À notre arrivée le mercredi soir, impossible de résister à l’appel du café situé à l’entrée du village : quelques bières et un schnaps pour accompagner, c’est un rituel incontournable. Le voyage s’est bien passé, et nous sommes remplis d’espoir, tant pour la musique que pour la météo qui fut très humide l’an passé. Le lendemain matin, faute de taxi, c’est un combi de la gendarmerie qui nous dépose à la tente des accréditations. Surprise agréable : Metal Obs’ reçoit un accès illimité aux scènes principales, sans doute une récompense pour cinq ans de fidélité. Pour rentrer, une dame sympathique nous prend en stop et insiste pour boire une bière avec nous. « Das ist Wacken ! » [Texte et photos par Sante Brocollo]
MERCREDI 31/07/2024
Butcher Babies : Démarrage prometteur
C’est la première fois que l’on voit le groupe américain avec une seule chanteuse, vêtue de manière plus conventionnelle que par le passé. Fini les soutiens-gorges réduits à quatre bouts de toile isolante. Heidi Shepherd, l’unique frontwoman restante des Butcher Babies, se donne à fond sur scène. Elle chante juste, met une ambiance de folie, bien soutenue par les trois musiciens, heureusement ! Le public est conquis ! Même si le show a perdu un peu de sa folie avec le départ de Carla Harvey, l’autre growleuse, cette entrée en matière reste néanmoins réussie.
Girlschool : L’assurance
Dès que Girlschool monte sur scène, nos doutes s’évanouissent. La formation culte de heavy metal british s’impose immédiatement, la guitariste lance un riff ravageur et tout le monde suit. Nous avons droit à treize morceaux joués sans complexe, dont deux reprises intéressantes : « Race with the Devil » des Guns et « Bomber » issu de l’album du même nom de Motörhead. C’est simple, efficace et bien exécuté, et les spectateurs ne s’y trompent pas.
The Warning : La surprise du jour
On profite de ce séjour allemand pour aller voir The Warning, un groupe de rock mexicain de Monterrey composé des trois sœurs Villareal. Quelle surprise ! Les riffs sont accrocheurs, l’énergie déborde sur scène, et leur batteuse est tout simplement phénoménale. Une belle découverte que beaucoup de festivaliers soutiennent avec enthousiasme. C’est aussi l’esprit festival : découvrir !
Les fans sont là, de tout style. Et la gente féminine n’est pas en reste. Elle est de plus en plus représentée, alors que le Wacken a longtemps été fréquenté par un public aux trois quart masculin. Les temps changent, tant sur scène que dans le pit, et tout le monde s’y retrouve dans la joie et la bonne humeur, toute génération confondue…
Suzy Quatro : Programmation audacieuse mais adoptée
Sur la scène Louder, nous allons voir avec curiosité Suzy Quatro qui va alors se produire. En prenant nos photos, on peut se dire que le concept semble un peu daté et que les cuivres ne sont pas typiques d’un festival de metal. Mais quelle surprise en sortant du pit presse : une foule présente et très enthousiaste. La raison est simple : le groupe a joué dix-huit morceaux revisitant sa carrière sans artifices, rappelant de bons souvenirs au public…
In Extremo : L’avantage de jouer à domicile
Le dernier concert de la journée est assuré par les Teutons d’In Extremo. Leur mélange d’instruments folk traditionnels et de metal moderne avec un chant très présent est bien connu. Son ascension au début des années 2000 sur le label Metal Blade puis Universal Music les rendit populaire. Sans surprise aujourd’hui, le concert de ces troubadours des temps modernes est bien exécuté, bien rodé, même s’il manque d’originalité par conséquent. Le succès est au rendez-vous. Normal, la formation joue à domicile et le public local est au rendez-vous, une cervoise à la main !
JEUDI 01/08/2024
Rage : Excellent début de journée
Curieusement, Rage, qui fête ses quarante ans d’existence cette année avec son dernier double album Afterlifelines en date, est programmé très tôt dans la journée. Mais les métalleux ne s’y trompent pas et se rendent en nombre au concert, restant actifs tout au long de la prestation. Ils ont bien raison, car la bande de Peavy Wagner délivre comme à l’accoutumée un power metal avec une perfection incroyable : riffs sublimes, vitesse, intensité, précision. Rage a vraiment été programmé trop tôt sur l’affiche.
