Bon sang que ça fait du bien de retrouver la salle du Chato d’O avec son festival The Outbreak qui a enfin pu avoir lieu ! Si l’annulation de la première journée la veille pour cause de cas de covid-19 au sein de Lofofora a déçu plus d’un fan, cette quatrième édition s’est déroulée par conséquent sur l’unique soirée du samedi 26 mars 2022 dans la célèbre salle de Blois avec Point Mort (hardcore-Paris), Déluge (post black metal-Metz), Gorod (death metal technique/Bordeaux), et Loudblast (death/thrash metal/Lille-Paris). À défaut d’une quantité monstre de groupes à l’affiche cette année et notamment de formations étrangères (comme Terror ou Dust Bolt programmées à l’origine en 2020), la qualité était dans tous les cas comme toujours au rendez-vous avec le fleuron de la scène metal hexagonale. [Live report The Outbreak : texte et photos par Seigneur Fred]
Tout autant que les artistes absents, avouons que nous étions quelque peu déçus la veille de ne pas (re)voir Reuno et sa bande des Lofo (lui qui était là avec Mudweiser, son side-project rock stoner, au festival édition 2019 (notre live report de The Outbreak 2019), mais aussi Verdun, Stake, et nos camarades tourangeaux de Beyond The Styx… Snif !
En hors d’œuvre, nous avons cependant pu assister le samedi après-midi à une réunion organisée par la radio Studio Zef et nos confrères de Core and Co autour du thème de la communication dans la musique métal. Les intervenants n’étaient autres que les principaux intéressés et acteurs de la scène metal : le boss Stéphane Buriez, co-fondateur et guitariste/chanteur des célèbres Loudblast en tête d’affiche de cette quatrième édition, et à un niveau plus underground, l’incontournable et proactif Emile de Tours, chanteur et fondateur du groupe de hardcore Beyond The Styx, mais aussi à la tête du Riip Fest et de Riip Asso. Outre ces artistes, le représentant Eric Perrin du festival Hellfest, et Christophe Carneiro, alias « Kermhit », bien connu des concerts et festivals de France et de Navarre, un passionné et activiste omniprésent en région Centre-Val de Loire qui sévit depuis plus d’une décennie d’intense activité avec France Metal.
De longs et riches échanges eurent lieu ainsi devant un public connaisseur, diffusés sur les ondes et le web. Entre souvenirs emprunts d’une douce nostalgie au travers de divers anecdotes, constat sur la communication actuelle pratiquée dans les musiques dites « amplifiées » comme le metal et le hardcore, et l’importance du réseautage, qu’il soit traditionnel comme autrefois, ou désormais numérique. Cependant, à notre grande surprise, aucun média de presse (spécialisée ou même généraliste) n’était représenté dans cette table ronde pour parler de l’évolution de la communication dans le milieu, même si la presse a, certes, tendance à disparaître et devenir multiformes (blog, chaîne YouTube, webradios, etc.). On le sait, les jeunes ne lisent plus et/ou n’ont pas l’argent, et les plus âgés n’ont pas le temps ou souffrent de presbytie… Tout est essentiellement devenu numérique de nos jours et tout va très vite, les réseaux sociaux véhiculant tout et n’importe quoi, du bon et du moins bon. Tout est instantané et superficiel, noyé dans la masse des publications web. Ce sujet fut d’ailleurs largement évoqué durant cette conférence fort intéressante au demeurant. En fin de séance, on notera l’intervention poignante du bassiste Nico de Loco Muerte, au taquet, qui cherche à sortir de l’underground avec son hardcore chicano à la Suicidal Tendencies. Il prépare d’ailleurs un prochain album pour cette année. La question essentielle qui conclura ces presque 1h30 d’émission : quelle est la clé pour percer et gravir les marches sur la scène metal/hardcore de nos jours quand on existe depuis quelques années déjà ? La réponse est multiple, mais ça passe forcément par : un bon réseau, être bosseur, passionné, et travailler sa visibilité sur la toile, et être là au bon moment, les modes se faisant et défaisant, même dans le metal ou le hardcore…
À noter que cette réunion eut lieu dans le cadre sympathique de l’exposition « L’Europe du nord et le metal : une histoire commune » ouverte au public dans l’enceinte du Chato d’O. Celle-ci a été réalisée par Corentin Charbonnier, auteur de sa thèse de sociologie sur le festival Hellfest il y a quelques années, dans le cadre de la convention Firemaster à venir à Chateauroux (36) les 29-30/04 et 01/05/2022.
