Du black/death metal peut-il être encore du metal extrême lorsque la fureur de la double pédale, le chant guttural et les guitares mugissantes manquent à l’appel ? « To be or not to be black/death metal, that’s the question » pourrait-on s’interroger, mais pour Vincent Crowley, qu’importe ! À l’écoute du dernier né de l’ancien révérend de l’Église de Satan, poste dont il a démissionné après la mort de son fondateur légendaire Anton LaVey en 1997, Anthology of Horror n’est pas simplement une pierre de plus à sa discographie. Non, c’est bien plus que ça pour le chanteur et ex-membre d’Acheron et Nocturnus, plutôt discret depuis le split d’Acheron. Mais alors qu’est-ce ? Pour tenter d’y voir plus clair dans cette obscurité machiavélique où règnent les pires horreurs, revenons au commencement, ou plutôt à la renaissance de Monsieur Vincent Crowley. Après le split d’Acheron donc, en 2018, il lança son nouveau projet sous son propre nom, à l’instar de notre ami Kerry King actuellement (malgré la pagaille de communication avec la reformation live dans le même temps de Slayer, mais ça, c’est une autre histoire…). En pleine pandémie, il publia alors Beyond Acheron chez Hellhammer Records comme album de transition après la mort de feu Acheron, et introduction à son œuvre solitaire (même s’il est entouré de quatre musiciens ici). Malheureusement, ce premier LP passa quelque peu inaperçu…
Et voici qu’en février 2024, débarque Anthology of Horror. Ce second essai nous propose visuellement tout ce qu’il y a de plus kitsch en s’inspirant des classiques de l’horreur made in USA. Une maison hantée au clair de lune, couleur vermeille, sont à première vue, les seuls indices dont nous disposons. Pourtant c’est bien ici, à travers ce premier contact physique que l’album que débute. C’est parti pour un voyage à travers l’univers horrifique tout droit sorti de l’imaginaire de Vincent Crowley. Passé cette première porte, l’intro ne nous laisse que peu le temps pour prendre nos marques. Digne des grands films d’horreur des années 80-90, l’intro est classique, simple et répétitive mais efficace. Composée à la manière d’une bonne vieille B.O. d’un film de John Carpenter, elle devient vite entêtante et créer une atmosphère inconfortable et oppressante.
Quelques notes suffisent donc à nous mettre dans l’ambiance avant de nous faire entrer dans la maison du diable (« Amityville’s Horror »), en clin d’œil à la fameuse lampe de la série des films Amityville (qui ont bien mal vieilli au passage), inspiré des meurtres familiaux dans le Comté de Suffolk et la commune d’Amityville, près de New York. S’impose dès les premières notes un rythme lourd et latent quasi doomesque. Le chant de Vincent Crowley, plus sage que lors des années Acheron, s’inscrit dans un registre similaire à celui de Chuck Shuldiner. Ce premier titre, « Amityville’s Horror », nous ravit par son solo de guitare qui rappelle les grandes heures de gloire du death metal US des années 90. L’album se poursuit avec « That Which Lurks Below the Sea » dont le solo de guitare semble s’éloigner dans un écho lointain. Pourtant le mal ne s’avère jamais très loin et ce petit effet permet de garder une tension de plus en plus palpable. Les voix en chœur qui accompagnent les derniers instants du morceau renforcent le sentiment d’être plongé une nouvelle fois au cœur d’un classique de l’horreur. « Under the Hanging Tree » ne déroge pas à l’ambiance générale qui prend progressivement ses aises. Toutefois, le titre se range musicalement du côté d’un heavy/doom metal très sombre mais frissonnant de plaisir.
« Blood Moon Lycanthropy » s’inscrit dans la même veine tandis que sur « Nowhere to Hyde », les passages narratifs apportent un peu de nouvelle matière à l’aura maléfique qui rôde. « Gods of Crimson Cullings » annonce quant à lui un retour vocal un peu plus death. « Killer (King Diamond Cover) » est un bonus track qui s’inscrit parfaitement dans l’esprit de la playlist décrite et décryptée jusqu’à présent. Cette chanson bonus s’avère être une conclusion de choix à cet album. Cette Anthology of Horror est donc un véritable jeu d’images et de textures tout aussi efficace que du brutal death metal. Les influences musicales sont vastes : heavy, doom, dark, black, et death metal. Tout le monde y trouvera son compte, dans une approche toutefois plus mélodieuse qu’un bon vieux Necrophagia ou Cannibal Corpse en matière de gore metal.
Le retour du méchant Vincent Crowley au kitsch des années 80 ravira ainsi les plus nostalgiques d’entre nous, alors que d’autres verront là un manque d’originalité dans les paroles et visuels. Vincent Crowley signe toutefois un second opus solide, quoi qu’on en dise, avec une patte artistique bien claire et définie. Anthology of Horror,loin d’être monolithe et uniforme, affiche d’emblée ses ambitions (artwork et intro) et sa diversité, avec des chansons ayant chacune leur identité, et réussit à faire de nous des proies vivantes de la maison au mille horreurs. [Louise Guillon]
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