Après vingt ans ans de carrière, Tsjuder n’a rien perdu de sa superbe ! Composé de neuf titres d’une intensité extrême rare, Helvegr dégage une aura et une énergie satanique sans pareille dans le black metal contemporain. Dès les premières notes, « Iron Beast » pose le décor. L’auditeur est happé dans un tourbillon de haine dans lequel les riffs de guitare cinglants de Draugluin se déchaînent. Cette musique au service de Lucifer et de ses noirs desseins se poursuit avec le superbe « Prestehammeren ». Bénéficiant d’un intro magistrale et majestueuse (pour ne pas dire martiale), d’un jeu de guitare massif et puissant et d’une double pédale efficace, la composition se veut imposante. L’aspect titanesque repose aussi sur un jeu d’alternance entre blast beats et breaks assuré ici par l’Américain Jon « The Charn » Rice (Umbra Vitae, Uncle Acid and the Deadbeats, et ex-Job For A Cowboy). Si la prestance musicale est jouissive pour les oreilles, les paroles sont quant à elles bien plus sombres et blasphématoires (et donc à ne pas mettre entre toutes les mains !). Le chant très punitif de Nag ne cesse de jouer avec les thématiques chères aux membres du groupe norvégien. La mort, les démons et l’enfer, la destruction, les paysages glacés et les royaumes abyssaux, omniprésents dans l’œuvre de Tsjuder depuis 1993, sont une promenade de santé pour nos trois Scandinaves ici.
Helvegr n’échappe donc pas à la règle et se pose de ce point de vue en digne héritier d’Antiliv (sorti en 2015). À l’image d’un brutal death metal, il serait aisé de rebaptiser leur musique « brutal black metal ». Cette brutalité sans foi ni loi, ils l’empruntent aux styles thrash metal et black metal qui ont vu naître cette férocité sauvage chez leurs pionniers (Hellhammer, Sodom, Kreator, Sarcofago, Immortal, Mayhem… pour ne citer qu’eux). « Gamle Erik », quatrième péché de l’album est tout à fait manifeste de cette sauvagerie extrême. Avec des blizzards implacables de riffs, des blast beats punitifs et des hurlements à glacer le sang, l’artillerie lourde est de sortie ! Violent, impétueux, dynamique, explosif, enragé, tempétueux ou encore diabolique, sont autant d’adjectifs nécessaires pour qualifier ce sixième opus. Celui-ci est à l’image de la rencontre du Niflheim et du Muspelheim, glacial et abyssal. Nihiliste sous tous ces aspects, Helvergr est une œuvre hurlant d’effroi et de terreur. Adoptant une attitude très punk à la Darkthrone (rejet de la société et de la religion) en nettement plus virulent, Tsjuder effectue un retour aux sources du black metal. Beaucoup moins « black rock’n’roll » dans ses sonorités qu’Antiliv cependant, le dernier né de Tsjuder est un hymne de douleur ne laissant que chaos, mort et désolation. À défaut de ces nombreux échos religieux (aussi bien dans les paroles que dans les métaphores que l’on peut associer à l’œuvre de Tsjuder), « Surtr » surprend en rendant un hommage poétique à la culture viking (l’esprit des premiers Burzum n’est pas très loin). Les paroles déclament avec un lyrisme sombre, la puissance de Surtur, géant de feu dans la mythologie nordique. Musicalement, le morceau s’ouvre sur une magnifique intro (une minute et quarante secondes !) qui dénote par le jeu du batteur sur la cymbale ride. Celle-ci résonne comme le glas et annonce la venue prochaine de la fin du monde, le fameux Ragnarök. Et pour célébrer l’apocalypse de laquelle renaîtra le nouveau monde des Hommes sur Midgard, nos trois suppôts de Satan ont invité au micro sur la chanson « Gods of Black Blood » le bassiste Seidemann. Leur confrère de 1349 s’époumone alors au côté de Nag. D’ailleurs 1349 ne devraient pas tarder à sortir eux aussi un prochain album studio d’après notre dernière interview de Frost…
En résumé, tout comme l’ensemble des sorties (albums et EPs) de la horde d’Oslo, Helvergr ravira donc les fans du black metal de la première heure. Sans renouveler le genre, les membres de Tsjuder prouvent qu’ils sont encore dans la fleur de l’âge en nous proposant ce qu’ils savent faire de mieux : du black metal sauvage, puissant et survolté. Comme quoi, la tradition a parfois du bon. [Louise Guillon]
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