Après le bla bla, place à la zic’ maintenant car côté concerts, car on est surtout là pour ça, une bonne centaine de personnes s’affairent déjà dans la grande salle pour voir la première formation qui ouvre les hostilités ce soir : Point Mort. Déjà aperçu et repéré live au festival du Motocultor en 2017, ce jeune quintet parisien évolue dans un post-hardcore assez déstructuré et rageur. Sa svelte chanteuse Sam, tout en noir, peut parfois rappeler Candice de feu Eths car elle sait alterner chant clair/growls typés plus hardcore par contre, mais la comparaison s’arrête là, car on ressent déjà une certaine personnalité. L’audience majoritairement blésoise est d’ailleurs attentive dans la salle devant les diverses déflagrations énergiques extraites de ces deux EP R(h)ope (2019) et Look At The Sky (2017) pendant environ quarante-cinq minutes. Sa chanteuse nous confiera en coulisse sortir son premier album Pointless fin avril sur son propre label Almost Famous. Nous vous en reparlerons certainement très bientôt dans nos colonnes. Malheureusement, pour cause d’entretien en avant-première simultanément avec Gorod pour vous, chers lecteurs/lectrices, nous ne pûmes assister au show entier de Point Mort. Mea culpa. Rdv est d’ores-et-déjà pris avec Sam de Point Mort !
À présent, c’est au show bien rôdé de Déluge que nous assistons, avec toujours son concept basé sur l’eau qui coule et de jolies lumières bleues accompagnées de samples, ambiance Le Grand Bleu presque… Depuis son premier album Æther paru en 2015 (Les Acteurs de l’Ombre Productions), Déluge poursuit son ascension. Fort d’une signature avec le label Metal Blade depuis 2020 sur lequel le groupe originaire de Metz a publié son second et remarqué second album Ægo Templo (lire notre interview et chronique). Celui-ci reprenait la même formule que son premier essai, à savoir quelques notes de guitares électriques en arpèges suivies d’un intense black metal à la limite du blackgaze, développant de plus en plus d’atmosphères et de moments de plénitude, avec des rythmiques plombées et plus typiques du hardcore. Le chanteur Les Américains virent exploser il y a quelques années Deafheaven, en France nous avons Déluge qui possède son concept lyrique et des morceaux puissants en live. Le Chato d’O ne s’y trompe pas et lui réservera un très bon accueil. Les amateurs de post black metal aux influences hardcore s’en réjouissent, et il est vrai que tout avec une montée en puissance tout du long même si dès le premier morceau, tout est carré et scotche certains néophytes. La fin de leur set approchant, si le guitariste et principal compositeur FT (François-Thibaut Hordé) est plus discret en général mais ô combien efficace et imposant sur sa Gibson SG noire, à l’autre bout de la scène, le second guitariste, situé à droite, harangue à plusieurs reprises le public à l’aide de sa telecaster afin de mettre davantage d’ambiance tout en remerciant les spectateurs pour leur mobilisation. Quant à Maxime Febvet, tout vêtu de noir, s’impose véritablement même si, comme habituellement dans ce genre musical, la communication avec le public est réduite au silence. Après Regarde Les Hommes Tomber (et non « Sucer », hein les petits malins de Gronibard ;-)) il y a quelques années ici-même lors de la première édition de The Outbreak en 2017 (voir notre live report de l’époque), c’est un autre style de black metal tout autant de qualité auquel nous avons droit ce soir avec Déluge. Rappelons qu’ils sont bel et bien français et ont déjà commencé à se faire un nom en dehors de nos frontières.