–>> Notre interview de son leader est d’ailleurs toujours disponible ici :
https://metalobs.com/rage-quarante-ans-de-rage/
Axel Rudi Pell : Les montagnes russes
Ayant interviewé Axel Rudi Pell à deux reprises, et il nous avait confié à chaque fois qu’il hésitait à jouer en Belgique et en France à cause du manque de succès. Quelle réjouissance donc de le voir devant son public ici en Allemagne. S’il est clair que la musique passe mieux qu’ailleurs, il y a des moments où le public décroche parce qu’Axel en fait tellement qu’on en perd le fil du concert et de la mélodie, surtout en condition festival où tout le monde n’est pas toujours bien attentif… C’est dommage, car certains passages sont malgré tout sublimes. Quoi qu’il en soit, il reste un guitariste européen de premier plan. Un show renversant, à l’image du claviériste ! 😉
Accept : Le sommet
Le concert d’Accept est l’une des prestations les plus attendues, et nous n’avons point été déçus. Les seize morceaux, dont « Restless and Wild », « Princess of the Dawn », « Metal Heart » et d’autres classiques, sont interprétés avec une intensité remarquable. Wolf Hoffmann et ses acolytes sont en grande forme et captivent le public venu nombreux. Les mélodies accrocheuses, soutenues par des guitares généreuses en solos et une rythmique en béton armé, séduisent le public. C’est une recette qui ne vieillit pas, tant sur album qu’en live. Mention spéciale pour le dernier morceau joué, « Balls to the Wall ». Bien que marqué par l’absence d’Udo Dirkschneider, Mark Tornillo n’a vraiment pas à rougir de sa prestation.
Scorpions : Un show bien rôdé
À Wacken, Scorpions livre exactement le même concert qu’au Graspop. On ne change pas une équipe qui gagne ! Même si l’on peut finir par s’en lasser à force, depuis cette reformation sans fin… Ici aussi donc, l’album Love At First Sting (1984) est joué intégralement. Même si, comme au Graspop, Klaus Meine ne parcourt plus des kilomètres sur scène, sa voix reste intacte. Il faut dire qu’il a soixante-seize printemps, le bougre !! Respect. Ses acolytes se donnent à fond et électrisent le concert. À noter l’influence croissante de Mickey Dee (ex-Motörhead), qui devient clairement le régulateur de cette légende du heavy metal allemand. Une belle victoire à domicile !
VENDREDI 02/08/2024
Beast in Black : La surprise du jour
Le premier groupe de la journée nous vient de Finlande et délivre un concert plein d’énergie, attirant un public aussi nombreux qu’enthousiaste. Avec The Warning en début de festival, c’est l’autre surprise, même s’ils n’en sont pas à leur premier coup d’essai (trois albums à leur actif parus chez Nuclear Blast !). Le chanteur Yannis Papadopoulos court d’un bout à l’autre de la scène et les musiciens, dont les deux guitaristes, s’en donnent à cœur joie. Un power metal joué avec talent qui ne laisse personne indifférent ! À revoir très bientôt, et ce sera le cas puisque nous les recroiserons au festival Motocultor ce même mois d’août, mais en France.
Feuerschwanz : La confirmation
Feuerschwanz est le groupe de folk metal qui avait enflammé Durbuy en Belgique, il y a quelques moi,s et qui joue maintenant devant son public. Pour rappel, cette troupe costumée se distingue par son rythme intense et l’association d’instruments modernes et traditionnels (violons et cornemuses). Tout au long des seize morceaux proposés, la foule chantera et dansera. Le succès est mérité et constitue un moment fort de la journée.
