rock de « Turn Around ») jouent ainsi à cache-cache entre cette ambiance fantomatique (« Sunrise ») et la voix enragée de Yishai Sweartz. Son chant au timbre d’une violence rare est un atout de choix pour ce nouvel album, et va peut-être encore plus loin que sur l’album précédent Hollow (2020). Après la pluie et la tempête, vient alors le beau temps (« Rainbow », petit interlude musical d’un peu moins de deux minutes). La douceur s’empare peu à peu de cette dernière partie de l’album et nous laisse face à face avec la mort, celle qui nous frôle à chaque instant mais qui ne nous a pas encore ôté la vie, histoire de nous rappeler le fameux adage chrétien « Memento Mori » qui a inspiré dernièrement aussi Marduk. Mais l’heure n’était donc pas venue pour les membres de Tomorrow’s Rain qui signent un second essai d’aussi bonne facture que le premier à ceci près que sa genèse semble beaucoup plus mature. Sa multitude de collaborations (huit cette fois, alors qu’on en comptait onze dont celle avec Spiros Antoniou (Seth) ou Nick Holmes (Paradise Lost, Bloodbath, Host), si elle est de nouveau riche et intéressante, apportant notamment beaucoup de variété vocale, aurait pu cependant être plus dispensable par moment, afin d’affirmer un peu plus sur Ovdan l’identité des Israéliens, le cap du second album étant généralement celui de la confirmation. Mais pardonnons ce péché, Ovdan reste un disque musicalement imposant par sa pesanteur et lourd de sens dans ses paroles et ses silences (« I Skuggornas Grav »). [Louise Guillon]
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