Place maintenant à une leçon de techno-death avec nos amis bordelais de Gorod qui, depuis ses débuts en 2005, a lui aussi rapidement fait parler de lui à l’étranger avant d’être plus (re)connu dans l’Hexagone, ce qui parfois prend du temps et se comprend difficilement tant le talent et la générosité respirent à l’écoute et à la vue de nos cinq musiciens ravis de rejouer sur scène après un premier retour live d’abord par chez eux du côté de Bordeaux après deux années de restrictions sanitaires et culturelles. Gorod va alors piocher dans chacun de ses albums, avec peut-être un penchant plus fort pour Process of a New Decline (Listenable Records – 2009). Grâce à un superbe son, le public de connaisseurs se délecte des rythmiques qui tabassent (quel batteur ce Karol Diers !), des envolées guitaristiques signés Mathieu/Nicolas et des growls du chanteur toulousain Julien « Nutz » que l’on n’entend pas toujours par moment, la faute peut-être à un problème de micro à moins que le bonhomme ait perdu la voix à force de tchatcher sur le stand de merch’ avec nous et les fans… La dernière fois que l’on avait croisé le chanteur, c’était à Tours quand il remplaçait au pied levé le chanteur d’Atlantic Chronicles, alors qu’il compte tout de même déjà cinq side-projects en plus de Gorod. Si leur dernier album remonte déjà à 2018 avec le plus discret et concis Æthra (Overpowered Records), un nouveau single « Victory » est interprété ce soir. Celui-ci vient juste de paraître, assez classique et fun, où le groupe se retrouve après ces deux années d’absence. Du pur jus concentré de Gorod ! D’ailleurs, nous avons interviewé en avant-première le guitariste Mathieu Pascal (devenu physiquement le faux jumeau de son bassiste Barby avec son crâne rasé et sa barbe presque à la ZZ Top, en espérant qu’ils ne copient pas sur les défunts frères Bogdanoff en matière d’expérimentation de chirurgie plastique ;-)). Un septième album studio est en cours de réalisation progressive et devrait voir le jour en fin d’année pour Gorod, ou en 2023 au pire, pas de précipitation pour nos Bordelais. Cela sera de toute façon entre-coupé d’ici là par une succession de diffusion de nouveaux extraits. On a hâte d’entendre ça ! En tout cas, super concert de nos cinq gaillards, qui, comme d’hab’ me direz-vous, nous ont encore donné une leçon de techno-death metal à leur façon, ça fait plaisir, et eux se sont fait plaisir aussi. Franchement, la France n’a rien à envier aux premiers Cynic, ni au dernier Obscura ! Alors que font les labels Nuclear Blast ou Century Media pour les signer à présent vu qu’ils sont libres ??! Franchement, on s’interroge parfois.
La soirée est bien avancée quand arrivent enfin en véritables patrons les Louds sur la scène du Chato d’O qu’ils connaissent bien… Ils y jouaient d’ailleurs pour la tournée accompagnant l’album Fragments (XIII Bis Records), produit alors par Colin Richardson, il y a exactement 24 ans et 1 jour. Votre serviteur s’en souvient encore de cette première vraie rencontre en tête-à-tête avec Stéphane Buriez et ses musiciens à la Fnac de Tours en dédicace et interviews avant leur concert à Blois… Que le temps passe vite, mais la passion demeure intacte !
Pour rappel, Loudblast : c’est la référence française death/thrash metal avec 8 albums studio dont le petit dernier Manifesto, plusieurs best of, un split EP culte avec Agressor, divers albums et vidéo live, un passage chez Delarue dans l’émission « ça se discute » au côté de Daniel Guichard sur les musiques non représentées aux Victoires de la Musique, plusieurs concerts au Hellfest, Motoc’, etc. Bref, le taulier né dans la seconde moitié des années 80’s, au côté des No Return, Mercyless, Misanthrope, feu Massacra, Agressor, Supuration,.. Ces leaders de toute une scène appartenant à une, voire deux générations de métalleux qui a grandi depuis et sans laquelle certains groupes ne s’exporteraient pas aujourd’hui hors de nos frontières.