Les fans de Feuerschwanz sont également au rendez-vous, et en famille, s’il-vous-plaît ! Le groupe récoltant un joli succès outre-Rhin ces dernières années…
Gene Simmons Band : On ne change pas une formule qui gagne
On se rend vite au concert de Gene Simmons, le légendaire bassiste de Kiss. En fait, ce sera un véritable show, le maquillage en moins. Nous avons droit à dix morceaux de Kiss (dont « Deuce », « War Machine », « Calling Dr Love » et « Rock and Roll All Nite ») et deux compositions de Gene Simmons. L’avant-dernier morceau est « Ace of Spades » (Motörhead), chanté pas si mal que cela par le batteur Brian Tichy. Que dire de ce show sinon qu’après plusieurs décennies avec Kiss, Gene Simmons continue tout simplement ! Il semble s’amuser et n’hésite pas à impliquer le public. Pas le plus génial, mais agréable à voir.
Blind Guardian : Tout simplement superbe
Blind Guardian n’a plus besoin de prouver sa réputation, et jouer sur ses terres, là encore, assure un concert réussi. En fait, c’est plus qu’un bon concert : c’est l’un des meilleurs du festival. Dès les premières notes, le Wacken s’enflamme, porté par des guitares et des riffs endiablés, bien managés par un chanteur très à l’aise, le toujours aussi sympathique Hansi Kürsch. C’était LE concert à ne pas manquer ce jour-là avec celui du bassiste de Kiss. Si vous n’étiez pas là, sachez qu’ils seront de retour en France l’état 2025 au festival Motocultor.
Korn : Une prestation qui ne peut laisser indifférent
On change d’ambiance et de style musical, passant du power metal épique à du new metal qui se maintient malgré les années. Dès le début du concert, Jonathan Davis annonce que le thème de la mort de sa seconde femme, décédée d’une overdose, planera sur l’ensemble du show. Désolé… Deux titres de l’album Issues sont joués, et le chanteur américain évoque lui-même ce sujet sur scène. Musicalement, rien de nouveau, mais Korn est en très bonne forme quand même.
Watain : un final attendu
Pour la dernière prestation du jour, on délaisse Avantasia au profit de Watain où, tout au long du montage de la scène déjà, on sent la lourdeur et la noirceur du concert qui s’annoncent… Dès l’entrée en piste, le fan de black metal (ou non) est emporté dans cette ambiance satanique et l’on ne peut qu’assister bouche bée aux facéties présentées par notre ami Eric Danielsson (lire notre dernière interview du chanteur ici). Mais le spectacle n’est pas que visuel, Watain offre une performance musicale des plus consistantes qui se confond à merveille avec le décor. La communion est totale. Un concert de Watain, c’est avant tout une expérience unique. Bon nombre de personnes dans le public s’accordent à penser que l’on avait gardé le meilleur pour la fin.
SAMEDI 03/08/2024
Raven : Aucune surprise, mais que cela fait du bien
Place à un des acteurs de la fameuse NWOBHM. Les concerts de Raven ne laissent généralement pas de place au doute. Les (autres) frères Gallagher, bien plus vieux ceux-ci que ceux d’Oasis car apparus sur la scène metal britannique en 1974, garantissent toujours un heavy metal soutenu par une guitare omniprésente. Les solos se multiplient à la six cordes, et les trois musiciens se donnent à fond. Un début de journée qui met en appétit.
Dragonforce : La surprise du jour
Dès l’ouverture, le décor de la scène impressionne, et le combo britannique se fond parfaitement dedans. Nous assistons à un concert intense où les nombreux solos de guitare se relaient avec le chant très présent et virevoltant. On apprécie la présence de la nouvelle bassiste américaine Alicia Vigil (ex-mannequin et actrice), même si nous, Français, on regrette un peu quand même le départ de Frédéric Leclercq (bien occupé à présent entre Loudblast, Kreator, et son prochain album avec son propre side-project Sinsaenum). Outre quelques extraits de son dernier opus Warp Speed Warriors (Napalm Records), Dragonforce se payera le luxe de deux reprises pour le moins surprenantes (« My Heart Will Go On » de Céline Dion et « Wildest Dreams » de Taylor Swift) nuisant en rien à la grande qualité du show. Très bon tout ça !
