Si leur EP éponyme paru en 2022 (lire notre précédente chronique ici), bien que réussi et cohérent, manquait d’un petit grain de folie et contenait quelques imperfections de jeunesse, Houle semble désormais prêt à dominer les mers et part aujourd’hui à la conquête des océans ! Le groupe parisien (dont certains membres ont quelques origines bretonnes) troque les tsunamis de ses débuts houleux (EP Houle) pour des compositions tout aussi déchaînées et personnelles, toutefois moins brutales, et encore plus travaillées ici. Après une courte « Introduction », on largue les amarres et hisse la grand voile avec un premier titre à la hauteur de nos attentes. Celui-ci s’appelle « La Danse du Rocher ». On passe alors littéralement du calme à la tempête. Le black metal de Houle fait osciller et vaciller le navire dans tous les sens. Après cette forte secousse, la capitaine Adsagsona prend la parole dans un magnifique passage narratif…
« Mère Nocturne » lève l’ancre sur un bref, mais intense, solo de batterie pour sombrer dans les profonds abysses. Ce morceau plutôt noir que bleu pétrole verse davantage dans un esprit black metal (blast beats, screams, guitares en tremolo, etc.). En revanche, les mélodies de guitares de Crabe et Zéyphyr possèdent toujours cette légère teinte de lumière qui nous fait espérer voir le retour triomphant de l’équipage à terre ! Le quintet francilien nourrit cette même atmosphère musicale avec « Sur les Braises du Foyer », avec toujours ces cris déchirants de la chanteuse Adsagsona, à la limite de la rupture… Entre ombre et lumière, la météo maritime changeante et capricieuse nous fait entrevoir une petite éclaircie avec l’interlude « Et Puis le Silence ». Les chorus sur « Sel, Sang et Gerçures » offrent une véritable dimension épique au titre et colore d’un nouvel aspect cet album. « Née des Embruns » clôt parfaitement ce premier essai sans faute. En effet, si ce dernier commençait très fort avec un magnifique titre (« La Danse du Rocher »), il s’achève aussi bien qu’il a commencé.
Cet ultime et monumental « Née des Embruns » s’ouvre, en effet, sur une douce mélodie avançant peu à peu dans une brume marine. Le périple musical va durer pas moins de douze minutes ! Un écho lointain des marées semble retentir avant que ne déferlent des vagues de blasts beats. Les eaux musicales (retour à la mélodie) finissent par s’apaiser de nouveau comme si le chant maléfique des sirènes avait pris fin, et que le charme de la harpie Adsagsona était enfin rompu. Ciel Cendre et Misère Noire est un premier long enregistrement qui reflète la mer dans tous ses états. Il permet à Houle de développer tout le potentiel entrevu sur leur EP, et d’exploiter pleinement (et ce, pour notre plus grand plaisir) le vocabulaire métaphorique marin, déjà abordé par d’autres formations metal comme leurs compatriotes de Déluge ou leurs voisins allemands de The Ocean, mais en version black metal mélodique ici. Au-delà des simples tropes et jeux de mots autour de la mer, Houle a voulu rendre hommage à cette poésie des eaux troublées et des hommes (et femmes) qui tentent chaque jour de conquérir les mers du fait de leur métier, souvent au péril de leur vie. Ciel Cendre et Misère Noire constitue une odyssée vraiment passionnante qui ne demande qu’à continuer ces prochaines années et s’exprimer sur scène. Un passage au festival Hellfest 2024 est d’ailleurs prévu le 18/06/24, puis une tournée automnale qui risque de faire chavirer vos oreilles ! Alors prêt à embarquer et à affronter la Houle ? [Louise Guillon]
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