De corps et de grâce, les Marseillais de Corpus Diavolis donnent toujours plus leur corps au diable. Bien loin de nous livrer un black metal juste violent et sanguinaire, le groupe nous offre cette fois-ci l’élixir de l’extase. Occulte et orgiaque à souhait, Elixiria Ekstasis satisfera vos pires envies. Cette perversité, c’est ce plaisir coupable d’écouter cette voix nous susurrer de viles paroles à l’oreille. Les plaisirs de la chair sont un thème cher aux yeux et aux cœurs de nos Français, en témoigne le magnifique artwork d’Elixiria Ektasis mettant en scène la nudité d’une femme entouré d’hommes et de deux femme, et du diable, personnifié par ce bouc, de dos, face à la vierge ensanglantée… Pas question donc de faire pénitence pour les musiciens de la cité phocéenne avec une entrée en grande pompe dans le royaume de Lucifer (« His Wine Be Death »). Éclairé par le feu de l’âme des pécheurs éternels, Corpus Diaviolis trouve son inspiration dans les vices sataniques de l’Homme et de sa nature pervertie par la luxure. Musicalement, cet univers dédié corps et âme à Satan se manifeste par une voix nasillarde et fantomatique (« His Wine Be Death »), des avalanches de blast beats (« His Wine Be Death »), des distorsions (« Menstruum Congressus ») et un coup de double pédale d’une rapidité diabolique (« The Golden Chamber »). Par cette savoureuse décoction, Corpus Diavolis nous fait perdre nos repères (et la tête). Écouter cet album, c’est pécher. Elixiria Extasis est un poison qui contamine nos veines et nous entraîne dans un univers sombre et glauque (l’ultime « Chalice of Fornication »)… Comment ne pas penser alors par moment à la horde satanique des Suédois de Watain dans les incantations blasphématoires des Français ici ?
Formant un diptyque musical avec « Chalice of Fornication », « Enfleshed In Silence » est un morceau très démonstratif de l’ambiance générale qui règne sur c cinquième album. Le black metal de la formation méridionale, loin d’être froid et glacial, nous conduit dans la moiteur et la chaleur des enfers. La musique est très dantesque bien que les paroles ne soient pas celles de la Divine Comédie. Les guitares saturées mais mélodiques de la paire Analyzer et Kericoff, les paroles clamées par Daemonicreator, et les blast beats en rafales de King HaD, se veulent agressifs sans être de la violence à l’état pur. Ce jeu permanent à la frontière de la brutalité est un coup de force majeure sur ce nouveau méfait, trois ans après le remarqué Apocatastase en 2021. Elixiria Ekstasias ne tombe pas dans l’excès de la sauvagerie et de la férocité non plus, mais frôle constamment la mort. Cette mise à nu totale du black metal ne donne qu’un rendu plus sombre et mortifère (son du glas qui résonne sur l’intro de « Carnal Hymnody »).
Corpus Diavolis troque parfois cette ambiance de funérailles métalliques et sataniques pour adopter un rythme plus lourd et saccadé avec une guitare aux riffs plus sombres (« Cyclopean Adoration », « Carnal Hymnody »). Sur le titre « Key to Luciferian Joy », le jeu de batterie entraînant renoue avec le true black metal norvégien des années 1990 (old Darkthrone, Gorgoroth, Mayhem…). La voix maléfique et joueuse de Daemonicreator, constamment dans la pénombre, est un élément fantomatique de l’album. Elle plane comme une ombre maléfique au-dessus de nos têtes et hante chaque chanson. Ne se dévoilant que rarement au grand jour, elle est pourtant loin d’être un simple élément de décor. Elle nous effleure sans qu’on puisse la saisir, elle nous appelle inlassablement dans les ténèbres toujours plus profondes du « corpus diavolis ». [Louise Guillon]
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