–>> Notre dernière interview de Dragonforce est à lire ici !
https://metalobs.com/app/uploads/2024/01/MO-Janvier-Avril-2024-DRAGONFORCE-Web.pdf
L’ambiance continue à Wacken en ce dernier jour de festivités métalliques !
Testament : La Joie de jouer
Dès leur entrée en scène, Testament explose, affichant un plaisir évident de se produire. La légende américaine du thrash de la Bay Area, qui aurait très bien pu faire partir du Big 4, enchaîne de nombreux morceaux répartis sur deux albums essentiellement The Legacy (huit titres) et The New Order (sept titres), concluant avec un solo de batterie magistral signé du petit nouveau, Chris Dovas. On connaît bien leur recette, et une fois encore, elle est parfaitement exécutée. La playlist est, certes, hypra classique. Mais bon, Chuck Billy, avec toujours autant de coffre au chant, mène avec maestria ses troupes grâce aux riffs dévastateurs de la paire Eric Peterson/Alex Skolnick et un Steve DiGiorgio impérial qui captiveront le public du début à la fin.
Behemoth : Un Sommet de puissance
Comme à son habitude, Adam Darski annonce la couleur dès l’introduction : préparez-vous à une performance d’une intensité écrasante. À Wacken, Behemoth ne déçoit jamais, bombardant le public avec treize morceaux qui plongent l’audience dans leur univers sombre et extrême. Impossible de rester indifférent ; Behemoth ne fait aucun compromis et livre un set sans concession.
Cradle of Filth : Prise de risque récompensée
Un concert de Cradle of Filth est toujours imprévisible, et c’est avec une certaine curiosité que nous nous dirigeons vers la scène Louder pour voir les anciens rois britanniques du black metal si populaires dans les années 90. Peut-être est-ce la magie de Wacken, mais Dani Filth et ses sbires offrent là une performance pleine d’énergie et d’envie. Le frontman arpente la scène avec fougue, entraînant le groupe dans son sillage. La foule ne s’y trompe pas, applaudissant une prestation solide et passionnée. Cela faisait un bail que l’on n’avait pas vu un show aussi réussi. Le Brexit n’aura pas eu raison sur la bande à Dani qui d’ailleurs refera parler de lui en mars 2025 avec un nouvel opus studio en prévision alors qu’il avait publié l’album live Trouble and Their Double Lives tout à fait honorable l’an passé…
Mayhem : Satan au sommet de son art
Cette superbe trente-troisième édition se termine par la prestation démoniaque de Mayhem qui célèbre ses quarante ans d’existence, et illustre ceci à l’aide d’images retraçant l’histoire du groupe culte norvégien. Étrangement, c’est le deuxième jour de suite qui s’achève par un groupe de black metal. À chaque fois, il s’agit là d’un choix payant car, ici aussi, l’atmosphère pesante et malsaine est très bien rendue en live. Le chanteur Attila Csihar part systématiquement de l’arrière de la scène et n’apparaît à l’avant que pour que pour quelques démonstrations d’un goût douteux. Si depuis longtemps sur scène, on a (presque) oublié les guitaristes Euronymous (R.I.P.) et Blasphemer (actuellement dans Vltimas, Ruïm, Aura Noir, et son nouveau superbe side-project Earth Electric avec sa femme qui ne va pas tarder à sortir un second album de doom/stoner dont il nous avait parlé…), il faut bien avouer que Ghul et surtout Teloch accomplissent un sacré boulot, même si l’esprit des années 90 n’est plus. Somptueuse ambiance dans tous les cas partagée auprès des nombreux fans de true black metal conquis ce soir. Bon, maintenant à quand un prochain album studio alors que Daemon remonte déjà 2019 ?
=> Ainsi s’achève le festival allemand Wacken, édition 2024, qui pourrait bien être notre dernier si la relève n’est pas plus active et téméraire… Presque pas de pluie, un peu de soleil, et surtout, beaucoup de chaleur humaine. Même si l’affiche n’était pas la plus impressionnante de l’histoire, Wacken reste Wacken, c’est-à-dire un festival unique, avec une ambiance qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Honnêtement, cela nous fendrait le cœur de ne plus y retourner. Wacken, Germany, we fucking love you !
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