N’ayant pas joué depuis novembre dernier (2021) et après une session sans public au Hellfest from Home l’été dernier (comme No One Is Innocent, Crisix, etc.), nos Ch’tis sont plus qu’enthousiastes, à l’image de son frontman en plein forme, pourtant bien occupé tout l’après-midi et toujours disponible pour ses fans et la presse. La setlist est assez classique et met en avant quelques brûlots de leur dernier album Manifesto (Listenable Records) pour lequel nous vous avions d’ailleurs proposé un hors-série en novembre 2020 (à télécharger ici). Le puissant « The Promethean Fire » met l’ambiance d’emblée, suivi d’un petit « Taste me » (tiré de Fragments) de rigueur qui s’enchaîne comme à l’accoutumée à merveille en seconde position. Notre vieil ami Hervé Coquerel s’est bien remis visiblement depuis sa blessure (grâce à beaucoup de kiné) car il s’était cassé la jambe juste avant l’enregistrement en 2020 de Manifesto (enregistré par Kévin Folley alias « Kikou » (ex-Benighted, ex-Abbath…)) mais ne peut pour autant se dédoubler ce même samedi soir pour son autre groupe, Black Bomb A, qui joue à Montbéliard. A la basse, on notera l’absence scénique cependant de Frédéric Leclercq, probablement bien occupé avec Kreator avec qui, c’est convenu entre Mille Petrozza et Stéphane Buriez, il se partage avec Loudblast aussi, une sorte de garde alternée dans la famille du metal en quelque sorte… ! Son remplaçant n’est pas Jacou (Black Bomb A) puisqu’occupé par son groupe en tournée, mais un sosie de Rex Brown, impeccable sur sa basse rouge.
Le son est fort pour Loudblast, pas toujours des plus propres sur certaines parties, mais les lumières superbes, teintées bien souvent de rouge, alors que le logo blanc du célèbre groupe de death/thrash metal français flotte sur le backdrop derrière la scène. Depuis 1985, les premiers ambassadeurs du metal français à l’étranger, après Trust, et bien avant Gojira, met tout le monde d’accord même si l’audience passé minuit semble se diluer. Putain, Loudblast met le feu pourtant et la période des couvre-feux est révolue ! Les classiques s’enchaînent (« Subject to Spirit », « Emptiness Crushes My Soul »…), entre une gorgée de whisky et un nouveau titre extrait de Manifesto (le méchant « Todestrieb »). Le guitariste Jérôme Point-Canovas (E-Force, ex-No Return…), plus discret sur la droite, fait du bon boulot à l’autre guitare, alors que notre Bubu national devient guilleret au micro. On passe un putain de bon moment !
Sur « Crossh The Threshold », alors qu’il se fait tard et que peut-être il y a confusion, le chanteur/guitariste vient de changer de guitare pour reprendre sa Les Paul blanche éclipse LTD et reposer sa Flying V noire, son fidèle roadie Etienne vient rattraper in extremis l’instrument, soutenant par derrière pendant un bon moment la six cordes de Buriez, pro jusqu’au bout de ses clous sur sa veste à patches, qui continue avec le smile à chanter et jouer avant de repasser sur son autre guitare. Ah, les strap blocks n’ont pas suffi visiblement sur ce coup-là, comme quoi cela arrive même aux plus grands sur scène ! Encore une soirée metal qui fera date dans l’histoire du Chato d’Ô même si l’on aurait aimé voir plus de monde maintenant que les concerts et festivals reprennent un peu partout. Loudblast et les autres groupes passeront un peu partout en France cette année, alors n’hésitez pas à aller les (re)voir. Restons prudents malgré le contexte sanitaire, et soutenons les spectacles vivants et leurs artistes qui en ont plus que jamais besoin aujourd’hui ! [Seigneur Fred]
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